Donc, nos barons voleurs, qu’en est-il ? Je vous avais promis un ensemble de raisons, voici un ensemble de comparaisons. Munissons-nous d’une machine à remonter le temps, et c’est parti.
Dans le grand jeu du chat et de la souris que se livrent les services d’imposition et les grandes entreprises, celles-ci avaient au XIXe une large longueur d’avance. En d’autres termes, les grandes compagnies de l’époque (on ne disait pas encore multinationales) reversaient une part ridicule de leurs revenus à l’état à des fins de redistribution, un peu comme… et bien aujourd’hui en fait, si on regarde les montants versés par les GAFAM aux états.
Bien souvent ces entités écoulaient de gros volumes de biens surestimés ou surfacturés à une population (colonies économiques, populations ouvrières) qui n’avait d’autre choix que de la consommer, car ils étaient de première nécessité, et qu’aucune autre alternative n’existait… Un petit peu comme si des biens dont la durée de vie était volontairement raccourcie étaient vendus comme neufs par des entités contrôlant le marché, ou comme si des filières entières de distribution alimentaires étaient concentrées dans une entité, occasionnant des scandales sanitaires… Vous y croieriez ?
Une large part de ce revenu était aussi imputable à la division internationale des richesses, que ce soit par la spoliation des matières premières issues des pays ‘pauvres’ (la United Fruit Company en Amérique du Sud, ou les scandales liés à la production du caoutchouc), ou que ce soit via l’exploitation, dans les pays dits civilisés d’une main d’œuvre immigrée corvéable à merci (ce fut notamment le cas des irlandais à New York, ou des chinois sur les chemins de fer). Naturellement tout parallèle avec la situation actuelle, qu’elle soit dans le BTP ou via ladite ‘économie uber’ serait pure invention
Et bien évidemment, cette main d’œuvre était corvéable à merci car les régulations étatiques étaient plus ou moins inexistantes, pas de lois sur le travail des enfants, ou de congés payés, pas de droit de grève, ou d’arrêts maladie… Encore une fois, naturellement, tout parallèle avec la situation actuelle de l’économie des autoentrepreneurs serait tout simplement une affabulation, comme le serait le parallèle de l’absence de contrainte d’état avec les ponts d’or dressés notamment par les collectivités locales aux multinationales qui ne serait-ce qu’envisagerait de s’y installer (de Ryanair dans les aéroports de province jusqu’à la compétition fiscale pour l’installation du nouveau siège d’Amazon, spectacle pathétique s’il en est).
On m’objectera que comparaison n’est pas raison, que même si ces éléments sont vrais (et ils le sont), un ensemble de divergences existent. La démocratie dans l’ensemble permet, plus qu’il y a cent cinquante ans, de faire émerger un discours. Les nouvelles technologies rendent possible un échange entre individus dont on ne pouvait rêver à l’époque. Le confort matériel qui est le nôtre aujourd’hui - en moyenne - nous permet de vivre bien en règle générale. Tout ceci est exact, et bien d’autres éléments encore, les bourses, les mécanismes d’aide sociale, et bien d’autres choses. Mais, car bien sûr, il y a un mais, on voit aussi que certains de ces éléments sont rognés, remis en cause et question. Et puis, naturellement, entre temps d’autres domaines se sont développés. La manipulation des masses, via la publicité, le marketing. La philosophie de l’opinion, et le débat public… Le parallèle nous emmène là où un parallèle peut nous emmener, ses conclusions n’ont pas force de théorème, mais en tous cas, pour ma part, il m’interroge. Et il continuera de m’interroger la semaine prochaine,
A suivre …