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J’suis né juste erroné.
Mais malheureusement, mon cœur est correct.
On est à 1991. Zeno a quinze ans, à cet âge, on ne devrait pas être en prison mais il y est parce qu’il a déjà agi comme les grands. Il est devenu adulte très vite, trop tôt, à dix ans, lorsque son père a fini en prison et que sa mère s’est prostituée pour gagner de quoi vivre et manger. Alors Zeno a dérivé du droit chemin lui aussi et quand ça a dégénéré, il s’est retrouvé derrière les barreaux. Il est à Nisida (une prison pour mineurs). Il a promis à son professeur d’italien de « se raconter ». En échange, elle fera tout pour qu’il ait une permission à Noël.
Et nous on découvre son histoire. C’est un gamin des rues, alors il s’exprime comme il peut, avec ses mots à lui, son franc parler, ses expressions, son dialecte (cela n’a pas dû être facile pour la traductrice, merci à elle). Il présente sa vie d’avant, son quotidien, ses journées.
« Nous on s’dérouille pour se sentir moins coffrés et plus dehors, comme avant d’arriver ici. »
Pour lui, il n’a pas eu le choix, c’était la continuité de tomber dans les magouilles, de tricher, de voler pour subsister. Comme une « marque de fabrique »…
« Les gens naissent au hasard et personne décide rien du tout. […] j’suis né d’une pute et de mon père. […] J’sais pas si on pourra devenir aut’chose qu’eux, quand on sera grands et qu’on aura grandi. »
On comprend qu’une espèce de fatalité l’a poursuivi, enfin c’est ce qu’il dit.
On pourrait penser qu’avec un tel phrasé, on va rester dans le « superficiel » et que ce roman n’apportera pas grand-chose. Et bien détrompez-vous ! Les remarques et réflexions de Zeno sont très pertinentes, il se pose les bonnes questions.
« J’sais pas moi si quand on aime quelqu’un, après l’autre est obligé d’aimer aussi, ou si y’a une loi qui l’interdit. »
Maintenant qu’il n’est plus un voleur, il se demande s’il « existe » encore.
« C’est pas l’business qui me manque, c’est d’être quelqu’un. »
Zeno essaie de rester « vivant » au sens où écrire et partager lui permet de l’être, mais que fera-t-il après ? Est-ce qu’il a encore moyen d’espérer ?
Cet opus m’a beaucoup plu par sa « fraîcheur », son côté « original » . Il y a des propos graves présentés avec une certaine forme de naïveté puisque, même s’il a grandi trop vite au niveau des responsabilités et des « bêtises », Zeno est encore un enfant dans sa tête. Il est tellement attachant !
Pour compléter : L’auteur a expliqué que sa mère avait eu une courte expérience de travail dans une prison et qu’elle racontait quelques anecdotes mais ce n’est pas ce qui l’a inspirée. Elle a elle-même côtoyé des mineurs emprisonnés et mis les pieds dans les maisons d’arrêt mais elle ne pensait pas à écrire. Et puis, en 2021, sa maman a reparlé de ses souvenirs et là, Zeno s’est imposé à elle. Sa « voix » lui soufflait le texte et c’était parti ! J’ai voulu citer la genèse de ce livre car on peut se demander comment elle a eu l’idée d’un tel écrit.