Pourquoi "bout de gras" (en français), pourquoi de la “graisse” (en anglais)?
On imagine des gens peu aisés qui, lorsqu'ils recevaient des invités, décrochaient le jambon fumé qu'ils conservaient précieusement, et en partageaient quelques tranches, sans rien en perdre. Ainsi ils discutaient avec les invités tout en mangeant (aussi) la graisse.
On peut aussi imaginer des marins qui, lorsque les vivres commençaient à manquer à bord, se voyaient octroyer de petites parts de porc salé. Tout en "mastiquant leur graisse" ils pouvaient bien entendu discuter et, surtout, grommeler et se plaindre de leur pauvre condition. Or, il se trouve que le sens initial de cette expression en Angleterre était justement "grommeler", "se plaindre".
On peut enfin imaginer que quand on tuait, jadis, le cochon dans les campagnes, tout le village ou presque venait donner un coup de main. Les gens profitaient de l'occasion pour discuter tout en fabriquant la cochonnaille. Le cochon que l'on tuait était celui que l'on avait bien engraissé: il était donc gras à souhait.
Une expression similaire est "tailler une bavette" ou "parler de la pluie et du beau temps" ou "parler de tout et de rien".
Exemple d'utilisation: "Les Baponot et les Sabotier discutaient le bout de gras à quelques pas de l'entrée en un groupe compact et distant." (Raymond Queneau)
En allemand: quatschen (papoter), schnacken (causer, bavarder).
En anglais: to chitchat, babble, gossip (parler de la pluie et du beau temps), to have a natter / chinwag (jacasser sans arrêt), to chew the fat (mâcher la graisse), to shoot the breeze (tirer la brise).
En espagnol: hablar de bueyes perdidos (parler de boeufs perdus), charlar (bavarder), estar de palique (être en bavardage), hablar de todo un poco (parler un peu de tout), pegar la hebra (coller le brin).
En italien; parlare del più e del meno (parler du plus et du moins), parlare del vento e della pioggia (parler du vent et de la pluie).
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