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Chien qui aboie ne mord pas (et la caravane passe).

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Billet de blog 27 juin 2023

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La paille et la poutre ("Connais-toi toi-même").

Il y a plus de 20 siècles, sur le fronton de l'oracle de Delphes, ces mots furent gravés: "Connais-toi toi-même." Chilon ou Thalès - philosophes pré-socratiques - furent de possibles inventeurs de ce précepte, à moins qu'il s'agisse de la poétesse mythique Phémonoé, l'une des filles du Dieu Apollon.

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"Vemos la paja en el ojo ajeno, y no vemos la viga en el nuestro."

Il n'est pas certain que cette idée soit née en Grèce puisque Bouddha, Lao-Tseu ou Tchouang Tseu (disciple de Confucius), qui vécurent en Inde ou en Chine à peu près à la même époque, eurent des pensées similaires:

"Mille victoires sur mille ennemis ne valent pas une seule victoire sur soi-même." (Bouddha)

"Connaître les autres, c'est sagesse. Se connaître soi-même, c'est sagesse supérieure." / "Plus on voyage loin, moins on se connaît." (Lao-Tseu)

"C'est en fermant les yeux sur vous-même, et en les ouvrant trop sur les autres, que vous vous attirez tous vos malheurs." (Tchouang Tseu) [cette pensée évoque la parabole de la paille et de la poutre, que nous exposerons plus loin].

D'autres grecs de cette époque, notamment Pythagore, ou plus tard Socrate ou Platon, en formulèrent diverses variantes:

"Connaître, c'est soit monter au ciel et voir, soit plonger en soi-même pour recevoir le ciel et se souvenir." (Pythagore)

"Que celui qui veut changer le monde se change déjà lui-même." / "La vie que l'on ne soumet pas à l'examen ne vaut pas d'être vécue." / "Ce qu'on peut donner de meilleur aux autres, c'est de les révéler à eux-mêmes." (Socrate)

"La victoire sur soi est la plus grande des victoires." (Platon)

Des pensées comparables se retrouvent ensuite chez les romains, par exemple Sénèque (un stoïcien) ou Saint-Augustin (un chrétien):

"Si tu veux connaître ta valeur exacte, mets de côté argent, maison, honneurs. Regarde au-dedans de toi-même." (Sénèque)

"Au lieu d'aller dehors, rentre en toi-même; c'est au cœur de l'homme qu'habite la vérité." (Saint-Augustin)

La parabole de la paille et de la poutre, qui fut contée par Jésus de Nazareth, et dont la morale est qu'il faut éviter de relever les petits défauts (la paille) de son prochain, alors qu'on n'amende pas ses propres, et plus gros, travers (la poutre), peut illustrer la pensée "Connais-toi toi-même".

Trois versions de cette parabole existent dans les évangiles: celle de Thomas, celle de Matthieu et celle de Luc.

La version de Thomas ne porte pas de jugement de valeur envers celui qui propose son aide pour enlever la paille de l'œil de son frère, alors qu'il est taxé d'hypocrite dans les versions de Matthieu et de Luc. Cette absence de jugement de l'aidant dans le texte de Thomas permet à l'idée "Connais-toi toi-même" d'être centrale dans l'interprétation de cette parabole. Dans la version de Thomas de cette parabole le mécanisme psychanalytique de la projection est perceptible, à savoir attribuer inconsciemment à l'autre ses propres caractéristiques, sentiments ou défauts, refoulés. La "paille" que l’on voit dans l’œil de l’autre peut être comprise comme le reflet de la "poutre" que l’on a dans son propre œil. Si cette projection prend la forme d'un reproche, il est certain que le défaut reproché à l’autre est l'un de nos propres défauts inavoué. Un tel reproche est souvent présenté comme une aide désintéressée: "je te le dis pour ton bien". En réalité, le mécanisme étant inconscient, la parabole peut suggérer que tant que nous avons une poutre dans l'œil, nous ne sommes d'aucun secours pour autrui, puisqu'elle nous empêche d'y voir clair. Ce n'est que lorsque l'on se connaît soi-même (préalable à la connaissance de la divinité dans la gnose), que l'on est en paix avec soi, que l'on y voit clair et que l'on est capable de venir en aide aux autres: "alors tu verras clair pour aider ton frère à ôter la paille qui est dans son œil." [on pense aussi à Saint Bernard de Clairvaux (1090-1153): "Bien des hommes font la leçon à ceux dont ils devraient la recevoir." et même à Sainte Teresa de Calcutta (1910-97): "Si tu juges les gens tu n’as pas le temps de les aimer."]

Cette antique sagesse (gréco-romaine et orientale) en inspira plus d'un, par exemple (et en nous limitant à des auteurs d'avant la grande révolution française):

"Hier, j'étais intelligent et je voulais changer le monde. Aujourd'hui, je suis sage et je me change moi-même." (Djalâl Al-Dîn Rûmi, 1207-73)

"C'est sur soi-même qu'il faut œuvrer, c'est en soi-même qu'il faut chercher." (Paracelse)

"Il n'y a pas de maîtrise à la fois plus grande et plus humble que celle que l'on exerce sur soi." (Léonard de Vinci)

"On ne peut rien apprendre à l'homme, on ne peut que l'aider à découvrir ce qu'il recèle." (Galilée)

"Je n'ai vu monstre et miracle au monde plus exprès que moi-même: on s'apprivoise à toute étrangeté par l'usage et le temps; mais plus je me hante et me connais, plus ma difformité m'étonne, moins je m'entends en moi." / "Qui se connaît, connaît aussi les autres; car chaque homme porte le forme entière de l'humaine condition." (Montaigne)

"Il faut se connaître soi-même ; quand cela ne servirait pas à trouver le vrai, cela sert au moins à régler sa vie et il n'y a rien de plus juste." (Blaise Pascal)

"Nous nous croyons libres que parce que nous ignorons les causes qui nous font agir." / "Mieux vous vous comprenez vous-même ainsi que vos émotions, plus vous êtes amoureux de ce qui est." (Baruch Spinoza)

"Apprends à te connaître, et descends en toi-même." (Pierre Corneille)

"Nos vrais ennemis sont en nous-mêmes." (Bossuet)

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Un proverbe enfantin peut résumer ces questions:

https://blogs.mediapart.fr/wawa/blog/260623/cest-celui-qui-dit-qui-lest

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