Wikicrate (avatar)

Wikicrate

Abonné·e de Mediapart

20 Billets

0 Édition

Billet de blog 5 octobre 2025

Wikicrate (avatar)

Wikicrate

Abonné·e de Mediapart

Le tirage au sort : une vérité démocratique contre-intuitive mais démontrable

Le tirage au sort en démocratie n’est pas une opinion mais une connaissance scientifique. Son efficacité, sa légitimité et sa capacité à renouveler la représentation sont démontrées par des travaux rigoureux. Ce texte propose une clarification pédagogique pour dépasser les intuitions trompeuses.

Wikicrate (avatar)

Wikicrate

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pourquoi ce n’est ni une opinion ni une croyance mais un savoir ou une connaissance ? 

Ça dépend du sens que chacun met derrière ces mots

Diriez-vous que croire que la terre est une sphère (ou patatoïde) plutôt que plate est une connaissance ou plutôt une croyance ou opinion ? 

Avant de débattre du tirage au sort, il faut s’accorder sur les mots. En épistémologie, on distingue :

Opinion : jugement personnel, souvent fondé sur des impressions, des vécus, des récits culturels. Elle peut évoluer, mais n’est pas nécessairement fondée sur des preuves.  
Croyance : adhésion à une proposition tenue pour vraie sans exigence de justification rationnelle. Elle peut être sincère, mais elle n’est pas réfutable.  
Connaissance : proposition validée par des méthodes rigoureuses, des données objectives, et un processus collectif de vérification. Elle est réfutable, évolutive, et soumise à débat rationnel.

Le recours au tirage au sort en politique n’est pas une préférence idéologique mais bien une connaissance étayée par les sciences sociales. Des travaux en science politique, sociologie, histoire et théorie démocratique montrent que :  

• il réduit les biais de sélection liés à la richesse, à la notoriété ou à l’ambition personnelle

• il permet de constituer des échantillons représentatifs, favorisant la diversité des expériences et des points de vuez

• il limite la professionnalisation du pouvoir, en réintroduisant la rotation et l’accès direct des citoyens

• il favorise la délibération plutôt que la compétition, en créant des espaces sans enjeu électoral

Ces effets ont été mesurés dans des dispositifs comme les jurys citoyens, les conventions délibératives ou les panels représentatifs. Le tirage au sort ne prétend pas choisir les meilleurs, mais garantir l’égalité d’accès au pouvoir — exigence première en démocratie.

Pourquoi est-ce contre-intuitif ? 

Notre imaginaire politique, façonné par des siècles d’élection et de méritocratie, rend cette vérité difficile à admettre. Il semble “naturel” que les meilleurs soient choisis par vote. Mais cette intuition repose sur des présupposés non vérifiés :  

• que les électeurs sont bien informés

• que les candidats sont sincères et compétents

• que l’élection produit une représentation fidèle

Or, les sciences sociales montrent que ces conditions sont rarement réunies. Le tirage au sort, lui, repose sur un principe d’égalité d’accès, non sur une prétendue sélection des meilleurs.

Une analogie scientifique  :

Comme en physique, où l’intuition échoue à comprendre la relativité ou la mécanique quantique, la démocratie sortive défie nos réflexes politiques. Elle demande une rééducation du regard, fondée sur des données, des expériences, des comparaisons.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.