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Billet de blog 15 septembre 2025

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1958 : une Constitution imposée, un peuple neutralisé

Le référendum de 1958 est présenté comme l’acte fondateur de la Ve République. Pourtant, il fut l’instrumentalisation d’un peuple privé de souveraineté réelle, invité à ratifier un texte imposé par le haut. Ce moment fondateur révèle une démocratie formelle, fondée sur l’infantilisation politique et la mise à l’écart du citoyen.

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🗳️ Le référendum de 1958 : acte constituant sans démocratie, stabilité sans souveraineté

Le référendum du 28 septembre 1958, souvent présenté comme l’acte fondateur de la Ve République, est en réalité un exemple frappant d’instrumentalisation du peuple à des fins politiques. Derrière l’apparente souveraineté populaire se cache un processus opaque, dirigé par un aréopage non élu, et validé par un vote plus affectif que rationnel. Il est temps de déconstruire ce récit officiel et de rétablir les faits.

I. Une assemblée constituante sans légitimité démocratique

La Constitution de 1958 fut rédigée par un cercle restreint autour de Michel Debré, sous l’impulsion directe du général de Gaulle. Ce groupe, bien qu’ayant exercé une fonction constituante, n’avait reçu aucun mandat électif pour le faire. Le texte fut ensuite soumis à référendum, mais cette validation populaire ne saurait masquer l’absence de délibération démocratique.

Le vote du 28 septembre fut largement motivé par la figure de De Gaulle, perçue comme le sauveur d’une République en crise. Le contenu du texte constitutionnel, complexe et peu débattu, fut relégué au second plan. Le peuple n’a pas choisi entre plusieurs projets, il a simplement dit « oui » à une sortie de crise.

II. Une rupture de légalité constitutionnelle

La Constitution de 1946 ne prévoyait pas la possibilité d’être remplacée par voie référendaire. La loi du 3 juin 1958, qui autorisa la rédaction d’un nouveau texte, constitue une entorse manifeste à la légalité constitutionnelle. Ce contournement, justifié par l’urgence politique, ne peut être considéré comme un acte démocratique authentique.

La Constitution de 1958 est donc née d’un rapport de force, non d’un processus délibératif. Elle fut imposée par le haut, dans un climat de crise, et validée par un plébiscite plus qu’un choix éclairé.

III. La dépendance des experts : entre prudence et compromission

La plupart des analyses institutionnelles sur le référendum de 1958 évitent de remettre en cause sa légitimité. Cette prudence s’explique souvent par la proximité des experts avec les institutions qu’ils étudient. Qu’il s’agisse de constitutionnalistes, de politologues ou d’historiens, beaucoup évoluent dans des sphères où la critique radicale est mal vue, voire disqualifiée.

Cette dépendance — financière, académique ou symbolique — limite leur capacité à poser les vraies questions :

  • Le peuple a-t-il réellement exercé son pouvoir constituant ?

  • Le référendum fut-il un acte démocratique ou une mise en scène ?

  • Peut-on parler de souveraineté populaire quand le choix est binaire et sans alternative ?

IV. Une stabilité fondée sur l’infantilisation politique

Certains défenseurs de la Ve République invoquent sa longévité comme preuve de sa légitimité. Mais cette stabilité, loin d’être le fruit d’un équilibre démocratique, repose sur une neutralisation de la souveraineté populaire. L’article 1er affirme que “la souveraineté nationale appartient au peuple”, mais l’article 3 précise aussitôt que cette souveraineté ne peut s’exercer que par ses représentants ou par référendum, excluant toute forme d’initiative directe ou de mandat impératif.

Ce cadre institutionnel reconduit le schéma de la IVe République : le peuple est tenu à l’écart des décisions, sauf lorsque le président estime que l’opinion publique pourrait valider ses choix. Le référendum devient alors un outil de légitimation, non d’expression. Les électeurs sont infantilisés, privés de parole, et réduits à des spectateurs de la vie politique.

Même les rares moments de rupture, comme la dissolution de l’Assemblée nationale par Jacques Chirac en 1997, n’ont jamais porté sur des enjeux constituants. Le peuple n’a jamais été invité à dire “oui” à une souveraineté qu’il exercerait lui-même. Les lois constitutionnelles de la IIIe République ignoraient cette souveraineté, et les référendums de 1946 et 1958 l’ont instrumentalisée sans jamais l’émanciper.

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