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Billet de blog 15 septembre 2025

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L’histoire scolaire : récit national ou exégèse d’État ?

L’histoire enseignée à l’école française relève moins d’une démarche historique que d’une exégèse politique. De Vercingétorix à De Gaulle, le récit national transmis aux élèves est une construction idéologique, pensée pour légitimer les institutions républicaines et maintenir les citoyens dans une posture infantilisée.

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📚 L’histoire scolaire : récit national ou exégèse d’État ?

L’enseignement de l’histoire en France, tel qu’il est structuré par l’Éducation nationale, ne relève pas d’une démarche historique au sens critique du terme. Il s’apparente bien davantage à une exégèse d’État, où les textes et les figures du passé sont interprétés, sélectionnés et sacralisés pour servir un récit politique. Ce récit, linéaire et héroïque, vise moins à instruire qu’à construire une identité nationale conforme aux attentes du pouvoir.

I. Une histoire scolaire construite pour légitimer

Depuis la IIIe République, l’histoire enseignée à l’école est pensée comme un outil de cohésion nationale. Elle commence avec “nos ancêtres les Gaulois”, traverse Clovis, Charlemagne, Jeanne d’Arc, Louis XIV, la Révolution, la Commune, les guerres mondiales, et s’achève souvent avec De Gaulle. Ce parcours n’est pas neutre : il sélectionne des figures et des événements pour en faire des symboles fondateurs, au détriment de la complexité historique.

Le récit lavissien, ( une forme d’enseignement de l’histoire développée par Ernest Lavisse, historien et pédagogue de la Troisième République, célèbre pour ses manuels scolaires. Ce récit est à la base du roman national républicain, transmis aux élèves français pendant des décennies.) toujours présent dans les manuels, repose sur une mythologie républicaine où la France est une entité continue, unifiée, guidée par des héros et des ruptures salvatrices. L’histoire devient un catéchisme civique, où l’élève est invité à croire plutôt qu’à comprendre.

II. Une exégèse politique déguisée en pédagogie

Ce récit n’est pas seulement une simplification : c’est une interprétation orientée, une exégèse. Comme dans les traditions religieuses, les textes fondateurs (Déclaration des droits, Constitution, discours de De Gaulle) sont commentés, glorifiés, et rarement interrogés. L’élève n’est pas formé à la critique des sources, mais à l’adhésion au récit.

Les figures historiques sont décontextualisées : Vercingétorix devient le premier résistant, Clovis le fondateur chrétien, De Gaulle le père de la République moderne. Ces lectures sont politiquement utiles, mais historiquement discutables. Elles servent à légitimer les institutions actuelles, en leur donnant une profondeur historique artificielle.

III. Une citoyenneté infantilisée

Comme dans le champ constitutionnel, le citoyen est tenu à l’écart du processus de construction du savoir. L’histoire scolaire ne propose pas de débat, d’alternative, ou de pluralité de récits. Elle impose une version officielle, validée par le ministère, et transmise par des enseignants souvent contraints par les programmes.

Cette posture produit une citoyenneté infantilisée, où l’élève — futur électeur — est formé à accepter l’ordre établi plutôt qu’à le questionner. L’histoire devient un outil de déresponsabilisation politique, où le passé est utilisé pour justifier le présent, et non pour en comprendre les dynamiques.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.