Wikicrate (avatar)

Wikicrate

Abonné·e de Mediapart

31 Billets

0 Édition

Billet de blog 22 octobre 2025

Wikicrate (avatar)

Wikicrate

Abonné·e de Mediapart

Penser sans garantie : rhétorique et transmission démocratique

Quand la lucidité sur l’abrutissement des masses rencontre le pari de l’intelligence collective, un échange révèle comment agir pour la démocratie sans certitude, mais avec rigueur et espérance.

Wikicrate (avatar)

Wikicrate

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Introduction : transmettre sans certitude

Dans les débats citoyens, la lucidité sur l’état du monde peut se transformer en renoncement. Face à l’abrutissement des masses, à la défaillance du langage, à l’échec apparent de la transmission, certains doutent de la possibilité même d’émancipation. Faut-il alors se taire, ou oser parler malgré tout ? C’est cette tension qu’explore un échange entre JL et E, deux citoyens engagés dans une discussion sur la transmission des concepts d’émancipation.

Le désespoir lucide

JL affirme : “Le langage ne suffit plus à transmettre des concepts d’émancipation. C’en est même désespérant à mon avis. Seul recours, l’image qui a beaucoup moins d’ambiguïté. Mais la tâche est immense.”

Puis il précise : “Je parlais de la transmission écrite ou orale de concepts d’émancipation vers des intellects inaptes à les dupliquer.”

Ce double constat — sur l’échec du langage et l’inaptitude des récepteurs — installe une forme de désespoir lucide. La parole semble impuissante, le public inapte, et l’image devient le dernier refuge.

Le pari démocratique

E répond avec une posture radicalement différente : “L’abrutissement peut se vaincre. C’est en réfléchissant qu’on devient intelligent… Il faut oser.”

Et plus loin : “Il faut oser paraître con et accepter qu’on est tous le con de quelqu’un. Notre intelligence ne sera jamais absolue, et la démocratie non plus, mais c’est en visant la cible qu’on a le plus de chances d’envoyer notre flèche au plus près.”

E ne nie pas les obstacles, mais refuse d’en faire des raisons de renoncement. Il propose une pédagogie de l’audace, une démocratie sans garantie, mais en mouvement.

Le retournement dialectique : de l’inaptitude supposée à la responsabilité assumée

JL affirme : “Je parlais de la transmission écrite ou orale de concepts d’émancipation vers des intellects inaptes à les dupliquer.”

→ Cette phrase est capitale. Elle pose une barrière cognitive entre les concepts d’émancipation et ceux à qui ils sont destinés. JL ne s’inclut pas explicitement dans les “intellects inaptes”, ce qui crée une asymétrie implicite : ceux qui savent, et ceux qui ne peuvent comprendre.

E réagit : “Je parie que tu ne parles pas de toi quand tu parles des intellects inaptes !”

→ Première tension : E met en lumière l’implicite de JL — une exclusion de soi du groupe des inaptes — et l’interroge avec ironie bienveillante.

Puis E poursuit : “On ne peut plus sûrement parier sur les capacités du génie humain pour s’en sortir collectivement que sur le génie des intellectuels méprisants qui combattent l’émancipation…”

→ Deuxième retournement : E associe la posture de JL à celle des intellectuels qui bloquent l’émancipation, non par mépris, mais par renoncement auto-réalisateur.

Enfin : “Ta position, si elle devait se généraliser, serait certainement la plus grande cause d’inaptitude à l’émancipation.”

→ Coup de grâce dialectique : JL est sommé de choisir — soit il se reconnaît dans les aptes et doit renoncer à sa thèse, soit il maintient sa thèse et devient lui-même un vecteur d’inaptitude.

Lexique citoyen : qu’est-ce qu’un effet performatif ?

Un discours est dit performatif lorsqu’il produit un effet réel par le fait même d’être prononcé. Dire “Je vous déclare mariés” ou “Vous êtes incapables de comprendre” ne décrit pas seulement — cela agit sur le monde.

Dans notre cas, dire que les citoyens sont inaptes à comprendre les concepts d’émancipation renforce cette incapacité. Le langage devient alors un outil de résignation, au lieu d’être un levier d’émancipation.

Pistes concrètes pour l’agir démocratique

• Oser parler même dans l’imperfection : comme on apprend une langue, on apprend la démocratie • Refuser les généralisations qui naturalisent l’inaptitude • Créer des espaces de transmission : capsules, lexiques, images, débats • Assumer le pari : viser la cible même si la flèche tremble • Formaliser les échanges réels : comme celui-ci, pour en faire des outils pédagogiques

Wikicrate comme atelier

Cet échange pourrait devenir une capsule pédagogique sur les effets du langage, les stratégies de retournement dialectique, et les postures démocratiques face à l’incertitude. Il illustre comment penser, parler, et transmettre sans garantie — mais avec rigueur, humilité et espérance.

Ce n'est pas la vérité qui divise et affaiblit. C'est le refus de la chercher ensemble.
Liens vers la CPT (Constitution Provisoire de Transition) :
Le texte  : http://lc.cx/CPT-pdf
Les questions fréquentes : http://lc.cx/FAQ-CPT
Le site : http://cpt.wikicratie.fr
Si ce texte vous a interpellé, n’hésitez pas à le commenter ou à le partager. Vos retours nourrissent la réflexion.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.