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Billet de blog 30 juin 2023

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Nous condamnons les pratiques discriminatoires de Vago gestion

Le 26 juin 2023, dans un article intitulé « Gens du voyage : chez Vago, leader des aires d’accueil, les préjugés ont la peau dure », Mediapart révélait l’existence d’un document interne usant largement de clichés essentialisants et racistes. Nous condamnons ces pratiques discriminatoires et appelons à un contrôle accru de l'activité des entreprises gérant les aires d'accueil.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le 26 juin 2023, dans un article intitulé « Gens du voyage » : chez Vago, leader des aires d’accueil, les préjugés ont la peau dure, Mediapart révélait l’existence d’un document de formation interne à l’entreprise VAGO GESTION.

Ce document intitulé « Le Monde tsigane » et datant de 2017 est digne de ceux de l’époque coloniale où la gestion ethnique était de rigueur. Il use largement de clichés essentialisants, racistes et antitsiganes qui portent atteintes à la dignité de milliers de Voyageurs, usagers des aires d’accueil.

Ainsi il est stupéfiant d’y lire « Les Tsiganes se sont établis sur les terres de leurs propriétaires, comme les esclaves noirs aux États-Unis. […] Ils sont devenus des agriculteurs paresseux et indolents, comme tous les esclaves. » ou encore d’y trouver des chapitres intitulés « Sur la défensive depuis des années » ou des phrases tel que « les Tsiganes ayant une connaissance faible de notre vocabulaire, ils ne comprennent pas toujours ce qu’on leur dit ». Par ailleurs, l’article révèle l’existence de « formations », facturées 1700€ la journée où un ancien militaire devenu spécialiste en « Tsiganes », prodigue ses bons conseils pour travailler à leur contact, en mêlant une sorte d’argutie complotiste et antitsigane sur de potentiels dangers que représenteraient les Voyageurs.

Si ces révélations nous choquent, elles ne nous étonnent pas pour autant. Tout ceci ne fait que confirmer des années d’observation, d’expériences et de témoignages des familles vivant dans ces « aires d’accueil » qui pour beaucoup sont loin de remplir leur fonction d’accueil et se transforment aisément en espaces de relégation, où le travail des gestionnaires est parfois vécu comme une surveillance infantilisante.

Nous ne sommes pas étonnés, car ces documents de formation sur les « tsiganes » existent dans d’autres milieux, notamment en matière de santé et ils ont malheureusement des effets concrets sur les familles. Ces formations renforcent des clichés ancestraux, déshumanisent et altérisent toujours plus les Voyageurs auprès des professionnels, fonctionnaires et élus, amenés à être à leur contact.

En accordant la possibilité de déléguer la gestion des aires d’accueil à des sociétés privées, l’État délègue, outre l’installation et l’entretien des « lieux d’accueil » l’application d’un règlement intérieur concernant des personnes historiquement discriminées comportant le contrôle de leurs entrées et des sorties, de leur paiement, de leur consommation des « fluides » avec l’application potentielle de sanctions et d’expulsions causant nécessairement un préjudice aux Voyageurs. Et ces délégations sont accordées à des sociétés connues depuis des années pour recruter une part substantielle de leurs effectifs chez d’anciens militaires non formés pour une telle reconversion et nécessairement sous l’influence de préjugés bien ancrés dans notre société.

Nous ne serons pas étonnés de voir ces sociétés développer des produits complémentaires, destinés à la télégestion des fluides, à la « sécurisation » des aires ou au développement de « vidéo-protection », sans contrôle public et qui constituent in fine autant de potentielles dérives et atteintes aux droits des Voyageurs que nous constatons et dénonçons quotidiennement.

Mais où sont les valeurs et le respect du droit d’une entreprise comme VAGO GESTION, qui se targuant pourtant de sa longue expérience avec les « tsiganes » et réutilisant un mot manouche[1] comme raison sociale, parvient à publier et diffuser ce genre de contenus. Nous sommes particulièrement choqués par l’apathie exprimée par le directeur et les membres de l’entreprise interviewés qui paraissent incapables de se remettre en question.

Nous pourrions être étonnés qu’une entreprise ayant décidé de se spécialiser en gestion des aires d’accueil (et à les lire, en gestion des « tsiganes ») mette en avant « seize années d’expérience dans le domaine » pour finir par parler des Voyageurs comme Hergé dessinait ses personnages noirs dans Tintin au Congo. Pourtant nous ne sommes plus étonnés. Tout comme nous ne le sommes pas de constater l’absence de réaction des professionnels de ces sociétés de gestion, nombreux sur les réseaux sociaux pour se féliciter lorsqu’ils remportent de nouveaux marchés, bien moins pour questionner ce à quoi ils et elles participent. 

Les Voyageurs représentent-ils autre chose qu’une simple matière première pour ces sociétés ? 

Nous ne sommes plus étonnés mais nous ne pouvons pas restés silencieux ni passifs face à l’intolérable et à une telle violation des droits fondamentaux des Voyageurs. Nos associations exigent des autorités compétentes, de l’administration centrale et des collectivités territoriales délégataires, un contrôle accru de l'activité des entreprises privées en charge de la gestion des aires d’accueil et de privilégier une gestion en régie directe chaque fois que cela est possible. Ce contrôle doit garantir la formation appropriée du personnel, le respect des droits des Voyageurs et le rejet absolu de tout préjugé racial ou discrimination.

Contact presse : ANGVC – 01 82 02 60 13 // angvc@sfr.fr

Signataires : Action Grand Passage (AGP), Association Collectif des Femmes DA SO VAS, Association Nationale des Gens du Voyage Citoyens (ANGVC), Association Sociale Nationale Internationale Tzigane (ASNIT), France Liberté Voyage, La Voix des Rroms

[1] Vago signifie voiture en manouche

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.