Il est déjà très tard. Le réveil aurait dû s’opérer au plus tard en 2020. L’opposition n’a malheureusement pas pu identifier la réalité de la menace qui pèse sur la France, et s’est finalement réfugiée dans le déni, un déni différent de celui du camp suprématiste mais tout aussi néfaste, puisque le déni de gauche aboutit à servir les plats à l’ennemi en cultivant l’impression que le libre-choix ne serait pas menacé. Il l’est.
Les menaces de représailles judiciaires contre Emmanuel Macron et ses séides étaient claires dès 2019, et il est tout aussi clair qu’il a choisi d’affronter ce risque en faisant le choix du crime. La loi « contre le séparatisme » est très littéralement une loi séparatiste, et le discours « Nous sommes en guerre » est à prendre de façon littérale, comme une déclaration de guerre (implicite) à la partie de la France opposée au pouvoir. Les crimes de sang commis et les actes de torture commis par la Police Nationale ne sont pas au niveau des pires heures de notre histoire, loin de là. Leur matérialité est en revanche beaucoup plus difficile à nier à l’heure où tout le monde tient une caméra à la main, et la réaction de l’exécutif a été limpide : nier, couvrir, censurer. Cette escalade dans la violence doit être comprise comme ce qu’elle est : le choix du crime. Pour être impuni quand on en a déjà trop fait et qu’on ne jouit d’aucun soutien populaire dans un pays qui n’est pas un État de droit complet, il est encore plus sûr de persister et d’aller jusqu’au bout, et c’est le choix qu’a fait Macron.
Ce choix rend impossible toute demi-mesure ou compromis, en tout cas tant qu’il n’est pas remis en cause. La France est attaquée et elle ne l’est évidemment pas que par l’occupant de l’Élysée et ses complices. Les USA, l’Allemagne ou Israël ne sont pas nos alliés au point de se retenir de nous délivrer un coup de pied de l’âne alors que nous sommes malades. Un état faible attire les prédateurs. Seul le déni peut faire oublier cette évidence. La Chine, la Russie, la Turquie, l’Arabie Saoudite et d’autres ajoutent aux pressions étatiques celles de leurs mafias dont elles tolèrent les activités car elles sont dirigées vers l’international et servent leurs objectifs de politique étrangère. En France, des Bernard Arnaud ou Vincent Bolloré contrôlent les médias et ont un grand intérêt à affaiblir l’État et le pouvoir politique pour pouvoir abuser de leur pouvoir, voire les soumettre à leur service, et ils le font.
Malgré toute l’inimitié qu’on peut lui vouer, il est crucial de comprendre qu’Emmanuel Macron est avant tout une victime. Imaginez cet homme seul, dépourvu des puissants réseaux politiques dont bénéficiaient ses prédecesseurs, confronté à la révolte des gilets jaunes, menacé par une Police Nationale ouvertement séditieuse et par toutes les forces précédemment citées. Il est inhumain de ne pas comprendre qu’il ait craqué, et il est d’autant plus difficile de le lui reprocher que notre comportement collectif a été en-dessous de tout. J’entends maintenant proposer ce que je crois être la méthode pour lutter pour notre liberté. Et j’affirme que si nous ne nous ressaisissons pas, notre niveau de développement va régresser vers celui du Tiers-Monde, à l’image de notre liberté. Nous cessons peu à peu de faire Nation en acceptant de nous diviser, et nous nous exposons ainsi au risque certain d’être dominés par des forces extérieures, réduits en esclavage, colonisés.
1 – Comment réagir face à une agression : la suspension du temps politique
« Bonjour, nous sommes du Parti des Vaches et nous, nous militons pour du petit lait. Nous sommes contre le gouvernement que nous trouvons injuste. »
À en juger par son discours, le Parti des Vaches se trouve dans une démocratie dans laquelle le choix est libre et n’est pas menacé, puisqu’on donne le choix. Si le libre-choix était menacé, on mettrait nos différends entre parenthèses pour se rejoindre autour du plus petit dénominateur commun le temps de vaincre l’agresseur. Si on ne fait pas cet effort, il est légitime d’en déduire, quoi qu’on en dise par ailleurs, qu’il n’y a pas d’agresseur mais un débat politique, et donc que tout va bien. Un discours partisan et une logique de partis correspondent nécessairement au temps de la liberté, qui est le temps où les partis ont un sens. C’est pourquoi les oppositions fantôches, par exemple en Russie, tiennent ce discours : pour cultiver l’illusion d’une liberté qui n’existe pas. Est-ce là l’objectif de l’opposition de gauche en France ?
Il est permis de s’interroger, car le discours qui est encore aujourd’hui tenu par l’opposition en théorie favorable à l’isonomie contribue à alimenter le déni de notre situation réelle1. Depuis 2007 et l’élection comme président de celui qui a depuis été condamné pour corruption à multiples reprises, la dette française a doublé et le déficit n’a pas été réduit d’un iota alors que tous les services publics et la sécurité sociale sont dépouillés. Il est évident que nous nous trouvons à un stade de corruption avancée, et le discours totalitaire du pouvoir ne laisse aucun doute quant à sa volonté dictatoriale.
Le premier prérequis est donc la suspension du temps politique. Face à une agression, le groupe doit s’unir en mettant ses différences entre parenthèses. Il n’est plus permis de se tirer dans les pattes, plus permis de chercher une victoire politique quand nous sommes attaqués. L’unité devient un devoir absolu, la solidarité face aux agresseurs une exigence impérieuse. La revendication de son groupe politique doit de toute façon être temporairement nié. Face à une agression, nous ne pouvons plus être communistes, socialistes ou même conservateurs, nous devons être Résistants d’abord, le reste ensuite.
Pour pouvoir nous identifier comme Résistants, il faut évident pouvoir se baser sur un fondement commun, or nous avons la chance d’être la Nation qui l’a produit : la Déclaration des Droits Humains et Citoyens. La loi de l’État français est largement corrompue, elle ne peut en aucun cas constituer une base morale, elle est même en partie un instrument d’agression et d’injustice. La DDHC contient tout ce dont nous avons besoin, tout en jouissant en prime d’une légitimité supérieure à la Constitution. Il n’y a donc aucune question à se poser puisqu’il n’y a aucune alternative qui lui arrive à la cheville, comme si nos aînés y avaient pensé…
2 – Les règles de la guerre
« Nous sommes en guerre »
Je vais proposer de qualifier la situation dans laquelle nous nous trouvons de « conflit civil », ce qui revient à refuser « guerre civile » (excessif pour l’heure) et « conflit social » (antinomique, le conflit social n’est pas une agression). La violence de l’ennemi s’exprime principalement via la Police Nationale, et se traduit par des sévices physiques, voire des meurtres, commis dans le cadre de ce qu’il faut appeler par son nom : la répression politique. Ceci n’est pour autant pas un appel à l’insurrection ou à la violence. Le choix ne peut pas se réduire à se réfugier dans le déni pour faire comme si tout était encore normal, ou bien la violence.
La nécessité d’une digue absolue contre le suprématisme
J’appelle suprématisme le semblant d’idéologie qui est utilisé pour nous attaquer, qui n’est en réalité qu’une loi du plus fort déguisée par des multiples artifices. Essentiellement, ce qui nous arrive n’est pas si complexe. Des individus puissants ont vu que le groupe était affaibli et veulent en tirer avantage, ce qu’ils ne peuvent accomplir avec des principes cohérents et en respectant les principes fondamentaux de la Justice. Mais ils peuvent toujours faire semblant !
Face au suprématisme, qui n’est pas vraiment une idéologie mais juste une logique de groupe (avec les plus forts ou contre eux), il est important de bâtir une digue parfaitement hermétique. Exactement comme à l’école le harceleur tâchera de donner le change en paraissant inoffensif quand il se sent menacé, les suprématistes ont presque par définition besoin de se protéger par un épais brouillard de confusion. Refuser cette confusion conduit à refuser de donner pied à ce (ou ceux) qui valide (ou utilise, évidemment) le discours suprématiste. On a beau souhaiter l’unité et s’y engager, celle-ci n’est possible que sur des bases partagées. Il n’y a pas d’unité possible avec celles et ceux qui veulent diviser le groupe et le hiérarchiser. Il n’y a pas de compromis possible avec quiconque souhaite faire l’inventaire de ce qui lui convient ou non dans la DDHC. Telles sont malheureusement les règles de la guerre : tant que le conflit civil est en cours, la Résistance est un camp totalitaire qui n’accepte aucun compromis ni aucun dialogue avec l’agresseur. Le refus du débat signifie par le langage le refus de l’agresseur comme contradicteur. Qui débattrait avec Pétain de l’utilisation du budget national participerait de la négation du génocide. Qui débat avec le camp suprématiste aujourd’hui entretient la même confusion.
Le langage doit être clair, et le meilleur langage face au suprématisme est encore de ne pas lui parler. Argumenter face à un individu qui refuse le principe de réalité et ne cherche qu’à noyer le poisson est de toute façon inutile et contre-productif. Débattre avec les suprématistes leur apporte une légitimité, et n’apporte aucun bénéfice. Il reste possible de leur parler, et surtout de parler d’eux. Leur parler, ce sera pour décrire leurs artifices, rappeler l’argent qu’ils volent, la sécurité sociale qu’ils détruisent, la justice qu’ils corrompent, l’enfance qu’ils abandonnent à la rue. Quant on parle des suprématistes, il doit être clair qu’on parle du camp du mal. Refuser de se situer dans un camp alors que nous sommes attaqués revient à ne pas comprendre comment on se défend. Se défendre, c’est d’abord montrer l’agresseur et refuser le dialogue tant que l’agression est en cours. Tant que l’agression est en cours, il y a deux camps : les agresseurs et leurs complices d’une part, les Résistants ou les Justes d’autre part.
Parler des suprématistes, c’est chercher à dévoiler leurs mensonges et surtout, surtout, employer l’arme la plus puissante contre cette vermine2 qui ne survit que grâce aux apparences : l’humour. Les Français.es ne sont pas devenus un peuple d’extrême droite en quinze ans, mais ont choisi un camp pour se protéger parce qu’ils ont parfaitement su identifier ce qui échappe à nos plus grands cerveaux : puisque l’État ne protège plus les individus que s’ils appartiennent à certains groupes, chacun se sent devoir rejoindre un groupe pour assurer sa protection. Et de toute évidence, l’opposition de gauche n’a pas su apparaître comme un camp de réassurance, les électeurs ayant été encore moins nombreux en 2022 qu’en 2017, particulièrement les classes d’âge favorables à la gauche.
3 – La méthode : le discours anti-déni
Le mépris de l’adversaire doit devenir la norme. L’ennemi suprématiste n’existe que dans le mensonge, et il doit être clair dans notre expression que nous tenons son discours pour pure manipulation et n’y accordons aucun droit ni crédit. Imaginez que la brute épaisse de la classe cherche à ouvrir le débat sur les torts éventuels de ceux ou celles qu’il tabasse. En l’acceptant, on légitime l’idée que « ça se discute ». Plutôt que de répondre sur le fond, on va par exemple répondre : « Et donc ça te donne le droit de te faire plaisir en leur cassant la gueule ? », et on ne cessera de ramener la brute épaisse à la réalité qu’il veut occulter.
Le discours anti-déni est bâti exactement comme un discours de déni volontaire. On ne répond jamais sur le fond de la polémique choisie par l’agresseur pour montrer qu’il s’agit d’un artifice. Si on prend le débat, ce n’est pas un artifice. Se positionner sur le port de l’abaya suite à la polémique lancée par Gabriel Attal (qui ne voulait pas parler du désastre en cours dans l’Éducation Nationale) est, par exemple, une erreur évidente puisque c’est exactement ce qu’il veut. À cet égard d’ailleurs, choisir son angle d’attaque est relativement simple : on prend le discours suprématiste, on l’ignore et on parle de ce dont il ne veut pas parler. C’est un dialogue de sourds, et c’est parfaitement normal. Il faut aussi se rappeler que ce sont les agresseurs qui ont besoin de maintenir l’illusion d’un débat politique, non les Justes. Le vernis finira par craquer.
Le discours anti-déni est totalement méprisant dans le fond, puisqu’il consiste à traiter son objet (le discours de déni) comme un sujet d’étude ou de curiosité dépourvu de valeur et de légitimité, exactement comme le discours d’une personne démente. De fait, qu’Emmanuel Macron se présente comme le rempart face à l’extrême droite, le défenseur de la DDHC, le héros de la lutte contre le séparatisme et la délinquance, est totalement dément. Décomplexons-nous, car nous avons moins besoin de rallier à nous que de dessouder de l’agresseur les Français apeurés qui l’identifient par erreur comme un élément de réassurance. Répondre directement et de façon rationnelle comme dans le cadre d’un débat politique étant une erreur, il nous reste donc le contre-discours, et l’humour.
Se moquer de la vermine suprématiste est un devoir, quand bien même on aurait envie d’éructer et de se mettre en colère. La colère est identifiée comme un désir d’être compris de son contradicteur, et joue donc probablement contre nous et notre crédibilité. Le ridicule possède un pouvoir évident contre un camp qui ne tient que grâce aux apparences. Il suffit donc de se moquer, des artifices, du mensonge, de ce que le discours de déni ne dit pas, de ce qu’il dit, de ce qui est fait, de ce qui ne l’est pas. Nous devons exprimer par le langage un rejet viscéral et total. Je vais même avancer que c’est parce que l’opposition n’a pas adopté ce langage en 2019 et surtout 2020 que l’offensive suprématiste a réussi. Les Français.es ont parfaitement su identifier que nous étions face à un coup d’État, mais la réaction de l’opposition n’étant pas celle qui y correspond, la seule conclusion logique était que tout le monde avait abandonné l’idée de tenir la France unie. La citoyenneté a réagi à cette injonction à choisir un groupe en se divisant, ce qui est exactement le but poursuivi par l’ennemi.
En conclusion, il faut tout d’abord rappeler que si le discours de Résistance est un discours totalitaire (on est soit contre l’agresseur, soit complice, il n’existe pas vraiment de juste milieu), c’est parce que c’est un prérequis de défense. Il n’est pas possible de se défendre en conservant la complexité des rapports de force politique, d’où la nécessité d’une Union Sacrée et de la suspension du temps politique. Cette dimension absolue du discours de Résistance correspond au temps de la défense, et se doit suspendre à l’instant-même où l’ennemi accepte le réel, fut-ce le temps d’une question. De la même façon que le discours de Résistance doit exprimer un rejet absolu du discours suprématiste parce que celui-ci est bâti sur une négation de la réalité, la suspension de ce rejet absolu doit être automatique à partir du moment où la réalité est acceptée. Les règles de la guerre commandent le rejet absolu pour les mêmes raisons qu’elles nous obligent à accepter la reddition de l’ennemi même si nous n’en avons pas envie : parce que c’est une condition de la victoire. En tant que Résistants, nous n’incarnons pas un groupe, mais un camp. Il est donc hors de question de pratiquer les logiques de groupe et de refuser d’accorder l’asile pour des questions de personne. Le seul critère est la défense de la DDHC, c’est le temps de la défense, de la guerre.
Nous devons nous battre. Il est tout à fait compréhensible de se sentir déprimé.es et écrasé.es par la violence des armes, sans compter les prévisions du GIEC qui annoncent une réduction drastique de la population humaine causée par le réchauffement climatique. Il est alors temps de se rappeler cette phrase magnifique de Sartre : « Les Français n’ont jamais été aussi libres que sous l’occupation ». Pourquoi en effet se loger dans le déni et faire comme si tout allait bien alors que nous avons la certitude que notre situation va s’aggraver et notre société probablement s’effondrer ? Pour vivre tranquille 5 ans ou 10 ans de plus ? Il n’y a, en réalité, aucune raison valable de ne pas embrasser pleinement la cause de la Résistance. Le moment exceptionnel dans lequel nous nous trouvons rend possible la plus grande audace. Il n’y a plus aucune raison de se projeter dans l’avenir sous Emmanuel Macron, sauf à considérer l’avenir de façon réaliste : la vermine suprématiste va continuer de nous attaquer tant qu’elle le peut. Le déni n’apporte aucun soulagement, tandis que la Résistance, elle, peut nous permettre de rebâtir une perspective.
Emmanuel Macron a déclaré « Nous sommes en guerre » ; sortons du déni et acceptons-le.
1À l’heure où j’écris ces lignes, le langage de l’opposition est précisément en train de changer et de me donner tort, mais la cohérence d’ensemble n’est pas là, pas plus que l’appel à l’Union Sacrée. Nous sommes tous proches, et je ne cherche pas ici à contribuer au rejet de l’opposition, mais à son réveil.
2Le terme « vermine » ou « parasite » est tout à fait légitime pour désigner l’agresseur, parce qu’il est agresseur. Quand on est agressé, on ne témoigne pas de respect à son agresseur, c’est immoral. Ce terme ne désigne pas les personnes, mais un phénomène, car l'agresseur n'a pas le droit à la considération d'une personne.