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Billet de blog 11 octobre 2025

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Manifeste pour sauver la France

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Notre pays est aujourd’hui au bord du gouffre, le plus grand danger étant que même si nous en avons conscience, nous ne voulons pas voir l’imminence du désastre, ni toutes ses ramifications. Un examen rationnel conduit pourtant à un constat incapable : la France est actuellement en faillite sous respiration artificielle, laquelle provient d’un système – financier – lui aussi sur le point de se casser la gueule, quoiqu’à une échéance moins prévisible. Le présent manifeste s’appuie sur trois principaux postulats.

Le premier est la faillite, qui ne fait plus aucun doute, de notre système politique, français en particulier, mais pas que. La politique française est devenue un cirque insupportable où des acteurs vains jouent le rôle de de décideurs politiques qu’ils ne sont plus dans le simple objectif de préserver le statu quo « encore un petit peu plus ». La volonté du PRF (Président de la Rép. Fr) de provoquer le chaos fait de moins en moins de doute, de même que l’objectif poursuivi que nous devons avoir le courage d’admettre : la volonté du pouvoir en France est d’aller le plus loin possible dans l’établissement d’une dictature fasciste. Si vous n’y croyez pas, accordez-moi malgré tout votre attention pour les deux postulats suivants, qui permettent de comprendre le premier. J’ajouterai cependant, en prélude de ma conclusion, que l’effondrement de notre système politique n’est pas le seul fait de notre classe politique, mais un problème national, une démission nationale.

Second postulat, la faillite, financière cette fois. Le budget du gouvernement est actuellement déficitaire à hauteur de 6 % du PIB, soit 200Mds€, qui sont à mettre en rapport avec 310Mds€ de recettes pour le même budget (soit le budget de l’État moins la sécurité sociale) d’une part, et une charge de la dette de 55Mds€ d’autre part. Cela signifie bel et bien que 40 % du budget gouvernemental provient de la dette, tandis que près de 18 % sont consommés par les seuls intérêts de la dette, qui représentent donc des taux d’intérêts de 1,7 % à peu près (dette=3300, donc 3300/55=0,0166). Or, c’est aujourd’hui à des taux de l’ordre de 3,75 % que nous nous endettons, et faisons rouler la dette. Prétendre qu’on ne rembourse pas la dette est en effet faux : on la rembourse, mais on le fait avec de la dette, ce qui s’appelle « rouler la dette », c’est-à-dire racheter les dettes passées avec de nouvelles dettes. Cela signifie que nous rachetons actuellement une dette qui coûte 1,66 % par an avec des dettes qui coûtent 3,75 % par an. En d’autres termes, si la dette ne devait plus augmenter dès cette année, à taux d’intérêts constants, la charge de la dette représenterait 120Mds€ dans une dizaine d’années, soit près de 40 % des recettes. Il n’est même pas utile, à ce stade, d’imaginer ce que représenterait la même trajectoire à déficit constant, car alors notre dette dépasserait les 5000Mds€ et la charge de la dette plus de la moitié des recettes, ce qui n’arrivera évidemment pas. Le crash est inévitable, mais il est évitable et urgent de cesser de foncer tête baissée dans le mur comme nous le faisons aujourd’hui.

Le troisième constat est celui de l’effondrement, déjà visible mais malheureusement pas encore assez sensible, de l’Occident, soit l’espace d’influence étasunien. J’invite tout sceptique à la lecture de « La défaite de l’Occident », d’Emmanuel Todd, un livre imparfait comme tous, mais dont le message est d’une importance cruciale aujourd’hui. Je ne vais pas, comme pour la France, essayer de démontrer par les chiffres l’effondrement imminent des USA, qui est une évidence pour quiconque suit l’actualité et comprend ce qu’il se passe. La guerre qui se joue en Ukraine est une guerre par procuration entre la Russie et les USA, une guerre dans laquelle il y a un pays qui produit beaucoup plus d’armes que l’autre : la Russie. Les États-Unis sont encore dans nos esprits la superpuissance militaire, alors que concrètement leur puissance est aujourd’hui très relative, et même largement fictive. Non content, l’oncle Sam est en voie d’autodestruction accélérée dans tous les domaines, et il est engagé dans un génocide au Moyen-Orient. Enfin, beaucoup plus proche de nous et tout aussi importante est la faillite de l’UE et de l’Eurozone. Pour résumer, nous avons construit un espace commun dépourvu d’instruments de souveraineté, d’unité politique ou économique, qui tient simplement parce que le système financier étasunien tient encore. Pour combien de temps ? C’est cette situation, plus encore que la nôtre ou la menace russe, qui doit nous inquiéter. Les USA sont en train de devenir un système fasciste agressif vis-à-vis de tout le monde, y compris nous, et représentent une menace directe, pour nous et pour le monde. L’Allemagne est elle-même engagée dans une course en avant nationaliste perdue d’avance, et risque fort de représenter, de plus en plus, une menace pour nous elle aussi.

Faire ces constats est facile, car l’arithmétique est cruelle : quelles que soient nos convictions politiques, 1+1 font 2. Envisager des solutions n’est cependant pas facile mais, ce n’est surtout pas optionnel. Nous n’allons en effet pas disparaître, ni n’allons être sauvés par un deus ex machina qui, s’il devait advenir, ne serait pas un sauvetage mais un enterrement. Rappelons-nous l’écrasement de la démocratie grecque en 2014 : nous ne serons pas sauvés. C’est d’ailleurs la raison principale motivant ce manifeste : à l’heure actuelle, le pire choix est celui de la continuité.

Le premier acte du redressement ne peut être que politique, car politique est la racine du problème. Le futur de notre pays, et avec lui nos destins individuels, sont liés au bon fonctionnement de notre État, qui dépend lui-même du bon fonctionnement de la société. En acceptant le contrôle de l’information par une minorité intéressée à nous monter les uns contre les autres, nous nous sommes engagés dans une forme de guerre civile de basse intensité dans laquelle nous sommes plus préoccupés par nos querelles intestines que par nos intérêts communs. La première exigence est donc de refaire nation, c’est-à-dire de reconstruire la conscience de ce que nous sommes dans le même bateau, condamnés à nous en sortir ensemble, ou à subir. Cela suppose de reconstruire des instruments et espaces d’échange, d’expression et de dialogue, mais aussi de solidarité. Historiquement cela s’est construit dans la préparation à la guerre, or on pourrait penser qu’en tant que principal producteur d’armes et puissance militaire du continent (hors Russie), il ne serait pas idiot pour nous, dans le contexte actuel, de miser sur les atouts dont nous disposons, et d’accepter la guerre partie de notre réalité.

Notre situation budgétaire fait cependant obstacle à tout, et constitue un obstacle qui ne peut être ignoré. Étant donné le caractère inévitable d’une faillite au rythme actuel, il est clair qu’il va falloir réduire les déficits, et il est douteux qu’augmenter les impôts suffise. Dans la mesure où notre économie vit actuellement sous perfusion à hauteur de 6 % du PIB, montant qui représente à la fois notre déficit structurel et le montant des subventions aux entreprises, il ne fait aucun doute qu’une sortie par le haut suppose une remise en cause de ce fonctionnement, de même qu’il ne fait aucun doute que le processus sera économiquement douloureux. On peut cependant penser qu’il est préférable de nous-mêmes provoquer la crise pour en contrôler les effets plutôt que d’attendre qu’elle nous tombe sur la tête à un moment inconnu, d’autant que notre fuite en avant nous coûte désormais très cher. Si le faire est politiquement risqué, ne pas le faire ne présente plus aucun avantage. Notre fonctionnement consistant à vivre à crédit est condamné à l’échec à court terme (moins de dix ans), il appartient déjà au passé et il faudra désormais apprendre à s’organiser sans ou avec très peu de déficit. Il sera alors crucial de sauvegarder ce qui peut l’être de notre appareil industriel et de nos infrastructures et services publics, sans quoi notre appauvrissement sera sans fin. La prospérité d’un pays dépend de sa capacité à exporter proportionnellement à ce qu’il importe (donc de son industrie), de ses infrastructures (énergie, transports, eau) et de ses services publics (principalement le système éducatif). La destruction de ces trois piliers est la raison même de notre déclin, leur rétablissement la seule porte de sortie vers le haut. Le programme qui nous attend est celui d’une France ruinée, avec l’avantage que nous en avons déjà l’expérience puisque nous l’avons vécu il y a 80 ans. Mêmes maux ou similaires, mêmes remèdes ou similaires : solidarité pour éviter l’implosion, nationalisation pour éviter la disparition de l’appareil productif.

Contrairement à la période suivant la Seconde Guerre Mondiale cependant, nous ne sommes plus entourés d’alliés ni soutenus par qui que ce soit, en tout cas dans un avenir prévisible. L’UE représente aujourd’hui notre plus gros problème car ce que nous avons besoin de sauvegarder, elle veut au contraire le détruire. Cela ne revient pas à dire que l’UE est intrinsèquement mauvaise pour nous, mais elle est aujourd’hui notre principal problème. Nous avons besoin de pouvoir protéger nos productions nationales, or l’UE le rend impossible. Nous avons besoin de protéger notre industrie, or l’Allemagne cherche ouvertement à la détruire car elle lui fait concurrence. Nous avons besoin de pouvoir dévaluer notre monnaie, or nous n’avons plus aucun contrôle sur cette dernière. Que la solution soit de quitter l’UE ou d’émettre un moratoire unilatéral sur certaines de ses règles, je ne vois aucune issue dans le respect de ses règles actuelles.

Si nous ne sommes pas habités par le sentiment d’urgence, c’est que pour le moment rien ne se passe. Nous sommes comme les passagers d’un véhicule qui se dirigerait vers la falaise, faisant aveuglément confiance au conducteur qui pour sa part n’a aucune issue en tête. Nous voulons croire que ce ne sera pas si grave, ignorant ainsi les évidences que notre inconscient perçoit car, au fond de vous-mêmes, vous savez très bien ce qu’il se passe. Vous savez que nous assistons actuellement à la chute des États-Unis et, avec eux, la nôtre, celle de l’Occident. Il reste maintenant à accepter que cette chute ne sera pas une disparition brutale, mais la naissance d’un nouveau monde dans lequel l’Occident ne dominera plus, mais continuera d’exister sous une forme nouvelle. Dans cette recomposition, nous sommes en vie et le resteront. Le désastre qui nous guette ne sera pas la fin de l’Histoire, simplement la fin d’un système. Il faut désormais choisir, entre foncer vers le mur avec les autres, ou quitter le camp occidental.

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