Dans un livre publié en 1945, Karl Popper affirme comme suit : « Pour maintenir une société tolérante, la société doit être intolérante à l’intolérance ». Vous pourrez retrouver les détails et explications de cette citation sous le nom de « paradoxe de l’intolérance », mais je vais pour ma part proposer ici l’application concrète de ce précepte à la France de 2023. Je pense en effet que la France est attaquée, et que l’un des acteurs principaux de cette offensive n’est autre que le gouvernement. Je pense que la démocratie est menacée et j’affirme reconnaître, dans les mots qui sont utilisés par le camp suprématiste, des éléments de langage destinés à préparer l’opinion à la dictature. Le camp suprématiste est celui du gouvernement, mais pas que. Ce camp, je l’appellerai fréquemment « ennemi », car il est de fait l’ennemi du bien commun, l’ennemi de toute personne n’appartenant pas à son camp, est un ennemi historique et existentiel de la France car l’affaiblissement qu’il provoque signifie qu’à plus ou moins long terme, la France va inévitablement entrer en hétéronomie, c’est-à-dire devenir en quelque sorte une colonie. Tel est déjà, partiellement, le cas. Pour développer mon propos, je vais avoir besoin de revenir rapidement sur le terme « suprématisme », puis dans un second paragraphe je proposerai des explications relatives à certains termes abstraits qui sont des concepts clé que je vais employer. Ce seront mes deux premiers paragraphes, puis j’entrerai dans le vif du sujet avec une méthode en trois axes : neutralité, radicalité, discipline.
Le suprématisme et le fonctionnement de l’attaque que nous subissons aujourd’hui forment une réalité complexe qu’il est impossible de décrire en un paragraphe. J’ai l’ambition d’écrire un texte spécialement dédié à la question parce que je pense qu’il faut être précis et clair, mais je suis bien obligé, pour pouvoir développer mon propos, d’en dire un peu. L’essence du suprématisme est de faire appel au désir de domination (ou de soumission) de l’être humain et, in fine, à son instinct animal. Le but du suprématisme est la domination, avec un objectif global très simple et trivial qui est de nous prendre notre argent, et nous transformer en quelque sorte en serfs modernes, une sorte d’esclaves. Il y a bien sûr beaucoup d’objectifs annexes différents selon les acteurs, mais l’offensive que nous subissons a bien pour intérêt principal l’argent, et le comprendre est crucial pour admettre que les responsables politiques qui nous trahissent aujourd’hui, dans la majorité mais aussi en dehors, le font par intérêt. Iels le font pour servir des individus et des organisations qui en tirent un bénéfice financier dont iels espèrent bénéficier indirectement : iels servent donc des maîtres, et il est impérieux de l’intégrer à notre réflexion. Cette nécessité est liée au caractère de nébuleuse du camp suprématiste, qui rend son identification difficile, et au besoin qui est le nôtre, pour nous défendre, de chasser le brouillard qui dissimule cette nébuleuse : l’ennemi. J’emploie le terme « suprématisme », non « fascisme », mais vous pouvez si vous le souhaitez remplacer l’un par l’autre.
Si vous savez déjà ce que signifient les termes « isonomie, anomie, hétéronomie, isocratie », vous pouvez a priori obvier ce paragraphe et passer à la suite. Dans le cas contraire, vous pouvez bien entendu consulter un dictionnaire, auquel les explications que je vais fournir aurons l’ambition d’être complémentaires. Le mot « isonomie » renvoie au concept d’égalité devant la loi (il signifie cette égalité) et constitue l’un des trois fondements de l’État de droit : pas d’isonomie, pas d’État de droit. L’anomie, définie comme « Absence de normes ou d'organisation stable; désarroi qui en résulte chez l'individu » par le Littré, constitue en quelque sorte le résultat de l’absence d’égalité devant la loi, ou isonomie, et définit à merveille notre situation actuelle et l’un des objectifs poursuivis par notre gouvernement corrompu. Nous ne sommes donc pas aujourd’hui un État de droit, mais un État d’anomie : c’est le fait du prince et l’appartenance à un camp ou un camp supposé qui guide l’application de la loi. Je n’ai pas besoin de le démontrer tant le déni de justice opposé aux victimes de la violence d’État (policière ou autre) l’illustre presque quotidiennement, et mon objectif n’est pas ici de démontrer quoi que ce soit, mais d’expliciter. L’hétéronomie est le fait de ne pas être maître de soi, et s’oppose donc à la souveraineté, là aussi en décrivant très exactement l’évolution à l’œuvre : nous devenons progressivement plus pauvres, moins libres, et cette perte de liberté s’étend à tout le pays qui passe progressivement sous le contrôle, notamment, de l’étranger. Nous avons beau être principalement attaqués de l’intérieur, il ne faut pas oublier que quand il s’agit d’argent, tout le monde veut s’asseoir à la table, et le banquet ne manque pas de rapaces : Russie, Chine, Arabie Saoudite, Israël et même pourquoi pas États-Unis et Allemagne ont naturellement intérêt à trouver face à eux une France corrompue et faible dont ils puissant tirer avantage. L’isocratie, enfin, est le terme que je choisis d’employer à la place de « démocratie », mais qui ne désigne rien moins qu’une démocratie idéale. Je ne crois pas, et j’ai également l’intention de produire un texte pour l’expliquer plus en détails, que la « démocratie » soit ce que nous voulons. La démocratie a été fondée par un régime esclavagiste, fondée en France, aux USA et en fait pour autant que je sache partout dans le monde dans le cadre (j’insiste, « dans le cadre ») de l’esclavagisme ou du servage. Je crois donc qu’il y a, concernant la démocratie, un dépassement à réaliser, mais que la démocratie en elle-même n’est pas réellement le régime idéal que nous appelons « démocratie ». Ce qu’elle est, au final, c’est une pratique de la dictature par la majorité, et l’isocratie est probablement l’impossibilité d’une telle dictature, ce qui signifie a priori une circonscription du choix politique dans les limites des principes de la Justice.
Parlons maintenant de neutralité, politique en l’occurrence. Il peut paraître étrange de prôner la neutralité pour lutter contre le fascisme, ou le suprématisme, et pourtant c’est l’évidence même. La neutralité s’appelle historiquement en France « union nationale », et a été pratiquée durant la Seconde Guerre Mondiale pour faire face à l’envahisseur. Son choix procède du constat d’une agression et de l’impossibilité du débat démocratique : si nous sommes attaqués et que notre liberté est menacée, nous devons d’abord nous défendre, ensuite seulement pourrons-nous reprendre nos querelles habituelles, dans les limites de l’État de droit, lorsque celui-ci sera rétabli. Il était impossible de faire de la politique normalement en 1940-45, et c’est également le cas aujourd’hui même si notre situation n’est pas aussi terrible. Je vais affirmer que l’union nationale face à l’agresseur, ou la neutralité politique dans le temps de la défense (c’est la même chose explicitée différemment), est un devoir, et qu’y surseoir revient de fait à collaborer avec l’ennemi en se soumettant de facto à lui par le choix de l’impuissance.
Ce que je viens de dire peut vous sembler radical, c’est normal, ça l’est parce qu’il faut être radical. Face à un agresseur politique, la seule façon de se défendre et de l’attaquer est de refuser toute concession et toute demi-mesure. Nous en revenons ici au paradoxe de la tolérance de K. Popper : nous devons être intolérants vis-à-vis de l’intolérance. J’ajouterai, pour être plus clair, que cela signifie également, et surtout, que nous devons être intolérants face à la tolérance à l’intolérance. En gros, soit on est contre le camp suprématiste, soit on est pour ou on est son allié objectif, ce qui revient à peu près au même. Se défendre, c’est refuser qu’on puisse se situer dans une prétendue neutralité qui est en réalité impossible, car nous défendre les uns les autres est notre devoir le plus essentiel, celui qui permet précisément d’éviter l’anomie. Accepter qu’on puisse se situer dans une position de neutralité, c’est donc également collaborer. Il n’y a strictement rien entre l’opposition au camp suprématiste et la complicité avec ce dernier. Si on est pas contre, on collabore, donc on est pour. L’ennemi sera presque automatiquement vaincu lorsqu’il sera isolé, de la même façon que c’est la possibilité de se réclamer « neutre » qui lui délie les mains.
Dernier point, beaucoup plus difficile mais qui constitue finalement la conclusion logique des deux précédents : il faut faire preuve de discipline. L’ennemi veut de la confusion, elle lui est nécessaire pour se dissimuler. Il a besoin pour cela qu’on puisse se situer dans une prétendue neutralité, et il a besoin de pouvoir présenter ses opposants comme un camp analogue qui défend lui aussi sa domination. Briser ce discours suppose de prôner la neutralité politique, qui en soi signifie qu’on reconnaît subir une agression, mais aussi de refuser le dialogue et d’accepter un dialogue de sourds. L’ennemi ment parce qu’il ne peut pas faire autrement (j’insiste, « il ne peut pas »), et il n’aura de cesse de rendre le dialogue impossible en faisant preuve d’une mauvaise foi caractéristique. Accepter le dialogue dans ces conditions, c’est bel et bien collaborer. Comme on ne peut pas tout expliciter lors d’un débat public ou dans le cadre de l’expression publique (vous vous rappelez, nous ne sommes pas dans un État de droit), puisque l’assignation à un camp nous empêche de vaincre l’ennemi, il faut faire preuve d’une discipline impeccable dans l’application d’une stratégie de défense afin de couper l’herbe sous le pied de l’ennemi, quitte à parler de lui comme s’il n’était qu’un objet d’étude sans jamais lui répondre directement, ce qui est exactement ce que je propose.
En conclusion, je rappellerai simplement que pour vaincre un ennemi politique qui a pris le pouvoir, il faut le lui prendre, donc prendre le pouvoir. Ceci constitue bien sûr la principale limite à la neutralité politique, car il faut bien avoir un programme. On entre alors dans un terrain beaucoup plus compliqué et fluctuant, car l’objectif n’est pas de s’isoler mais de rallier, ce qui suppose de faire de la place et, c’est important, de laisser une porte de sortie à l’ennemi. Je ne me hasarderai pas à essayer d’en déterminer les contours, encore moins dans une conclusion, mais je souhaite insister sur le fait que malgré la neutralité politique et la radicalité nécessaires pour se défendre face à l’agresseur, malgré cette forme de suspension du débat, la conquête du pouvoir reste un horizon indépassable si nous voulons redevenir libres.