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Billet de blog 2 mai 2014

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L'affaire des faux observateurs de l'OSCE en Ukraine orientale

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le bourrage de crâne des médias français est permanent sur le sujet : les "pro-russes" en Ukraine orientale auraient fait prisonniers de malheureux observateurs de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe). 7 puis 13 observateurs. Cette nouvelle ponctue ainsi immanquablement les communiqués de presse visant à dramatiser la situation dans un certain sens.

L'OSCE est censée jouer le rôle d'une force d'interposition entre les parties adverses. Elle peut négocier et obtenir des mesures humanitaires pour les prisonniers. Le "kidnapping" d'observateurs est donc un argument de poids pour présenter l'ennemi comme étant particulièrement odieux, violant les conventions internationales, les lois de la guerre, tels les Nazis violant les conventions de Genève pendant la Deuxième guerre mondiale.

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Qu'en est-il réellement ?

Le 25 avril 2014, huit inspecteurs militaires ont été arrêtés par des activistes de Slaviansk hostiles au régime putschiste de Kiev. Aussitôt, les médias, reprenant vraisemblablement des informations venues de Kiev, ont prétendu qu'il s'agissait d'observateurs de l'OSCE.

Mais le soir même, l'OSCE rassure l'opinion : aucun de ses observateurs présents en Ukraine ne manque à l'appel :

All members of the OSCE Special Monitoring Mission and OSCE/ODIHR election observers are safe and accounted for

— OSCE (@OSCE) April 25, 2014

En Allemagne et en Suisse, l'information est rapidement rectifiée : il s'agit en réalité d'une équipe d'inspecteurs militaires placée sous commandement allemand, venue à l'invitation du gouvernement de fait de Kiev.

L'OSCE le précise dans ses tweets suivants. Il ne s'agit pas d'observateurs de l'OSCE mais de militaires envoyés par des Etats membres de l'OSCE, conformément au "Document de Vienne" de 2011 favorisant la "transparence" militaire entre les pays  : 

Comms with military observers in Donetsk region lost. Team not OSCE monitors but sent by States under Vienna Doc on military transparency

— OSCE (@OSCE) April 25, 2014

Military verification team sent following invitation from Ukraine under terms of Vienna Document 2011

— OSCE (@OSCE) April 25, 2014

Enfin, l'OSCE précise l'origine de ces militaires :

Military verification team - led by Germans – and composed of 8 members – 4 Germans, 1 Czech, 1 Danish, 1 Polish, 1 Swedish.

— OSCE (@OSCE) April 25, 2014

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En réalité, il n'y a aucune ambiguité sur le sujet, la mission d'observateurs de l'OSCE envoyée en mars 2014 en Ukraine n'étant composée que de civils. Claus Neukrich, chef adjoint du centre de prévention de crise de l'OSCE, précise sur la télévision autrichienne ORF que l'OSCE n'a pas d'information sur ces militaires, n'étant pas en relation avec eux : 

« nous n'avons eu aucun contact avec eux. Pour être précis, ce ne sont pas des conseillers militaires de l'OSCE, mais des observateurs militaires qui y sont allés alléguant un mandat de l'OSCE. Les négociations avec Slaviansk ne sont pas menées par l'OSCE, mais par les ministères de la Défense et des Affaires étrangères d'Allemagne, ils ont là-bas trois militaires et un interprète. Ainsi que par le gouvernement d'Ukraine qui a invité ces experts » .

Cette interview, traduite par la Voix de la Russie, donne deux informations complémentaires :

- il est possible que ces militaires se soient servis de l'OSCE comme d'une couverture, alors qu'ils n'étaient pas missionnés par l'OSCE ;

- les négociations avec l'insurrection d'Ukraine orientale sont conduites directement par l'Allemagne.

Le journal allemand Die Welt commente ainsi la même interview : 

Selon le chef adjoint du centre de prévention de crise de l'OSCE, Claus Neukirch, les détenus ne sont pas membres de la mission diplomatique d'observation de l'OSCE. Il s'agit plutôt d'une mission bilatérale, dirigée par l'armée et à l'invitation du gouvernement ukrainien. Ces inspections selon le "Document de Vienne"  n'ont pas le large mandat de la Mission de l'OSCE, mais résultent d'une convention entre les Etats eux-mêmes.

http://www.welt.de/newsticker/dpa_nt/infoline_nt/brennpunkte_nt/article127333146/Nervenkrieg-um-Beobachter-in-der-Ukraine.html

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Loin de se démonter, les médias ainsi que les officiels français continuent à colporter la rumeur. Le Ministère des affaires étrangères français n'est pas en reste : 

La France condamne fermement l’enlèvement, le 25 avril, de treize observateurs de l’Organisation pour la Sécurité et la coopération en Europe (OSCE) dans l’est de l’Ukraine.

Il est inacceptable de prendre pour cible des observateurs mandatés par la communauté internationale pour œuvrer à la désescalade, contribuer à l’apaisement des tensions et résoudre la crise en Ukraine.

La France demande leur libération immédiate.

http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/ukraine/la-france-et-l-ukraine/evenements-3762/article/ukraine-enlevement-d-observateurs?utm_source=twitterfeed&utm_medium=twitter

Afin de se ridiculiser totalement, le Ministère des affaires étrangères comptabilise également parmi les soi-disant "observateurs de l'OSCE" le chauffeur du bus ainsi que les quatre militaires ukrainiens qui accompagnaient les inspecteurs.

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Reste à savoir ce que venaient faire ces militaires à Slaviansk. Cette affaire révèle en tout cas le rôle important de l'Allemagne et une activité de la Bundeswehr dans l'Est de l'Ukraine.

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