Comment s'est construit le négationnisme en France ? Le courageux rapport de l'historien Henry Rousso, publié en 2004, ne cache rien ni des ferments de ce mouvement idéologique, ni des faiblesses de l'Université à son égard après Mai-1968.
Le terme « négationnisme » s'impose seulement en 1987 et se substitue au terme « révisionnisme » pour désigner le travail intellectuel de négation de la réalité de l'utilisation des chambres à gaz et plus généralement celle du génocide des juifs commis par les nazis.
Comment comprendre que ce mouvement intellectuel dépasse par son influence les franges de l'extrême droite ?
Guerre et Après-guerre
Pendant la guerre, les nazis ont commencé par chercher à effacer les traces les plus manifestes de leurs crimes, en particulier dans le processus de la « Solution finale » visant à éliminer toute trace du judaïsme.
Dans l'immédiate après-guerre, les nazis ne cherchent pas, lors des procès, à utiliser l'arme du négationnisme. Le négationnisme est le fait d'une petite caste d'intellectuels qui étaient animés par des motivations idéologiques. En France, le négationnisme est porté par des personnalités notables : Maurice Bardèche, beau-frère de Robert Brasillach et Paul Rassinier, ancien déporté résistant, rescapé de Buchenwald, issu de la gauche socialiste pacifiste (important creuset du collaborationnisme).
Le négationnisme ne dépasse cependant pas l'audience des publications d’une extrême droite qui cherchait à se ressourcer après que son influence ait touché le fond.
Après Mai-68
Mai-68 voit réémerger le négationnisme en Europe et en Amérique du Nord. Le négationnisme dépasse les frontières de l'extrême droite. Il s'insère en effet dans le cadre plus général d'un débat né en Mai-68, qui remet en cause les idéologies et les projets portés par les mythes collectifs issus de la Résistance. C'est un contexte général de "révision" de l'histoire qui provoque un climat de suspicion sur les récits historiques communément admis.
Le négationnisme, au-delà d'une simple tentative de déculpabilisation de l'extrême droite, trouve alors des appuis à l'extrême gauche ou dans "l'ultra gauche". C'est ainsi que les intellectuels de la "Vieille Taupe", après avoir redécouvert Paul Rassinier, ont fini par prendre position en faveur de Robert Faurisson. A l'intérêt gauchiste pour le romantisme de "l'histoire cachée", prélude aux théories du complot, s'ajoute le dépit de ne pouvoir catégoriser la "solution finale" dans une approche marxisante liée à la lutte des classes ou dans une rationalité matérialiste. Dans leur perspective, la "solution finale", par son caractère systématique, est impossible et ne peut être que le produit de l'exagération d'une population déjà fortement ethnocentrée (l'ethnocentrisme étant considéré comme un comportement anti-social).
Il n'est pas nécessaire de renvoyer Dieudonné et son public vers l'extrême droite. Le négationnisme de gauche existe. Dieudonné, pionnier de la lutte du monde du spectacle contre le Front national, en tant que candidat aux élections dans la seule ville susceptible d'être gagnée par le FN en 1987, est même issu de la mouvance antiraciste. L'association Dieudonné-Faurisson nous renvoie à l'histoire de ces petits groupes intellectuels marginaux et ne représente pas une innovation ou une dérive inédite.