Entre revirements et reniements, la gauche ne sait plus sur quel pied danser face au néolibéralisme. On n'a pas oublié le tournant du Parti socialiste en 1983, mais qui se souvient du revirement du PCF en 1997 ? Le PCF qui, jusqu'en 1997, était opposé à l'Europe de Maastricht et à la monnaie unique. Un revirement qui a laissé le champ libre aux postures démagogiques et populistes du Front national et fermé la porte pour longtemps à des options économiques à la fois radicales et raisonnables.
Dans un entretien, Pascale Fourier a interrogé Aurélien Bernier à propos de son livre « La gauche radicale et ses tabous – Pourquoi le Front de Gauche échoue face au Front National ». Un ouvrage abordé également sur Mediapart avec la participation du philosophe Alain Badiou. Mais il ne se réfugie pas derrière une thématique nihiliste. La critique d'Aurélien Bernier est excellente et il a le mérite de mettre en exergue les revirements successifs de la gauche sur des points fondamentaux. En quoi l'existence d'une industrie nationale et la défense de la compétitivité seraient-elles des valeurs d'extrême droite ? Bernier croit encore au Front de gauche, en dépit d'une stratégie de rejet des thématiques qui préoccupent les classes populaires. Bernier ne cache pas que le programme du FDG est finalement très proche de celui du PS :
Aurélien Bernier - "Le Front de gauche est prêt, a priori, d'après ce qu'on en comprend quand on lit le programme, à désobéir à certaines directives ultralibérales, mais il n'est pas prêt à restaurer la souveraineté nationale par rapport au droit communautaire. Cela signifie que la désobéissance européenne telle que le Front de Gauche la conçoit mène à une impasse. Puisque si on ne restaure pas la souveraineté du droit national sur le droit communautaire, cela signifie que, si on dénonce une directive et qu'on prend une loi qui est contraire à cette directive, cette loi pourra être attaquée devant le Conseil d'État, le Conseil Constitutionnel et sera inévitablement cassée, puisque dans la Constitution française aujourd'hui le Traité de Lisbonne a été inscrit, et que donc une loi qui serait contraire au Traité de Lisbonne serait jugée inconstitutionnelle. On est vraiment donc entre deux eaux et on a un programme qui renonce à aller jusqu'au bout de la logique. Et à mon sens, c'est pour cela qu'il n'est pas crédible.
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le Front de gauche ne se rend pas compte que c'est le discours avec lequel le Parti socialiste a trahi.
Pour prendre un autre exemple, sur la question de l'euro, quand le Front de gauche dit qu'ils vont aller négocier avec nos partenaires, notamment notre partenaire allemand, pour une refonte des politiques monétaires, non seulement il n'y a aucune chance que cela aboutisse parce que l'Allemagne est totalement accrochée à cette orientation ultralibérale et à cette conception de la monnaie, mais en plus le Front de gauche ne se rend pas compte que c'est ce discours qu'a servi le Parti socialiste et avec lequel le Parti socialiste a trahi.
Que ce soit Mitterrand ou Jospin ou encore Hollande l'an dernier, qu'est-ce qu'ils ont fait ? Ils nous ont dit : « Ecoutez, on va aller discuter avec nos partenaires, vous allez voir ce que vous allez voir, on va faire l'Europe sociale ! ». Ils sont allés négocier avec leurs partenaires et ils sont revenus sans avoir absolument rien obtenu, en s'étant couchés. Et donc évidemment les électeurs se sont sentis trahis à juste titre. Et finalement, en proposant une réforme de l'intérieur de l'euro, le Front de gauche donne un discours qui est le même que celui que le Parti Socialiste a utilisé pour tromper son électorat."
- Source : http://ilfautledire.fr/2014/02/aurelien-bernier-pourquoi-le-front-de-gauche-echoue-face-au-front-national/