Tout lui enseignait en effet que la politique, c'est le combat pour la stabilité monétaire. Les discours les plus fermes qu'il avait tenus jusqu'à présent, comme ébauche d'un discours antiterroriste, c'était pour stigmatiser les adversaires de l'euro.
Mais si la politique c'est la stabilité monétaire, comment expliquer alors un tel massacre ? Sa réponse fut immédiate : il fallait limiter les libertés publiques. Se méfier avant tout des forces démocratiques, du substrat "citoyen". Comme en Grèce, comme au Portugal, dont le Président a refusé de se plier à la majorité élue, tant que le Parti communiste, hostile à l'euro, n'aurait pas clairement signifié son adhésion entière à l'idée de stabilité monétaire.
Il faudrait se résoudre à l'idée que la démocratie et l'état de droit seraient les alliés objectifs de Daech. Manuel Valls et Christiane Taubira ont donc supplié les assemblées de ne pas déposer de recours devant le Conseil constitutionnel. On réalise ainsi que le texte présenté par le gouvernement est anticonstitutionnel. Il a été voté à la quasi-unanimité, bien entendu par les élus du FN et de manière plus surprenante par ceux de "Ensemble-Front de gauche". C'est ainsi que s'épanouit l'Etat dans un pays dominé : il s'affirme par la coercition et par l'humiliation du politique.
La France est donc en guerre contre Daech, c'est la principale information. Elle est la seule puissance militaire, avec la Russie, à lutter au nom de sa sécurité nationale. Hollande, qui armait Al Qaida en Syrie (Al Nosra) renverse brutalement son discours, au risque de se mettre à dos cette fois-ci ses anciens alliés *. La France a désormais la particularité de combattre Daech sur deux fronts : en Syrie et dans le Sahel. Elle apparaît complètement isolée : refusant les appels du pied de la Russie, son seul allié objectif, elle espère l'appui de forces qui n'ont pas du tout les mêmes intérêts. Olivier Roy, dans son analyse parue dans le New York Times **, souligne que, au-delà des messages de soutien des amoureux de Paris et de ses péniches, chacun vaque à ses occupations : les Américains sont loin et restent légitimement échaudés par quelques centaines de milliers de morts, la destruction de l'Etat irakien et la déstabilisation de la région ; Bachar-el Assad vise avant tout ses opposants ; les Kurdes ne veulent pas d'une reconstitution de l'Etat et défendent leurs frontières ; la priorité des Turcs est l'ennemi kurde ; les Chiites irakiens défendent leur pouvoir à Bagdad ; l'ennemi des Saoudiens est l'Iran ; l'Iran se méfie du retour d'une stabilité qui profiterait aux Sunnites. Enfin, Israël ne peut que se réjouir de voir ses adversaires se déchirer.
Les partisans de la stabilité monétaire vont donc devoir sévèrement en découdre. François Hollande a ainsi immédiatement renoncé au "Pacte de stabilité", autrement dit au respect des critères de Maastricht. Il aurait pu le faire depuis longtemps pour sauver l'industrie française, l'Etat social, améliorer la condition de vie des précaires, des banlieues, des zones de relégation. L'économiste Jacques Sapir avait souligné par exemple qu'on pouvait faire une "union nationale" sur des critères de politique économique et sociale. Mais non, il a dénoncé le Pacte de stabilité, s'appuyant sur l'Union sacrée de l'extrême gauche à l'extrême droite, pour améliorer les capacités militaires. Il ne sait pas que comme en Syrie, en France la solution n'est pas militaire, elle est politique.
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* Le soutien de la France aux Djihadistes n'a pas été remis en cause, à l'exception d'une petite pique très récente contre Al-Nosra. Hollande vient de réaffirmer ce soir, à l'occasion de sa rencontre avec Obama, qu'il appelle au départ de Bachar El Assad. C'est simplement catastrophique.
** Olivier Roy, L’Etat islamique n’ira pas plus loin, Repris par Le Temps, 17/11/2015.