À Ziad, fils de la lune et du feu
(Élégie populaire et prophétique)
Il est mort, le damné, le juste, le fou, le clairvoyant,
Celui que nul autel ne voulut,
Mais que les peuples prièrent.
Il est tombé, un matin trouble,
Et c’est Beyrouth qui saigna de ses pores ouverts,
Tandis que la mer, cette vieille amante,
Recula d’un pas, en pleurant son nom.
Ziad est mort… et c’est le monde qui boita.
Les croyants, d’un Dieu juste et sans forme,
ont pleuré l’athée au cœur rouge.
Les damnés de la terre ont dressé leurs poings,
non pour maudire, mais pour saluer,
car il parlait pour eux,
dans leur langue de misère et de pain rassis.
Il ne priait pas… mais il chantait !
Et dans ses chants, Dieu se levait, sans dogme ni temple.
Il ne portait ni croix ni sabre,
mais il savait frapper comme un prophète,
et embrasser comme une mère.
Ô mère ! Ô Veilleuse du Liban !
Toi qui enfantas le feu en donnant la note,
Toi qui veillas sur lui, ce Ziad écorché,
Toi, Feyrouz, étoile silencieuse,
Tu n’as pas perdu un fils…
Tu as rendu un poème au ciel.
Car il ne fut ni chrétien, ni musulman,
ni saint, ni martyr canonisé…
Mais il fut le frère de tous ceux qui saignent,
le voix de ceux qu’on oublie,
le poing doux de ceux qui n’ont pas de poing,
le luth du Sud, l’écho des camps,
le théâtre des affamés.
Et si Dieu existe —
ce Dieu sans Église, sans fatwa, sans Vatican,
ce Dieu qui dort dans la joue d’un enfant palestinien —
alors, il est venu lui-même accueillir Ziad,
non comme un juge,
mais comme un ami fidèle revenu d’exil.
Non, il n’était pas infidèle…
Il fut fidèle au peuple,
aux visages brûlés de Gaza,
à l’odeur du café partagé à Chatila,
à la blessure de Nabatiyé,
au rire des filles de la Hamra,
et à l’ombre de son père,
et à la lumière de ta voix, ô Feyrouz !
Ziad est mort.
Mais en vérité, il s’est élevé
dans la rumeur des tambours du Sud,
dans les silences têtus de l’exil,
dans le dernier mot d’une chanson qu’on ose encore chanter.
Et sur sa tombe…
Point de marbre.
Point de drapeau.
Seulement ces mots, gravés par un ouvrier sans toit :
« Je ne suis pas un mécréant.
Mais j’ai vu trop de croix plantées dans nos poitrines,
trop de Dieux vendus en prime time.
Moi, je croyais en la justice,
en l’amour,
et en la musique… »
🕯️
Adieu, Ziad. Que ton rire gifle encore les puissants. Et que ta mère, la lune, ne baisse jamais les yeux.
Yahya Yachaoui
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