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Billet de blog 15 décembre 2025

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Le silence des sirènes : quand l’indignation est sélective

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Le silence des sirènes : quand l’indignation est sélective

Sydney, Australie. Des civils fauchés. Des vies juives arrachées. Onze morts — peut-être davantage — et un deuil nu, brut, qui s’impose à tous. C’est une tragédie. Une tragédie absolue. Personne ne devrait avoir à défendre cette évidence. Le terrorisme, où qu’il frappe, quels que soient ses auteurs ou ses cibles, est une abjection. Il tue des êtres humains, il mutile des familles, il insuffle la peur au cœur des sociétés. Il doit être nommé, dénoncé, combattu.

Pourtant, au moment même où nous partageons cette douleur, une autre réalité s’impose, plus amère encore : **celle de l’indignation à géométrie variable.** Car ce que Sydney découvre dans l’effroi, la Palestine le subit chaque jour, sans sirènes internationales, sans capitales indignées, sans mots assez grands pour traverser les écrans. Des enfants, des familles, des vieillêts sont tués, broyés sous les bombes, avec une régularité métronomique. Leurs noms ne font pas la une, leurs visages ne s’affichent pas en boucle. Leur mort est souvent présentée comme une fatalité, un « dommage collatéral », voire une légitime réponse à une menace. Cette asymétrie dans le regard, dans l’émotion, dans la couverture médiatique, est un scandale moral. Elle institue une hiérarchie inconsciente des vies : certaines vaudraient la peine d’être pleurées unanimement, d’autres pourraient être réduites au silence du chiffre ou à la suspicion permanente.

**Le terrorisme n’a ni peuple, ni foi, ni drapeau légitime.** Il doit être dénoncé partout, qu’il surgisse d’un fanatisme aveugle, d’un État armé jusqu’aux dents, ou d’un individu qui confond la mort avec une cause. Mais cette dénonciation doit être égale. Or, un terrible « deux poids, deux mesures » s’est installé. D’un côté, la victimisation d’un peuple est érigée en archétype de la souffrance légitime, invoquée à chaque attaque, brandie comme un bouclier contre toute critique. De l’autre, la souffrance des Palestiniens est systématiquement relativisée, suspectée, ou simplement effacée. Cette distorsion permet l’impunité. Elle permet qu’un blocus étouffant dure depuis des années, qu’une occupation militaire se perpétue, que des colonies illégales grignotent un territoire — et que toute résistance à cet ordre étouffant soit immédiatement assimilée au terrorisme.

**Assimiler la résistance palestinienne dans son ensemble au terrorisme est une falsification morale, un mensonge stratégique, une violence ajoutée à la violence.** C’est nier un droit fondamental reconnu par le droit international, celui de résister à une occupation. C’est confondre la lutte pour la dignité et la liberté avec le crime aveugle contre des civils. Cette confusion sert un récit : celui qui voudrait qu’il n’y ait, d’un côté, que des bourreaux, et de l’autre, que des victimes innocentes. La réalité est plus complexe, plus humaine, et donc plus dérangeante.

La preuve nous est donnée dans l’événement même de Sydney. Honneur doit être rendu à **Ahmed Al Ahmed**, touché de deux balles, aujourd’hui entre la vie et la mort, qui a neutralisé l’un des tireurs. Son acte fut un acte de courage humain, pur, désintéressé. Lui n’est pas antisémite. Lui n’est pas un slogan. Lui est un homme — probablement arabe, probablement musulman — et c’est précisément ce que certains médias préfèrent taire. Son courage dérange le récit manichéen. Parce qu’il prouve, dans le sang et le silence, que **l’humanité ne se distribue pas selon l’origine, la religion ou la nationalité.** Que le crime, quel qu’il soit, ne parle jamais au nom d’un peuple tout entier. Et que des héros peuvent surgir là où l’idéologie voudrait ne voir que des ennemis.

Pleurer les morts de Sydney est un devoir d’humanité. Se taire devant les morts de Gaza, de Jénine ou de Ramallah est une faute contre cette même humanité. La véritable lutte contre le terrorisme commence par le refus de cette schizophrénie morale. Elle exige de nommer toutes les violences, de pleurer toutes les victimes, avec la même force, la même clarté, et le même refus de l’instrumentalisation. Jusqu’à ce que les sirènes de l’indignation sonnent aussi fort pour chaque vie injustement arrachée, où qu’elle soit, et quelle qu’elle soit.

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