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Billet de blog 17 novembre 2025

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Normalisation armée et basculement stratégique du Maghreb

L’installation d’une usine israélienne de drones kamikazes au Maroc marque un tournant dangereux : Rabat devient un maillon de la stratégie militaire israélienne, avec des risques accrus pour la Palestine, l’équilibre régional et la stabilité interne du pays.

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Résumé

BlueBird Aero Systems, filiale des industries aéronautiques israéliennes, a inauguré à Ben Slimane la première usine israélienne du Maghreb destinée à fabriquer des drones kamikazes « Spikes ». Officiellement présentée comme un partenariat stratégique, cette implantation structure l’intégration militaire du Maroc à la doctrine sécuritaire israélienne. Elle implique Rabat dans l’effort de guerre contre la Palestine, renforce les tensions avec l’Algérie et ouvre la voie à une militarisation interne dangereuse pour la stabilité du pays. Une décision qui signe un tournant historique pour l’Afrique du Nord.

Article complet

1. Une usine israélienne au Maroc : un séisme stratégique

L’information confirmée par Globes et Defense Post a été largement sous-estimée :

la société israélienne BlueBird Aero Systems, filiale des industries aéronautiques israéliennes (IAI), vient d’ouvrir sa première usine hors d’Israël, à Ben Slimane, près de Casablanca, pour produire les drones kamikazes Spikes.

Ces drones-suicide, conçus pour frapper à haute vitesse et avec précision, sont utilisés dans des opérations offensives, notamment à Gaza et dans d’autres zones de conflit asymétrique.

Cette implantation n’est pas un simple partenariat industriel :

elle installe au cœur du Maghreb une technologie impliquée dans des crimes de guerre documentés.

2. Une normalisation fondée sur le militaire, pas sur le civil

Contrairement au discours officiel de Rabat, la normalisation Maroc–Israël n’a jamais été une ouverture culturelle ou économique.

Elle est, depuis le premier jour, une normalisation armée.

Entre 2020 et 2024 :

  • contrats pour drones Harop et Heron,
  • radars à longue portée,
  • systèmes anti-missiles,
  • technologies de surveillance (Rafael, NSO Pegasus),
  • coopération policière et formation militaire.

L’usine de Ben Slimane n’est donc pas une évolution, mais l’aboutissement logique d’un axe politico-militaire déjà solidement construit.

3. Les drones « Spikes » : architecture d’une arme de guerre asymétrique

Les caractéristiques des Spikes éclairent la nature du partenariat :

  • tête explosive de 2,5 kg,
  • vitesse : 250 km/h,
  • autonomie : 90 minutes,
  • capacité : destruction de blindés, positions militaires et véhicules.

Conçus pour frapper sans pilote, à distance, dans des zones densément peuplées, ces drones sont au cœur de la doctrine israélienne d’“élimination préventive”.

Produire cela au Maroc revient à intégrer Rabat dans la chaîne logistique d’un appareil militaire engagé dans des opérations condamnées par de nombreuses organisations internationales.

4. Palestine : la question de la complicité

L’usine s’ouvre alors que Gaza subit ce que plusieurs experts internationaux qualifient de génocide : bombardements massifs, affamement, destruction des infrastructures civiles, ciblage répété des hôpitaux.

Dans ce contexte, deux questions majeures se posent :

  • Le Maroc accepte-t-il de devenir un espace d’externalisation industrielle permettant à Israël d’éviter des pressions ou sanctions internationales ?
  • Rabat assume-t-il qu’une partie des armes produites sur son sol puisse être utilisée dans des opérations militaires contre des populations civiles ?

L’histoire retiendra que le tournant militariste marocain se fait au moment où la Palestine est en train d’être effacée méthodiquement de sa terre.

5. Le Maroc comme base avancée pour Israël : l’Afrique du Nord reconfigurée

5.1. Un pied israélien en Afrique du Nord

En accueillant une usine israélienne, le Maroc offre à Tel-Aviv :

  • un point d’appui stratégique en Méditerranée occidentale,
  • une proximité immédiate avec l’Algérie,
  • une base industrielle pour l’Afrique subsaharienne,
  • une plate-forme logistique hors de portée de sanctions potentielles.

C’est un pivot géopolitique inédit.

5.2. Un axe anti-algérien

La rivalité Maroc–Algérie devient un terrain idéal pour l’implantation israélienne.

L’État hébreu trouve à Rabat :

  • un allié contre l’axe Alger–Téhéran,
  • une entrée pour peser sur les équilibres énergétiques,
  • un moyen de surveiller le Sahel et la Méditerranée.

L’Algérie, de son côté, voit dans cette présence un casus belli latent.

6. Algérie–Maroc : vers une escalade structurelle ?

Le différend entre Rabat et Alger (Sahara occidental, frontières fermées, accusations réciproques) se transforme en un bras de fer militaire.

Avec une usine israélienne à Ben Slimane, l’Algérie est désormais confrontée à :

  • un rival doté de drones israéliens de dernière génération,
  • la présence indirecte d’une puissance hostile à ses alliances régionales,
  • une militarisation qui dépasse le cadre maghrébin.

Cette configuration ouvre la voie à :

  • une course aux armements,
  • un risque de confrontation directe,
  • une polarisation durable du Maghreb.

7. L’instabilité interne marocaine : le régime joue avec le feu

Sur le plan intérieur, la situation est explosive :

  • crise économique étouffante,
  • chômage massif,
  • corruption systémique,
  • protestations réprimées (Rif, enseignants, militants sociaux),
  • emprisonnement de journalistes.

Dans ce contexte, une militarisation accélérée peut servir de :

  • levier de contrôle politique,
  • outil de diversion,
  • prétexte pour des lois d’exception.

Certains analystes redoutent que le pouvoir, isolé et affaibli, puisse :

  • instrumentaliser la menace algérienne,
  • provoquer une agitation contrôlée,
  • ou laisser prospérer un chaos justifiant un resserrement autoritaire.

C’est un scénario déjà observé ailleurs — et ses conséquences seraient dramatiques.

8. “De l’Atlantique au Golfe” : un slogan détourné par la force

Le projet panarabe « من المحيط إلى الخليج » (de l’Atlantique au Golfe) était un rêve d’unité culturelle.

Aujourd’hui, il pourrait devenir :

  • une ligne logistique militaro-sécuritaire,
  • un corridor d’influence Israël–Maroc,
  • une nouvelle architecture du pouvoir en Afrique du Nord.

L’idée d’un espace arabe unifié est récupérée pour constituer un axe militariste étendu, au détriment des peuples.

yahya Yachaoui

Paris le 17/11/25

Annexes et références

1. Sources journalistiques

  • Globes : ouverture de l’usine BlueBird au Maroc.
  • Defense Post : détails techniques sur les drones Spikes.
  • Middle East Eye, Haaretz, The Times of Israel : analyses de la coopération militaire Maroc–Israël.
  • Le Monde : enquêtes sur Pegasus et l’expansion sécuritaire marocaine.

2. Bibliographie

  • Yezid Sayigh (Carnegie) : études sur les drones dans le monde arabe.
  • International Crisis Group : rapports sur le Maghreb.
  • Eyal Weizman : Hollow Land, analyses de la doctrine israélienne.
  • Jacob Abadi : Israel’s Relations with the Maghreb Countries.

3. Contexte historique Maroc–Israël

  • 1965 : participation du Mossad au Sommet de Casablanca.
  • Années 1990 : ouverture de bureaux de liaison.
  • 2010–2020 : cyber-surveillance (Pegasus).
  • 2020–2024 : normalisation armée et accords d’armement.

Encadré final : Pourquoi cette implantation est un tournant géopolitique

  1. Première usine israélienne du Maghreb : projection stratégique.
  2. Externalisation d’armes utilisées dans des crimes documentés.
  3. Escalade structurelle contre l’Algérie.
  4. Risque de militarisation interne au Maroc.
  5. Projet d’axe sécuritaire s’étendant de l’Atlantique au Golfe.

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