L’IMPÉRIALISME, LES ISLAMISTES ET LA CONTRE-RÉVOLUTION PERMANENTE : LE RÔLE DES MÉDIAS PRO-IMPÉRIALISTES
Depuis plus de quarante ans, un même scénario se répète : à chaque fois qu’un peuple arabe se soulève, les forces impérialistes – États-Unis en tête – détournent, écrasent ou pervertissent le mouvement. L’islamisme politique, outil de division et de répression, est systématiquement mobilisé. Mais depuis les années 1990, un nouvel acteur amplifie cette stratégie : les chaînes médiatiques arabes pro-impérialistes, avec Al Jazeera en figure de proue. Ces médias, sous couvert de « couverture objective », fabriquent des narratifs, légitiment l’ingérence étrangère et servent de caisse de résonance aux agendas géopolitiques occidentaux et de leurs alliés du Golfe.
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AFGHANISTAN : LE MODÈLE INITIAL DU JIHAD FABRIQUÉ
Dans les années 1980, la CIA et les monarchies du Golfe transforment l’Afghanistan en laboratoire du jihad antisoviétique. Si Al Jazeera n’existait pas encore, ce conflit pose les bases d’une collaboration future entre médias et impérialisme. Les récits héroïques des moudjahidines, diffusés via des réseaux médiatiques naissants, occultent leur financement par Washington et Riyad. Plus tard, Al Jazeera reprendra cette méthode en romantisant les « résistants islamistes », masquant leur rôle d’outils géopolitiques.
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ALGÉRIE : LE LABORATOIRE DE LA GUERRE CIVILE MANIPULÉE
Dans les années 1990, alors que l’Algérie sombre dans une guerre civile orchestrée, les médias occidentaux et arabes essentialisent le conflit en une lutte « régime laïc vs islamistes barbares ». Al Jazeera, créée en 1996, perfectionnera plus tard cette dichotomie. En réduisant la complexité algérienne à un récit manichéen, ces médias justifient la répression au nom de la « lutte antiterroriste », tout en invisibilisant les manipulations du régime et de ses parrains étrangers.
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SOUDAN : ISLAM POLITIQUE ET DÉMANTÈLEMENT PLANIFIÉ
Dans les années 1990, le Soudan d’Omar el-Béchir devient un sanctuaire jihadiste. Al Jazeera, alors émergente, couvre peu les exactions du régime, préférant focaliser l’attention sur des crises ailleurs. Quand les États-Unis décident d’isoler Khartoum, les médias pro-impérialistes relaient les accusations de « terrorisme » pour légitimer les sanctions et le démembrement du pays (indépendance du Soudan du Sud en 2011). Le silence médiatique sur la complicité initiale de Washington avec el-Béchir est éloquent.
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IRAK : DU CHAOS ORGANISÉ À DAESH
Après l’invasion de 2003, Al Jazeera et d’autres chaînes alimentent le chaos en amplifiant les divisions sectaires. Leur couverture enflammée des attentats anti-chiites ou anti-sunnites contribue à fracturer la société. Quand Daesh émerge en 2014, ces médias diffusent des images choc de ses exactions, occultant ses origines (armes « perdues » par les États-Unis, financements saoudiens et qataris). Le sensationnalisme sert à justifier de nouvelles interventions et à diaboliser toute résistance anti-impérialiste.
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LES PRINTEMPS ARABES : AL JAZEERA, ENTRE ESPOIR ET SABOTAGE
En 2011, Al Jazeera joue un rôle ambigu. D’un côté, elle relaie les aspirations des peuples, notamment en Tunisie et en Égypte. De l’autre, elle devient un outil de sabotage au service du Qatar et de Washington :
1. Égypte : La chaîne promeut les Frères musulmans, alliés du Qatar, en occultant leur agenda autoritaire. Quand l’armée reprend le pouvoir en 2013, Al Jazeera se mue en porte-voix de la « persécution des islamistes », détournant l’attention de la trahison des Frères envers la révolution.
2. Libye : Al Jazeera amplifie le récit d’un « Kadhafi massacreur de son peuple », légitimant l’intervention de l’OTAN. Les groupes islamistes, présentés comme « libérateurs », sont en réalité financés par le Golfe.
3. Syrie : La chaîne diffuse des reportages en faveur de l’Armée syrienne libre, puis des groupes jihadistes comme Al-Nosra, tout en minimisant leurs crimes. Ce narratif sert à justifier une intervention occidentale qui ne viendra jamais, laissant le pays en ruine.
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LE RÔLE D’AL JAZEERA : ENTRE INFORMATION ET PROPAGANDE
Al Jazeera incarne le paradoxe des médias pro-impérialistes : sous couvert de « donner une voix aux opprimés », elle façonne une réalité médiatique alignée sur les intérêts qataro-américains.
- Normalisation de l’islamisme : En présentant les Frères musulmans ou les salafistes comme des « alternatives légitimes », elle marginalise les forces laïques et de gauche.
- Déstabilisation ciblée : Ses reportages enflammés sur la Libye ou la Syrie exacerbent les conflits, facilitant les ingérences étrangères.
- Occultation de la Palestine : Alors que la chaîne se dit « voix des Arabes », elle relaie peu la résistance palestinienne authentique, préférant les divisions internes (Hamas vs Fatah) ou les accords de normalisation avec Israël.
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CONCLUSION : MÉDIAS, ISLAMISTES ET LA STRATÉGIE DU CHAOS
Les chaînes comme Al Jazeera ne sont pas de simples observatrices, mais des actrices clés de la contre-révolution :
1. Fabriquer le consentement : En diabolisant les régimes laïques (Syrie, Algérie) ou en idéalisant les islamistes, elles préparent l’opinion publique à accepter interventions et répressions.
2. Diviser pour régner : Leur focus sur les identités sectaires (chiites vs sunnites, laïcs vs religieux) fragmente les sociétés, étouffant les luttes unitaires contre l’impérialisme.
3. Détourner l’attention : Tandis que les peuples arabes s’enlisent dans des guerres par procuration, la Palestine – cœur symbolique de la cause arabe – reste marginalisée dans les narratifs médiatiques.
Comme le résume une adaptation des Rubaiyat d’Omar Khayyam :
> « Ils ont allumé des feux, promis des lendemains glorieux,
> Mais les révoltes sont devenues cendres, et les rêves, illusions.
> Seul reste l’écho des chaînes, sonnant le glas des révolutions. »
La Palestine, elle, attend toujours – étouffée sous les décombres des révolutions trahies et le vacarme des médias complices.