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Billet de blog 2 février 2025

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Immigration et Sondages : Une mesure de l’opinion ?

Un sondage peut-il mesurer le niveau de racisme des chaînes d’information ? Un récent sondage CSA pour CNews et Europe 1 affirme que 66 % des Français seraient favorables à l’arrêt immédiat de l’immigration algérienne. Pourtant, avec seulement 1011 répondants, que peut-on conclure de l’opinion de la population française ? Décryptage des biais et limites de ces enquêtes.

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Un chiffre choc pour un racisme chic 

Le chiffre a fait la une des médias : 66 % des Français seraient favorables à l’arrêt de l’immigration algérienne

Une donnée qui semble révéler un consensus massif. 

Pourtant, avant de tirer des conclusions définitives, il est essentiel de comprendre comment ces sondages sont construits et quelles sont leurs limites méthodologiques.

Avec un échantillon de 1011 personnes, peut-on réellement capter la diversité des opinions françaises sur un sujet aussi complexe ? 

Quels groupes sont bien représentés et lesquels sont sous-évalués ? 

Décryptons ensemble ce que ces chiffres disent… et ce qu’ils oublient.

Un échantillon trop restreint

Un sondage ne se résume pas à un simple chiffre : pour être représentatif, il doit inclure des sous-groupes variés qui reflètent la société française. Or, avec seulement 1011 répondants, aucune strate n'est représentée, ce qui fausse l’analyse.

Prenons deux dimensions essentielles : l’âge et la catégorie socioprofessionnelle

Pourquoi ces critères sont-ils indispensables pour comprendre l’opinion politique et notamment les attitudes face à l’immigration ?

Pourquoi faut-il 5 tranches d’âge ?

L’âge influence fortement les comportements électoraux et la perception des enjeux sociétaux. À différentes périodes de la vie, les préoccupations évoluent, ce qui se reflète dans les tendances politiques.

  • 18-24 ans : Souvent en début de vie active ou en études, cette tranche est plus ouverte aux changements sociétaux et généralement moins marquée par l’insécurité économique. Elle tend à privilégier des thématiques progressistes comme l’écologie ou les droits sociaux. Cependant, sa participation électorale est la plus faible.
  • 25-34 ans : En début de carrière souvent synonyme de précarité, les jeunes se trouvent confrontés aux enjeux du logement et du pouvoir d’achat, deux marqueurs essentiels de toute conviction politique. 
  • 35-49 ans : À cet âge, l’ancrage politique devient plus stable. Ce groupe est au cœur des préoccupations économiques : fiscalité, emploi, éducation des enfants. Il constitue souvent un électorat clé pour les partis traditionnels.
  • 50-64 ans : Préoccupés essentiellement par leur retraite, leur santé et la transmission de leur patrimoine, ce groupe a un taux de participation plus élevé que les jeunes et est souvent plus conservateur sur les questions d’immigration et de sécurité.
  • 65 ans et plus : C'est la catégorie la plus fidèle aux urnes. Son vote est souvent marqué par un attachement aux valeurs traditionnelles.

Si un sondage ne distingue pas ces cinq tranches, il risque de mélanger des électorats aux logiques très différentes, ce qui produit des résultats biaisés.

Pourquoi faut-il 9 catégories socioprofessionnelles ?

Le statut socio-économique détermine aussi les préoccupations et le rapport aux politiques publiques. Or, les sondages simplifient souvent cette dimension en regroupant des catégories pourtant très différentes.

Un découpage pertinent doit au moins distinguer :

  • Les fonctionnaires et les salariés du privé : Les premiers ont un statut sécurisé et un attachement aux services publics, tandis que les seconds sont plus sensibles à la flexibilité du travail et à la fiscalité.
  • Les indépendants et les chefs d’entreprise : Leurs préoccupations tournent autour de la compétitivité, de la fiscalité et de la simplification administrative.
  • Les ouvriers et employés : Ces catégories sont plus directement concernées par la précarité économique et les conditions de travail.
  • Les cadres et professions intellectuelles supérieures : Leur capital culturel et économique plus élevé influence souvent leurs priorités politiques.
  • Séparer les inactifs : Un étudiant, un chômeur, un précaire et un retraité n’ont pas les mêmes réalités et donc pas les mêmes opinions politiques.

En fusionnant ces catégories, un sondage gomme les inégalités structurelles et fausse la lecture des résultats.

Pourquoi faut-il distinguer les 5 types d’agglomérations ?

L’opinion varie aussi selon que l’on vive dans :

  • Une zone rurale (préoccupations sur la désertification médicale et l’accès aux services publics)
  • Une petite ville (importance de l’emploi local, des services de proximité)
  • Une ville moyenne (enjeux de transports, mixité sociale)
  • Une grande ville (impact de la densité de population, questions de logement et sécurité)
  • Une métropole (enjeux de mobilité, cosmopolitisme, coût de la vie)

Un échantillon qui ne tient pas compte de cette diversité ne reflète pas la réalité territoriale.

La Méthode de Cochran : Pourquoi 1011 répondants ?

Les instituts de sondage justifient souvent leur choix de petits échantillons par la méthode de Cochran, une formule statistique permettant de calculer un échantillon représentatif.

Elle repose sur cette équation :

Illustration 1
© Yamine Boudemagh

Mais cette approche pose problème :

  1. Elle suppose une société homogène, sans prise en compte des différences d’âge, de classe sociale ou de territoire.
  2. Elle ne permet qu’une tendance globale et ignore les sujets polarisés comme l’immigration.
  3. 1011 répondants peuvent représenter la population  française si et seulement si l’on ne tient compte ni de l’âge, ni du sexe, ni de la profession, ni du lieu de vie.

De la prudence avant toute chose

Non, les français ne sont pas racistes.

Combien d’algériens parmi les personnalités préférées des français :

  • Parmi nos meilleurs footballeurs qui ont fait de la France une championne du monde
  • Parmi nos comédiens les plus drôles
  • Parmi nos médecins (33% des médecins étrangers en France sont algériens, jusqu’à la directrice e l’iNstitut Pasteur,…)

Non, les français ne sont pas racistes… malgré tous les efforts des chaines dites d’"information" continue.

Mais l’information continue est-ce de l’information ?

Les sondages sont un outil précieux, mais ils doivent être utilisés avec rigueur. 

Avant de prendre un chiffre pour argent comptant, il est essentiel de questionner comment il a été produit et s’il reflète vraiment la pluralité des voix en France.

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