Yamine Boudemagh (avatar)

Yamine Boudemagh

Citoyen Hyper-Engagé

Abonné·e de Mediapart

306 Billets

2 Éditions

Billet de blog 5 août 2025

Yamine Boudemagh (avatar)

Yamine Boudemagh

Citoyen Hyper-Engagé

Abonné·e de Mediapart

La France a déjà reconnu la Palestine

Emmanuel Macron laisse entendre qu’il pourrait avoir l'intention d'entamer une démarche intellectuelle pour initier une réflexion qui devrait l'amener à envisager reconnaître l’état de Palestine le jour de l'équinoxe du printemps. Pourtant, discrètement depuis des décennies, la France a dans les faits déjà reconnu la Palestine.

Yamine Boudemagh (avatar)

Yamine Boudemagh

Citoyen Hyper-Engagé

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1

Il suffit d’examiner nos votes aux Nations Unies pour voir se dessiner une ligne claire. 

Une reconnaissance qui ne dit pas son nom

Et tout commence dans la nuit du samedi 29 novembre 1947; l’assemblée générale des Nations unies adopte par trente-trois voix dont celle de la France contre treize et dix abstentions la reconnaissance d’un état de Palestine arabe aux cotés de celui d’une Palestine juive, deux États indépendants entourant une zone internationale, Jérusalem.

En décembre 1948, en votant la résolution 194 de l’Assemblée générale pour le retour des réfugiés palestiniens ou leur indemnisation, M. Robert Schuman, ministre des Affaires étrangères de la France, fait alors allusion au sort tragique des 700.000 réfugiés arabes "menant une existence lamentable, dépourvus de tous vêtements et de vivres, et vivant comme des bêtes. Beaucoup de villages, qu'ils ont été contraints d'abandonner, sont en partie démolis par une action systématique qui continue; nous possédons à ce sujet des rapports précis de la part de témoins impartiaux.”

La résolution 242 du Conseil de sécurité de l'ONU, adoptée le 22 novembre 1967, a été votée à l'unanimité par les 15 membres du Conseil de sécurité, y compris la France. Il n'y a eu aucun vote contre ni abstention. Ainsi, la France a voté pour cette résolution qui appelle notamment au retrait des forces israéliennes des territoires occupés lors de la guerre des Six Jours et à la paix juste et durable au Moyen-Orient.

Le 22 octobre 1973, la France soutient la résolution 338 du Conseil de sécurité qui appelle à un cessez-le-feu après la guerre du Kippour et au respect de la résolution 242.

Et le 29 novembre 2012, la France vote en faveur de la résolution 67/19 de l'Assemblée générale qui reconnait l’état de Palestine comme État non membre observateur à l’ONU.

De 1947 à 2012, une trajectoire diplomatique constante

De la résolution 181 en 1947 à l’octroi du statut d’État non-membre observateur en 2012, la France n’a donc cessé de soutenir, étape par étape, la légitimation du peuple palestinien sur la scène internationale. Ce n’est plus une affaire de positionnement futur, mais de mise en cohérence entre nos actes et notre discours.

Aujourd’hui encore, la reconnaissance de la Palestine enflamme les débats, clive les opinions, cristallise les tensions. Les communiqués restent mesurés, les discours prudents. Et pourtant, à y regarder de près, nos choix diplomatiques racontent une autre histoire, moins spectaculaire, mais sans doute plus révélatrice.

Depuis 1947, la France n’a jamais été totalement neutre dans ce dossier. Certes, les enjeux géopolitiques ont pesé lourd, et nos intérêts stratégiques ont parfois atténué nos prises de position. 

De 1947 à 1967, la politique étrangère française a connu plusieurs évolutions. 

La IVème République, par exemple, a pu sembler plus proche de l'entité sioniste en Palestine occupée. Cette période a été marquée par une alliance de fait entre la France, le Royaume-Uni et Israël, notamment lors de la crise du canal de Suez en 1956. Les motivations étaient complexes, mêlant des considérations liées à la présence française en Algérie (Israël étant perçu comme un allié contre le nationalisme arabe) et des intérêts stratégiques régionaux.

L'arrivée au pouvoir du Général de Gaulle en 1958 marque un tournant. Après la guerre des Six Jours en 1967, il opère un rééquilibrage de la position française. Cette nouvelle orientation est motivée par la volonté de la France de retrouver une position indépendante sur la scène internationale, de se démarquer de la politique américaine et de nouer des relations plus équilibrées avec le monde arabe, stratégique pour ses approvisionnements énergétiques. 

C'est dans ce contexte que la France vote la résolution 242 du Conseil de sécurité, qui appelle au retrait des forces israéliennes des territoires occupés, une position qui s'aligne sur le droit international et le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.

Et depuis, notre engagement n’a jamais totalement faibli. À travers diverses résolutions, dont la 3236 en 1974 qui réaffirmait les droits fondamentaux des Palestiniens, la France a régulièrement réitéré sa position.

Puis vint 2012. Cette année-là, l’Assemblée générale des Nations Unies accorde à la Palestine le statut d’État non-membre observateur. La France vote « oui ». Ce n’est pas un simple geste diplomatique, c’est une déclaration forte, un acte politique. En reconnaissant ce statut, nous avons, de fait, validé l’existence légale et politique de la Palestine au sein de l’instance internationale la plus représentative.

Certains pourraient objecter que cette reconnaissance n’a rien de bilatéral, qu’elle reste symbolique. Et c’est vrai. 

Mais dans le langage du droit international, les symboles sont rarement anodins. Ils traduisent des engagements profonds. Et lorsqu’un pays appuie l’adhésion d’un État au système onusien, il envoie un signal clair, un signal que le monde comprend très bien.

Illustration 2

Assumer ce qui est déjà acté

Alors non, le débat ne porte plus sur la reconnaissance elle-même. Il concerne plutôt notre honnêteté politique : 

Sommes-nous prêts à assumer ce que nous avons déjà acté ? 

La France a posé les jalons, pierre après pierre. Il ne lui reste qu’à franchir la dernière étape, celle de la déclaration officielle.

Sortir de cette ambiguïté devient une nécessité. Le flou actuel ne protège plus, il fragilise notre crédibilité. 

Aux yeux de la communauté internationale, notre position est déjà claire. Il est temps de l’assumer. 

Entre histoire, droit et engagement moral, la cohérence nous impose de faire converger nos valeurs avec nos décisions. Si la France veut encore se poser en gardienne du droit international, elle ne peut plus rester silencieuse sur ce qu’elle affirme depuis longtemps par ses actes.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.