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Billet de blog 7 février 2025

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La Diplomatie du plus fort

Le 6 janvier dernier, devant les ambassadeurs, le chef de l’état a esquissé une politique internationale guidée par une peur presque existentielle d’un monde devenu trop brutal pour la France. Une vision du monde dominée par des régimes autoritaires, devant lesquels la France n’aurait d’autre choix que de se réfugier derrière l’Europe.

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Illustration 1
© Yamine Boudemagh

Emmanuel Macron dresse un constat inquiétant : nous sommes entrés dans une ère de désordre stratégique, technologique et politico-philosophique. Une triple rupture qui redéfinit la place de la France et l'oblige à conjuguer hard power et influence culturelle, tout en revendiquant un rôle de médiateur dans les crises les plus brûlantes.

La fin du Droit International

  • Désordre stratégique

Macron ne cache pas son inquiétude face à l’effondrement du multilatéralisme traditionnel. Il évoque sans détour l’affaiblissement de l’ordre international fondé sur le Droit, sapé par les ingérences électorales, la montée des régimes autoritaires et la fragmentation des alliances historiques. 

“La France a été elle-même attaquée par des ingérences inacceptables  dans la plupart de ces territoires ultramarins,  et tout particulièrement en Nouvelle-Calédonie ces derniers mois, par l'Azerbaïdjan qui pensait, là, régler ses propres incompréhensions du fait que nous défendons le droit international et l’Arménie.”

 (Emmanuel Macron - 6 Janvier 2025)

Oui, ce n’est pas comme s’ils existaient des ingérences françaises dans des pays comme le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, Djibouti, les Émirats Arabes Unis, l’Estonie, le Gabon, l’Irak, la Lettonie, la Lituanie, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, la Syrie, le Tchad…

  • Désordre technologique

Emmanuel Macron a aussi fait référence au désordre technologique, qui bouleverse les rapports de force en profondeur. Les géants du numérique deviennent des acteurs politiques de premier plan, influençant l’opinion publique, manipulant les processus électoraux et redéfinissant les conflits à travers le cyberespace. 

  • Désordre politico-philosophique

Enfin, et de manière plus subconsciente, Emmanuel Macron a rappelé le désordre politico-philosophique qui s’incarne dans le retour des régimes autoritaires et des dirigeants adeptes de la démonstration de force. 

La démocratie, jadis modèle universel, est aujourd’hui attaquée, contestée, voire instrumentalisée. 

Face à cela, Macron refuse toute naïveté : la puissance est de retour et la France doit assumer son rôle dans cette nouvelle donne.

              "Ceux qui continueront à appliquer des règles que les autres grandes puissances n'appliquent plus auront le privilège d'être dévorés."

(Emmanuel Macron - 6 Janvier 2025)

L’Europe et l’urgence d’une autonomie stratégique

Plus vulnérable que jamais, l’Europe doit protéger la France. Emmanuel Macron plaide pour une Europe forte, stratégiquement indépendante, capable de peser face aux États-Unis, à la Chine et à la Russie. 

Et sa conclusion est… un renforcement de l’OTAN, un organe complètement infatué aux intérêts des États-Unis.

“Je crois que le président TRUMP sait qu'il a en France un allié solide, un allié qu'il ne mésestime pas, qui a des vues claires, qui croit dans l’Europe.”

(Emmanuel Macron - 6 Janvier 2025)

En même temps, il plaide aussi pour une montée en puissance des capacités de défense européennes, notamment en Europe de l’Est.

Une nouvelle fois, Emmanuel Macron entend se cacher; cette fois derrière l’Ukraine pour se protéger d’une Russie jugée “puissance escalatoire”. Il est prêt à envoyer un soutien militaire et financier voire assumer un discours guerrier vis-à-vis de la Russie, mais il n’est pas prêt pour autant à engager l’armée française ou même un contingent européen dans ce conflit. In fine, les ukrainiens paient seuls le prix de l’arrogance européenne. 

La France de Macron se retranche derrière la ligne Maginot des sanctions contre la Russie :

“L'Europe est à la fois notre devoir et notre chance, et c'est cette méthode qui doit continuer.”

(Emmanuel Macron - 6 Janvier 2025)

Et comme tout politicien de droite extrême, Macron ne peut s’empêcher de parler immigration : “on veut continuer d'avoir une immigration choisie”. Et évidemment d’associer immigration et criminalité :“Au-delà de l'immigration, nous continuerons de renforcer aussi la lutte contre tous les réseaux de criminalité, en particulier les narcotrafiquants, là aussi pour laquelle la coopération est absolument indispensable en la matière.”

Sans commentaire. Et sans transition, intéressons-nous aux autres volets de sa politique internationale.

La nouvelle approche française au Moyen-Orient

Le président Macron a une vision passéiste du monde en général, et de la Palestine occupée en particulier. Il n’a toujours pas compris la révolution palestinienne orchestrée depuis le 7 octobre 2023.

Les attaques palestiniennes et les réponses israéliennes ont galvanisé la population palestinienne dans leur quête d'autodétermination. Les Palestiniens expriment de plus en plus leur désir de prendre en main leur destin, sans dépendre d'interventions étrangères, même celles des pays arabes voisins. Le droit à l'autodétermination est un principe fondamental du droit international. Les Palestiniens luttent depuis des décennies pour la reconnaissance de ce droit, et les événements récents n'ont fait que renforcer cette revendication.

Ignorant de cette revendication, Emmanuel Macron continue d’ânonner ce que Netanyahu et Biden lui avaient vendu. Et croyant innover, il entend organiser une conférence en juin à New York avec l'Arabie saoudite, la Jordanie, l'Égypte, le Qatar, les Emirats arabes Unis pour décider du sort des Palestiniens. Il est peu probable que le seul interlocuteur palestinien reconnu comme tel par les Palestiniens, le Hamas, soit invité à cette conférence.

Évidemment il y sera question de l’éternelle antienne : la reconnaissance future de l’État palestinien, un jour peut-être plus tard mais pas aujourd’hui

Pourtant la France comme les Nations Unies avaient bien reconnu la Palestine en 1947 lorsque fut créé l’UNSCOP : Le Comité spécial des Nations Unies sur la Palestine. Et l’UNSCOP, en charge du gouvernement de la Palestine,  proposa de la découper en trois entités ; un état arabe, un état juif et la ville à statut international, Jérusalem. René Massigli était le représentant de la France dans ce comité. Et la France a signé la résolution 181 qui proposait cette partition. 

En dehors d’une corruption des esprits phénoménale, 

qu’est-ce qui empêche la France de reconnaître en 2025 

un état qu’elle a elle-même créé en 1947 ?

La nouvelle approche française en Afrique

L’Afrique reste un enjeu clé pour la France, mais avec une approche renouvelée. 

Exit les bases militaires permanentes ! 

Place à une coopération flexible, où la France accompagne les États africains dans leur lutte contre le “terrorisme” (whatever it means) sans s’imposer comme une puissance tutélaire. 

Macron veut rompre avec la Françafrique et mettre l’accent sur les investissements économiques, les infrastructures et la formation, dans une logique de partenariat équitable plutôt que d’assistance paternaliste.

Nous connaissons aujourd’hui’hui les conséquences de cette “approche” au Sénégal, en Guinée, au Mali, au Niger et au Burkina Faso…

Mais nous dit le président : “Et donc, dans ce contexte-là, non, la France n'est pas en recul en Afrique, elle est simplement lucide, elle se réorganise.

Finance mondiale, Climat et Résilience sanitaire

Macron ne se limite pas aux urgences sécuritaires. Il entend peser sur les grandes transformations du XXIe siècle, en commençant par la réforme du système financier international. Il appelle le FMI et la Banque mondiale à mieux soutenir les pays en développement, notamment par des allègements de dette liés aux engagements climatiques. 

La France se positionne aussi en moteur de la transition énergétique, en misant sur les énergies renouvelables et en plaidant pour une refonte des règles du commerce mondial afin de favoriser une croissance durable.

Enfin, il tire les leçons de la pandémie et insiste sur la nécessité d’un système de santé mondial plus résilient (le mot est à la mode), basé sur une coopération renforcée et une solidarité accrue envers les pays vulnérables.

La France, puissance d'équilibre ?

Le pari de Macron est clair : la France ne peut pas rivaliser avec les superpuissances en termes de force brute, mais elle peut influer sur le cours du monde par sa diplomatie, son engagement et son leadership sur certaines causes clés.

"Les atouts français n'ont pas disparu...  La puissance de notre culture est là."

(Emmanuel Macron - 6 Janvier 2025)

Toutefois, l’exercice est délicat. 

Sur la scène intérieure, certains lui reprochent de privilégier les grands dossiers internationaux au détriment des préoccupations des Français. 

À l’international, sa volonté d’affirmer la France comme un "pays-pivot" entre les blocs le rend inaudible par manque de savoir-faire.

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