Proposition de loi pour lutter contre l'islamophobie
La lutte contre le racisme doit être universelle. La proposition de loi des sénateurs républicains visant à pénaliser la critique d'Israël soulève des questions de démocratie. Imaginons une loi similaire contre l'islamophobie : Quelle serait alors la position des mêmes sénatrices et des mêmes sénateurs ?
Le droit est aujourd’hui manifestement insuffisant pour protéger les Français de confession musulmane et limiter les actes islamophobes en perpétuelle expansion, tout particulièrement depuis les évènements du 7 octobre 2023.
D’après le ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, les actes islamophobes ont augmenté de 30 % en France. Ces chiffres terrifiants se traduisent par une islamophobie d’atmosphère voyant le nombre de familles françaises songeant à émigrer augmenter. Une étude menée par l’Ifop a révélé que 70 % des musulmans ayant quitté la France l'ont fait pour échapper à la discrimination, tandis que 63 % cherchaient un environnement où ils pouvaient pratiquer leur religion sans crainte. Cette inefficacité du droit positif traduit une faille ancienne que notre législation n’a jamais su véritablement combler à travers un outil juridique opérant pour lutter plus efficacement contre l’islamophobie.
Le 1er juillet 1972, la loi Pleven est venue compléter la loi sur la liberté de la presse de 1881 pour créer des délits spécifiques pour toute discrimination raciale, xénophobe ou religieuse. Des peines d’emprisonnement ont été créées, allant d’un mois à un an de prison, ainsi que des amendes de 2 000 à 300 000 francs, pour toute personne ayant eu une attitude discriminatoire, haineuse ou violente « à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Toutefois, cette loi s’est rapidement montrée insuffisante, en atteste la montée de l’islamophobie depuis le 11 septembre 2001.
En 1990, la loi dite Gayssot est en conséquence venue durcir les sanctions et énoncer, sans pour autant proposer manifestement un quelconque changement de fond, que « toute discrimination fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion [était] interdite ». Force est de constater que les renforcements des sanctions, pas plus que la réécriture très légère du code pénal à l’époque, n’ont pu empêcher une énième montée de l’islamophobie par la suite. Depuis, il n’y a eu aucun changement juridique majeur en matière de lutte contre l’islamophobie et nous pouvons pourtant constater que les actes islamophobes ne font que croître de manière exponentielle.
Selon le rapport du Collectif contre l'Islamophobie en Europe (CCIE), les actes islamophobes en France ont considérablement augmenté en 2023. Voici les chiffres clés :
2023 : 828 actes islamophobes ont été signalés.
2022 : 527 actes islamophobes avaient été recensés.
Cette augmentation de 57 % d'une année à l'autre reflète une tendance préoccupante, exacerbée par des événements récents tels que l'interdiction du port de l'abaya à l'école et les tensions géopolitiques liées au conflit en Palestine.
62 ans après la fin de la guerre coloniale en Algérie, la communauté musulmane de notre pays est menacée comme jamais dans notre histoire contemporaine et les Français de confession musulmane se posent la question de leur maintien sur le territoire national.
Selon une enquête Ifop, près de 40 % des musulmans en France estiment avoir été victimes de comportements racistes au cours des cinq dernières années. Les discriminations dans l'emploi, le logement et les interactions avec la police sont particulièrement élevées.
Seize ans après l’adoption de de la loi de séparation des Églises et de l'État adoptée en 1905, Édouard Herriot, alors président du Conseil, avait défendu le projet de financement d'un institut musulman et d'une mosquée à Paris, en ces termes :
« Nous nous sommes préoccupés de cette question. L’État français reconnaît aux citoyens français des colonies le droit de pratiquer leur culte, quel qu’il soit. Il n’y a aucun inconvénient à donner aux musulmans une mosquée puisque très légitimement nous donnons aux catholiques des églises, aux protestants des temples et aux israélites des synagogues ».
En 1920, une loi avait effectivement été adoptée à l’unanimité pour accorder une subvention de 500 000 francs pour la construction d'un institut musulman à Paris, ce qui contournait les restrictions imposées par la loi de 1905.
Perçue comme un acte symbolique affirmant le rôle de la France en tant que puissance musulmane, tout en reconnaissant les sacrifices des soldats musulmans durant la Première Guerre mondiale, cette initiative a également été vue comme un moyen d'intégration et de reconnaissance des musulmans dans la société française.
Aujourd’hui l’hydre islamophobe a changé de visage, se nourrissant du racisme décomplexée des médias d’information continue.
Comment le pays européen qui abrite la plus grande communauté musulmane d’Europe a-t-il pu devenir le berceau de l’islamophobie moderne ?
C’est une très longue histoire que celle des musulmans de France, qui remonte aux communautés établies au VIIIème siècle en Septimanie (aujourd’hui le Languedoc-Roussillon). En Provence aussi au IXème siècle où ils permirent d’étendre les routes commerciales de la France vers l’Italie et et la Suisse. La Révolution française a ouvert un espace d'hospitalité pour les musulmans, en particulier ceux des régions qui n'étaient pas en guerre avec la France. Les autorités révolutionnaires ont accueilli les musulmans comme des "frères", fraternité certes conditionnée par des attentes d'alignement idéologique avec les principes révolutionnaires.
Lors de la Première Guerre Mondiale, environ 132 000 français de confession musulmane ont été recrutés pour servir dans l'armée française ou travailler dans les usines. Cette période a marqué un tournant, car ces soldats ont contribué à la guerre tout en établissant des liens plus forts avec la France.La construction de la Grande Mosquée de Paris en 1926 a été en partie une reconnaissance des sacrifices des soldats musulmans pendant la guerre.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les musulmans ont également servi dans l'armée française et ont continué à travailler dans des secteurs clés.
Après la guerre, un besoin accru de main-d'œuvre a conduit à des politiques qui favorisaient l'immigration de travail. Les musulmans ont afflué pour répondre aux besoins économiques croissants.
Après la guerre d'Algérie, environ 160 000 harkis, qui avaient servi aux côtés de l'armée française, ont consacré l’apport des musulmans à la construction de la France d’aujourd'hui.
Cette période a également marqué le début d'une plus grande visibilité de l'islam en France.
Aujourd'hui, les musulmans constituent une part importante de la population française, entre 8 et 10% de la population totale.
Les Français de confession musulmane sont indissociables de l’identité française.
Aujourd’hui cette part de notre âme nationale est en passe d’être effacée. Cette situation traduit une déroute républicaine inacceptable.
La promesse républicaine émancipatrice et protectrice de toutes les communautés est mise à mal et relève aujourd’hui plus de la chimère patriotique que d’une réalité tangible.
Le déferlement islamophobe qui frappe la France est inédit depuis la fin de la Guerre d’Algérie. Il va jusqu’à toucher des députés de la nation au cœur même de l’hémicycle. Cette islamophobie d’atmosphère fait écho à de tragiques pages de l’histoire de France, notamment le massacre du 17 octobre 1961 à Paris de français de confession musulmane par la police française. Les pratiques de certaines politiques de la ville ont inclus des contrôles au faciès, des arrestations arbitraires et une surveillance accrue de la communauté musulmane en France. Mais ce mal ne date pas du 7 octobre. Le terrorisme frappe particulièrement la communauté musulmane en France, 30 musulmans sont morts lors de l’attentat de Nice. Les musulmans sont une cible privilégiée comme le sont les représentants de l’État de confession musulmane. Des attentats islamophobes jalonnent l’ensauvagement de la France contemporaine, comme l’attaque de la mosquée de Bayonne en 2019.
L’information continue, et la politique du fait divers sont le carburant de cette nouvelle islamophobie.
L’heure n’est donc plus seulement au durcissement des sanctions, il est devenu indispensable d’opérer un changement profond de point de vue en proposant une réécriture totale du droit pénal relatif aux actes islamophobes.
Aujourd’hui, l’islamophobie est sanctionnée à travers plusieurs infractions, dispersées dans tout le code pénal et qui ne visent pas spécifiquement les actes islamophobes (discriminations, injures, violences, etc.). L’islamophobie prend la forme de circonstances aggravantes, chacune accolée à certaines infractions, ce qui rend plus difficile et pas toujours possible sa caractérisation ; d’autant que la circonstance aggravante d’islamophobie n’est pas définie précisément par le droit pénal. Elle est, en effet, regroupée dans une circonstance aggravante plus large qui couvre tantôt l’intolérance religieuse, tantôt le racisme.
En conséquence, le droit en vigueur n’est pas suffisamment opérationnel et le poison islamophobe contamine notre nation qui se retrouve juridiquement désarmée pour affronter ce péril.
Nos outils de droit sont dépassés et trop souvent inefficaces face aux subtilités et perversités employées par l’islamophobie du troisième millénaire et ses singularités.
L’islamophobie a muté, se dissimulant trop souvent derrière la lutte contre le terrorisme, et passe fréquemment entre les mailles du filet de notre arsenal juridique. Ce dernier doit donc s’adapter à la menace.
La seule solution est donc de procéder à une autonomisation pénale des infractions d’islamophobie. Tout en s’assurant de reprendre l’ensemble des actuelles infractions qui tentent difficilement de couvrir les actes islamophobes, les nouvelles infractions devront être plus précises que le champ du droit positif actuel, de sorte que les forces de l’ordre et les autorités judiciaires puissent, demain, mieux caractériser l’islamophobie et in fine qualifier pénalement une plus grande diversité d’actes de nature islamophobe. En s’efforçant d’être exhaustive, cette proposition de loi souhaite faciliter le travail de toute la chaîne pénale en donnant des outils juridiques opérationnels et précis pour identifier, caractériser et punir tous les actes islamophobes. Un tel dispositif pénal autonome permettra également d’adapter au besoin les sanctions pour les rendre davantage dissuasives et proportionnées au niveau particulier de gravité qui caractérise un acte islamophobe.
Définition juridique de l’islamophobie
La présente proposition de loi tente dans un premier temps de poser une définition générale mais juridiquement opérationnelle de l’islamophobie (article 1er).
En outre, une telle reconnaissance spécifique de l’islamophobie dans la loi aura une portée symbolique et démontrera un engagement clair, celui d’arriver à protéger réellement la communauté musulmane. Le but de cette définition est que la loi reconnaisse explicitement l’islamophobie comme une forme spécifique d’atteinte aux personnes et à leurs biens, qui doit donc faire l’objet d’un cadre répressif spécifiquement adapté. La définition ainsi posée de l’islamophobie s’attache particulièrement à qualifier la communauté musulmane comme communauté à la fois religieuse et ethnique. On donne ainsi au droit pénal plus de moyens pour appréhender la nature de la communauté musulmane, ce qui permettra de mieux caractériser la circonstance islamophobe.
Dispositions principales
Notre proposition de loi décline un ensemble d’infractions qui traduisent concrètement la définition générale d’islamophobie qui a été élaborée, en faisant en sorte de couvrir le plus largement possible la diversité des actes islamophobes qui existent aujourd’hui, mais qui ne sont pas forcément appréhendés par le champ pénal en vigueur.
En tout premier lieu, il est nécessaire que le fait de provoquer directement à de l’islamophobie ou de faire publiquement l’apologie de l’islamophobie soit puni pénalement et plus fortement lorsque c’est par l’intermédiaire des réseaux sociaux, eu égard à l’impact significatif qu’ils ont sur notre société (article 2).
Ensuite, les attaques islamophobes verbales ambiguës doivent être assurément condamnées. Par exemple, le fait de traiter un député de « nègre de maison » alors qu’il est musulman, doit pouvoir être qualifié comme un acte islamophobe.
En l’espèce, l’association de tels termes à une personne de confession musulmane doit être condamnée, non seulement comme une injure à son endroit, mais surtout comme une injure à caractère islamophobe. C’est pourquoi nous proposons une définition évoluée de l’injure pour que celle-ci soit adaptée aux situations islamophobes (article 3).
Avec un tel dispositif, le but est de réprimer des propos qui, pour l’heure, ne tombent pas sous le coup de la loi pénale en raison de leur ambiguïté ou qui ne sont pas caractérisés par une circonstance aggravante d’islamophobie.
De la même manière, la proposition de loi vient expliciter la définition de diffamation et l’adapter aux subtilités et aux ambiguïtés des actes islamophobes (article 4).
En réalité, derrière la vitrine antipalestinienne se cache l’hydre islamophobe, c’est pourquoi tout propos contre la Palestine doit aussi devenir pénalement répréhensible en France.
Un sondage a révélé que 42 % des musulmans affirment avoir subi au moins une forme de discrimination liée à leur religion au moins une fois dans leur vie. Les discours politiques sur l'islam et l'immigration ont un impact significatif sur le moral de la communauté. Beaucoup de jeunes musulmans expriment un sentiment d'oppression constante, aggravé par les débats sur la compatibilité de l'islam avec les valeurs françaises. Des études montrent que ces discours alimentent un climat de peur et d’exclusion. Par conséquent, cette proposition de loi complète le cadre pénal existant pour sanctionner les contestations antipalestiniennes (article 5).
L’objectif est de réprimer toute expression qui contesterait le droit de la Palestine d’exister en tant qu’État.
Dans le prolongement de notre raisonnement, faire systématiquement l’amalgame entre n’importe quelle personne de confession musulmane et l’État de Palestine, ou encore exiger de cette personne qu’elle condamne publiquement l’action du gouvernement palestinien, constitue aussi un acte islamophobe qui doit être sanctionné (article 6). Il est, en effet, intolérable d’exiger plus d’une personne que d’une autre en raison de sa confession musulmane. Il n’est donc pas envisageable de laisser se développer plus encore sans réagir de tels agissements qui sont déjà très nombreux. Nos compatriotes musulmans n’ont pas à subir spécifiquement des pressions et des contraintes qui les forceraient à critiquer le gouvernement de Palestine.
Nous ne pouvons non plus faire fi des effets pervers des réseaux sociaux qui agissent comme un amplificateur et qui servent d’espace de non-droit pour des personnes décomplexées ou des personnes qui croient pouvoir se cacher lâchement derrière un « pseudo ». En conséquence de quoi, cette initiative parlementaire propose que les injures islamophobes, les diffamations islamophobes, les contestations antipalestiniennes et les amalgames islamophobes soient plus sévèrement réprimés lorsque ces infractions sont commises de manière publique, notamment par l’intermédiaire des réseaux sociaux ou par voie de presse (article 7).
De plus, une personne qui se prévaudrait d’un droit à la satire, au blasphème ou à la caricature, ne devrait pas pouvoir systématiquement se cacher derrière un tel droit pour multiplier, à de nombreuses reprises, des initiatives qui seraient en réalité bel et bien de nature islamophobe.
Des journalistes du service public se sont notamment cachés derrière le droit à la satire pour professer plusieurs fois et régulièrement une islamophobie caractérisée pour laquelle ils n’ont pas été sanctionnés pénalement. Aussi, un auteur qui s’attacherait à majoritairement, voire exclusivement caricaturer, blasphémer ou satiriser la communauté musulmane ou une personne qui appartiendrait à cette communauté, doit pouvoir être condamné pour de telles répétitions islamophobes (article 8).
Outre ces adaptations majeures du droit, qui tiennent également compte des procédures pénales spéciales (article 9), la présente initiative reprend et modifie sommairement les définitions de droit commun de discriminations (article 10) et de violences (article 11) afin de les adapter à la lutte contre l’islamophobie.
Autres dispositions
Afin d’avoir un éventail de sanctions beaucoup plus à la hauteur des enjeux, il est également nécessaire que le fait de diriger un groupe qui aurait pour objectif l’accomplissement d’infractions islamophobes fasse l’objet d’une infraction à part entière (article 12), tout comme le fait qu’un délit islamophobe qui a été commis par une personnalité politique élue, une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, soit constitutif d’une circonstance aggravante (article 13).
Par ailleurs, cette proposition de loi instaure, conformément à nos convictions plus générales en matière pénale, des peines planchers pour les infractions qu’elle définit (article 14). De plus, l’exécution de la peine en cas de condamnation pour une infraction prévue par la présente loi pourra être assortie du régime spécial de période de sûreté prévu à l’article 132-23 du code pénal lorsque cette infraction est punie de dix ans d’emprisonnement (article 15).
La proposition de loi prévoit également un certain nombre de peines complémentaires telles que l’obligation d’accomplir un stage de citoyenneté pour les personnes physiques (article 16), ou encore, la surveillance judiciaire ou l’interdiction d’exercer certaines activités professionnelles pour les personnes morales (article 17).
Enfin, pour que le cadre pénal sanctionnant l’islamophobie soit le plus complet et le plus opérationnel possible, la proposition de loi crée une circonstance aggravante de droit commun (article 18) pour tous les autres délits et crimes qui seraient commis à l’égard d’une personne en raison de son appartenance ou de son association à la communauté musulmane.
PROPOSITION DE LOI
pour consacrer la lutte contre l’islamophobie
Article 1er
L’islamophobie se définit comme toute atteinte portée à des personnes physiques ou morales, considérées individuellement ou collectivement, ou encore à leurs biens, en raison de leur appartenance ou de leur association, vraie ou supposée, à la communauté religieuse et ethnique musulmane, ou en raison de caractéristiques personnelles notoirement associées à cette communauté.
L’islamophobie ainsi défini est réprimé, sans préjudice des autres dispositions législatives ou réglementaires applicables, dans les conditions prévues par la présente loi.
Article 2
Le fait de provoquer directement à de l’islamophobie ou de faire publiquement l’apologie de l’islamophobie est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
Lorsque les faits ont été commis en utilisant un service de communication au public en ligne, les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende.
Article 3
L’allégation ou l’imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne à laquelle le fait est imputé en raison de son appartenance ou de son association, vraie ou supposée, à la communauté religieuse et ethnique musulmane constitue une diffamation islamophobe qui est punie d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Cette allégation ou cette imputation est punissable même si l’appartenance ou l’association à la communauté religieuse et ethnique musulmane n’est pas expressément mentionnée dès lors que la personne à qui le fait est imputé à des caractéristiques personnelles notoirement associées à cette communauté que l’auteur de l’allégation ou de l’imputation ne pouvait ignorer.
Cette allégation ou cette imputation est punissable même si elle est faite sous forme dubitative ou même si elle vise une personne non expressément nommée, dès lors que l’identification est rendue possible par un ensemble d’éléments suffisamment concordants.
Cette allégation ou cette imputation est également punissable même si elle n’est pas imputée directement à une personne, dès lors qu’elle l’est à un groupe de personnes qui appartiennent ou qui sont associées, vraiment ou supposément, à la communauté religieuse et ethnique musulmane ou dès lors qu’elle l’est à toute cette communauté, et même si un tel groupe ou cette communauté n’est pas expressément mentionné, dès lors que la reconnaissance est rendue possible par des éléments notoirement associés à cette communauté.
Article 4
Toute expression qui ne renferme l’imputation d’aucun fait et qui revêt un caractère outrageant, invectif ou méprisant en raison du fait qu’elle est formulée envers une personne qui appartient ou qui est associée, vraiment ou supposément, à la communauté religieuse et ethnique musulmane, ou qui a des caractéristiques personnelles notoirement associées à cette communauté que l’auteur de l’expression ne pouvait ignorer, constitue une injure islamophobe qui est punie d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Toute injure, au sens de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, formulée envers une personne en raison de son appartenance ou de son association, vraie ou supposée, à la communauté religieuse et ethnique musulmane, ou envers une personne qui a des caractéristiques personnelles notoirement associées à cette communauté que l’auteur de l’injure ne pouvait ignorer, constitue également une injure islamophobe qui est punie des mêmes peines.
Article 5
Le fait de contester l’existence de l’État de Palestine en remettant en cause le droit de la population palestinienne à jouir souverainement, sous l’autorité effective d’un gouvernement, d’un territoire déterminé constitue une contestation antipalestinienne qui est punie d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Article 6
Le fait d’associer indûment à la population de l’État de Palestine, ou à l’action du gouvernement de cet État, une personne en raison de son appartenance ou de son association, vraie ou supposée, à la communauté religieuse et ethnique musulmane ou en raison de caractéristiques personnelles notoirement associées à cette communauté que l’auteur de ce fait ne pouvait ignorer, ou encore, pour les mêmes raisons, de tenir une personne indûment responsable ou solidaire de l’action du gouvernement de l’État de Palestine ou d’exiger d’elle, par la pression ou la contrainte, qu’elle condamne, publiquement ou non, l’action de ce même gouvernement, constitue un amalgame islamophobe qui est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Constitue une pression, au sens du présent article, notamment le fait d’appeler à entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque ainsi que le fait de subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service, ou encore la continuité ou le renouvellement d’une relation contractuelle, à l’exigence mentionnée au premier alinéa.
Article 7
Lorsque la diffamation islamophobe, l’injure islamophobe, la contestation antipalestinienne ou l’amalgame islamophobe est commis par l’un des moyens énoncés au premier alinéa de l’article 23 de loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les peines sont portées à trois ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
Article 8
La répétition excessive de propos ou d’images, relevant a priori d’un droit à la satire, au blasphème ou à la caricature, qui visent la communauté religieuse et ethnique musulmane, une personne ou groupe de personnes dont l’appartenance ou l’association, vraie ou supposée, à cette communauté est l’objet principal, ou l’un des objets, des propos ou des images en cause, est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Cette répétition est punissable même si l’appartenance ou l’association à la communauté religieuse et ethnique musulmane n’est pas expressément mentionnée ou illustrée, dès lors qu’elle est suggérée par des éléments notoirement associés à cette communauté.
Article 9
Il est procédé aux poursuites et à la répression des infractions prévues aux articles 3 à 7 de la présente loi dans les mêmes conditions que pour les infractions prévues au deuxième alinéa de l’article 32 et au troisième alinéa de l’article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
Lorsqu’une des infractions prévues aux articles 2 à 8 de la présente loi est commise par la voie de la presse ou de la communication au public en ligne, il est procédé à la détermination des personnes responsables suivant les dispositions spécialement applicables à ces matières.
Article 10
Les discriminations au sens des articles 225-1 à 225-3 du code pénal, à l’exception de celles prévues à l’article 225-3 du même code, commises à l’égard de personnes en raison de leur appartenance ou de leur association, vraie ou supposée, à la communauté religieuse et ethnique musulmane, ou à l’égard de personnes qui ont des caractéristiques personnelles notoirement associées à cette communauté que l’auteur des discriminations ne pouvait ignorer, sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elles consistent :
À refuser la fourniture d’un bien ou d’un service ;
À entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque ;
À refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne ;
À subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service à une condition fondée sur l’un des éléments visés au premier alinéa ;
À subordonner une offre d’emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur l’un des éléments visés au premier alinéa ;
À refuser d’accepter une personne à l’un des stages mentionnés au 2° de l’article L. 412-8 du code de la sécurité sociale.
Lorsque la discrimination consiste à refuser la fourniture d’un bien ou d’un service dans un lieu accueillant du public ou d’en interdire l’accès, les peines sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.
Article 11
Les violences, quelle que soit leur nature, y compris s’il s’agit de violences psychologiques, commises sur des personnes en raison de leur appartenance ou de leur association, vraie ou supposée, à la communauté religieuse et ethnique musulmane, ou sur des personnes qui ont des caractéristiques personnelles notoirement associées à cette communauté que l’auteur des violences ne pouvait ignorer, constituent des violences islamophobes qui sont punies de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’elles ont entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours, ou aucune incapacité de travail. Lorsque les violences ont entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, les peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende.
Les peines encourues sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende lorsque cette infraction, ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, est commise :
1° Alors que la victime est également :
a) Un mineur de quinze ans ;
b) Une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur ;
c) Une personne dont l’état de sujétion psychologique ou physique, au sens du I de l’article 223-15-3 du code pénal, est connu de leur auteur ;
d) Un magistrat, un juré, un avocat, un officier public ou ministériel, un membre ou un agent de la Cour pénale internationale, une personne dépositaire de l’autorité publique autre que celles mentionnées à l’article 222-14-5 du même code, un gardien assermenté d’immeubles ou de groupes d’immeubles ou un agent exerçant pour le compte d’un bailleur des fonctions de gardiennage ou de surveillance des immeubles à usage d’habitation en application de l’article L. 271-1 du code de la sécurité intérieure, dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur ;
e) Une personne exerçant une activité privée de sécurité mentionnée aux articles L. 611-1 ou L. 621-1 du même code dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur ;
f) Un enseignant ou tout membre des personnels travaillant dans les établissements d’enseignement scolaire, un agent d’un exploitant de réseau de transport public de voyageurs ou une personne chargée d’une mission de service public autre que celles mentionnées à l’article 222-14-5 du code pénal ainsi qu’un professionnel de santé, dans l’exercice ou du fait de ses fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l’auteur ;
g) Une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, si les faits sont commis dans l’exercice de cette activité ;
2° À raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre vraie ou supposée de la victime ;
3° Par une personne exerçant une activité privée de sécurité mentionnée aux articles L. 611-1 ou L. 621-1 du code de la sécurité intérieure dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission ;
4° Par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteur ou de complice ;
5° Par une personne agissant en état d’ivresse manifeste ou sous l’emprise manifeste de produits stupéfiants ;
6° Par une personne dissimulant volontairement en tout ou partie son visage afin de ne pas être identifiée ;
7° Par un majeur agissant avec l’aide ou l’assistance d’un mineur ;
8° Avec préméditation ou avec guet-apens ;
9° Avec usage ou menace d’une arme ;
10° Dans les établissements d’enseignement ou d’éducation ou dans les locaux de l’administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux ;
11° Dans un moyen de transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l’accès à un moyen de transport collectif de voyageurs.
Lorsque cette infraction, ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, est commise dans au moins deux des circonstances prévues aux 1° à 11° du présent article, les peines encourues sont portées à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.
Article 12
Le fait de diriger ou d’organiser un groupement ayant pour objectif la réalisation d’une infraction prévue par la présente loi est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.
Article 13
Lorsqu’une infraction prévue par la présente loi est commise par une personne investie d’un mandat électif, une personne dépositaire de l’autorité publique ou une personne chargée d’une mission de service public dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions ou de sa mission, l’amende encourue est portée au double et la peine d’emprisonnement à :
Dix ans, si l’infraction est punie de sept ans d’emprisonnement ;
Sept ans, si l’infraction est punie de cinq ans d’emprisonnement ;
Cinq ans, si l’infraction est punie de trois ans d’emprisonnement ;
Trois ans, si l’infraction est punie de deux ans d’emprisonnement ;
Deux ans, si l’infraction est punie d’un an d’emprisonnement.
Article 14
Pour les infractions prévues par la présente loi, la peine d’emprisonnement ne peut être inférieure aux seuils suivants :
Sept ans, si l’infraction est punie de dix ans d’emprisonnement ;
Cinq ans, si l’infraction est punie de sept ans d’emprisonnement ;
Trois ans, si l’infraction est punie de cinq ans d’emprisonnement ;
Un an, si l’infraction est punie de deux ans d’emprisonnement.
Toutefois, la juridiction peut, par décision spécialement motivée, prononcer une peine inférieure à ces seuils en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur, de sa repentance ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci.
Lorsque l’infraction est commise en état de récidive légale, la juridiction ne peut prononcer une peine inférieure à ces seuils que si l’accusé présente des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion et qu’il témoigne d’une sincère repentance.
Article 15
Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 du code pénal relatif à la période de sûreté sont applicables aux infractions prévues par la présente loi lorsque la peine encourue est égale ou supérieure à dix ans d’emprisonnement.
Article 16
Les personnes coupables d’une infraction prévue par la présente loi encourent également les peines complémentaires suivantes :
L’affichage ou la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues à l’article 131-35 du code pénal ;
Le travail d’intérêt général, pour une durée de vingt à cent vingt heures ;
L’obligation d’accomplir un stage de citoyenneté. Sauf décision contraire de la juridiction, ce stage est effectué aux frais du condamné ;
L’interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités prévues à l’article 131-26 du même code. Toutefois, le maximum de la durée de l’interdiction est porté à dix ans en cas de condamnation pour délit.
Article 17
Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2 du code pénal, des infractions prévues par la présente loi, encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du même code, les peines prévues à l’article 131-39 dudit code.
Article 18
Lorsqu’un délit ou un crime, autre que ceux définis par la présente loi, est précédé, accompagné ou suivi de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature qui soit établissent que les faits ont été commis contre la victime en raison de son appartenance ou de son association, vraie ou supposée, à la communauté religieuse et ethnique musulmane, soit portent atteinte à l’honneur ou à la considération de cette communauté, notamment en portant atteinte à l’honneur ou à la considération de la victime qui en fait partie, vraiment ou supposément, ou encore lorsque la victime a des caractéristiques personnelles notoirement associées à cette communauté que l’auteur de l’infraction ne pouvait ignorer, le maximum de la peine privative de liberté encourue est relevé ainsi qu’il suit :
Il est porté à la réclusion criminelle à perpétuité lorsque l’infraction est punie de trente ans de réclusion criminelle ;
Il est porté à trente ans lorsque l’infraction est punie de vingt ans de réclusion criminelle ;
Il est porté à vingt ans lorsque l’infraction est punie de quinze ans de réclusion criminelle ;
Il est porté à dix ans lorsque l’infraction est punie de sept ans d’emprisonnement ;
Il est porté à sept ans lorsque l’infraction est punie de cinq ans d’emprisonnement ;
Il est porté à cinq ans lorsque l’infraction est punie de trois ans d’emprisonnement ;
Il est porté à trois ans lorsque l’infraction est punie de deux ans d’emprisonnement ;
Il est porté au double lorsque l’infraction est punie d’un an d’emprisonnement.
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