La malédiction du second mandat a touché tous les présidents en France . De Charles de Gaulle à Emmanuel Macron, le second mandat a été fatal à chaque président réélu de la Ve République. Avant eux, la réélection de tous les autres présidents français avaient déjà entraîné le même syndrome. Plongeons dans l'histoire de cette anomalie de la démocratie française.
Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.
Entre Gargantua et Pantagruel
Agrandissement : Illustration 1
Charles de Gaulle : Une certaine vision de l'honneur d'un président
Même le plus président de tous nos présidents a vécu une fin de mandat tumultueuse après sa réélection en 1965.
Doté d'une Constitution écrite spécialement pour lui, le général de Gaulle, figure emblématique de la France moderne, a connu les affres du second mandat.
Bien que réélu avec une majorité confortable, son second mandat a été assombri par les événements de mai 68, une période de troubles sociaux sans précédent. La contestation étudiante et ouvrière a ébranlé son autorité, culminant avec un référendum perdu en 1969 sur la régionalisation et la réforme du Sénat.
Son honneur et une certaine vision de la France l’ont contraint à démissionner. Ce départ a marqué le début d'une tradition où les présidents se heurtent à des crises majeures au cours de leur second mandat.
François Mitterrand : L’ombre de la maladie
Moins investi par les questions d'honneur et de vision de la France, Mitterrand, réélu en 1988, a cru bénéficier d'un élan renouvelé.
Cependant, son second mandat a été assombri par des problèmes personnels et politiques.
La maladie l'a progressivement affaibli; au cours de son second mandat, François Mitterand était devenu une sorte d'ombre de lui-même.
Sur le plan politique, il a dû faire face à une cohabitation difficile avec la droite après les législatives désastreuses de 1993, où le Parti socialiste a perdu 218 sièges.
Malgré quelques succès comme le Revenu Minimum d’Insertion (RMI), son second mandat s'est souvent résumé à une lutte pour maintenir son autorité face à un paysage politique fragmenté.
Jules Grévy : Le scandale des décorations
Jules Grévy au centre
Agrandissement : Illustration 3
Avant même la Ve République, Jules Grévy incarne déjà la malédiction du second mandat. Élu président en 1879, il est réélu deux ans avant la fin de son premier mandat, en 1885.
Son premier septennat est marqué par une affirmation claire du caractère républicain du régime.
Cependant, son second mandat est rapidement terni par le scandale des Légions d'honneur impliquant son gendre, Daniel Wilson. Ce dernier profitait de sa position pour vendre des décorations à des donateurs généreux en échange de faveurs politiques. L'affaire éclate au grand jour en novembre 1887 et provoque un tollé général. Sous la pression croissante des parlementaires et de l'opinion publique, Grévy est contraint de démissionner le 2 décembre 1887, à peine quelques mois après avoir entamé son second mandat.
Albert Lebrun : La tragédie d’un président absent
Albert Lebrun réélu avant la défaite
Agrandissement : Illustration 4
Albert Lebrun, élu président en 1932 et réélu en 1939 sous la IIIe République, a subi la même malédiction.
Son premier mandat se déroule en France dans un contexte politique turbulent marqué par des crises économiques et sociales ainsi que par l'ascension du Front populaire.
Son second mandat se déroule à l’international dans un contexte politique turbulent marqué par des crises économiques et sociales ainsi que la montée du nazisme en Allemagne.
Perçu comme un président modéré et conciliant, Albert Lebrun est réélu le 15 avril 1939... quelques mois avant la seconde guerre mondiale.
Albert Lebrun se retrouve rapidement dépassé par les événements tragiques qui secouent l'Europe.
De toutes évidences, le costume de président était trop grand pour lui. Les temps de paix peuvent très bien s'accommoder de présidents médiocres. Mais en temps de crise voire de guerre, l'addition s'avère toujours fatale... pour les français.
Albert Lebrun n'est pas à l'origine de la déclaration de guerre à l'Allemagne en septembre 1939. Il est mis devant le fait accompli par son premier ministre, alors président du conseil, Édouard Daladier, l'artisan de Munich. Albert Lebrun se contentait alors de formaliser les décisions cruciales du gouvernement.
En juin 1940, face à l'invasion allemande, Albert Lebrun perd toute autorité sur les affaires militaires; pire, il commet l'erreur d'appeler Philippe Pétain à former un gouvernement
Le 10 juillet 1940, le président abandonne ses fonctions, sans démissionner formellement, laissant place au régime raciste de Vichy.
Napoléon III : L'ombre d'un empire déclinant
Citoyen Napoléon
Agrandissement : Illustration 5
Premier président de la république élu, Louis-Napoléon Bonaparte est très populaire. Fort de ce soutien populaire, il va négliger un principe fondamental de la démocratie : la séparation des pouvoirs. Dictateur bienveillant, le contrôle démocratique de son action par le parlement le gêne.
Au début de l'idée de république en France, le législateur a l'intelligence d'interdire la réélection du président. La Constitution prévoyait un mandat présidentiel de quatre ans, non renouvelable immédiatement. Cette restriction visait à éviter la concentration des pouvoirs entre les mains d'un seul individu, une préoccupation héritée des expériences monarchiques précédentes.
Et c'est justement ce qui gêne Louis Napoléon Bonaparte.
Après avoir été élu président en 1848, Louis Napoléon Bonaparte souhaite se représenter pour un second mandat; il se heurte au refus de l'Assemblée nationale législative d'autoriser sa candidature.
Face à cette impasse constitutionnelle et à l'inertie du parlement, il décide alors d'organiser un coup d'État le 2 décembre 1851, dissolvant l'Assemblée et proclamant le rétablissement du suffrage universel masculin.
Empereur dans une France devenu républicaine, Napoleon III allait découvrir la malédiction du second mandat.
Ce coup d'État est pourtant plébiscité par le peuple français; lors d'un référendum, près de 76 % des votants soutiennent ses actions contre l'avis des députés.
Un an plus tard, le 2 décembre 1852,Louis Napoléon Bonaparte devient Napoléon III, empereur des Français.
Initialement plébiscité par le peuple français pour sa promesse de stabilité et de prospérité après une période chaotique sous la Deuxième République, son régime évolue rapidement vers un autoritarisme marqué par la censure et la répression des opposants.
Toutefois, son règne sera marqué par une série de défaites militaires lors de la guerre franco-prussienne. Il sera finalement capturé lors de la bataille de Sedan en septembre 1870. La chute du Second Empire marquera la fin des velléités monarchiques et impériales des gouvernants de la France.
1870 marque la fin de l'idée révolutionnaire débutée en 1789. La France deviendra définitivement une république. Du latin Res Publica, la richesse publique, le bien commun ne pourront plus être détenus par un seul homme, et dépensé selon son seul bon plaisir.
Jacques Chirac : L’illusion d’un roi fainéant
Une certaine idée de la présidence
Agrandissement : Illustration 6
Réélu en 2002 avec un score impressionnant de 82 % des voix, Jacques Chirac aurait pu faire de son second mandat l'apothéose d'une carrière politique bien remplie.
Cependant, conscient d'avoir moins été élu sur son programme que pour éviter une présidence perçue comme fascisante, Jacques Chirac refusera d'entreprendre des réformes structurelles par manque de légitimité. Légitimité déjà fortement entamé par des affaires de corruption.
Son état de santé déclinant ont aussi contribué à un second mandat perçu comme celui d’un « roi fainéant ».
Cette perception donnera à son successeur l'illusion d'une compétence présidentielle. Pourtant la comparaison entre les deux hommes est sans appel. Tandis que Sarkozy manifestera ostensiblement et assez tôt une absence de vision, de culture voire d'intelligence politique, Jacques Chirac, par sa culture, son humanité et surtout sa compréhension du statut de président, reste aujourd'hui notre dernier président de la République.
Tous ses successeurs feront figure d’employés.
Emmanuel Macron : Du malentendu au mal entendant
Du malentendu au malentendant
Agrandissement : Illustration 7
Emmanuel Macron a été élu en 2017 sur une promesse de renouveau et d'innovation politique. Sa réélection en 2022 n’a pas été accompagnée du même enthousiasme.
En effet, il fait face à un parlement fragmenté et à des mouvements sociaux persistants qui sapent son autorité.
Son premier premier ministre Édouard Philippe a occupé ses fonctions pendant 1 145 jours (du 15 mai 2017 au 3 juillet 2020)
Son second premier, Jean Castex, prend la relève jusqu'au 16 mai 2022, soit une durée totale de 1 047 jours.
Élisabeth Borne est ensuite nommée le 20 mai 2022, mais ne reste au pouvoir que jusqu'au 9 janvier 2024; un remaniement qui n'a duré que 603 jours.
Foetus de la vie politique, Gabriel Attal prend ses fonctions le 8 février 2024; sa grossesse politique durera à peine 9 mois. Il ne sera resté premier ministre que 240 jours.
Michel Barnier, nommé le 5 septembre 2024, devient alors le Premier ministre le plus éphémère de la Vème république; seulement 90 jours au pouvoir.
On n'ose imaginer la durée du prochain premier ministre. Pourtant ils sont légion à vouloir ce poste, à droite comme à gauche.
Cette succession rapide met en lumière la difficulté pour Macron de maintenir une stabilité gouvernementale; ses premiers ministres restent de moins en moins longtemps au pouvoir dans un contexte politique tendu.
Malédiction ou phénomène historique ?
Les français n'ont pas permis à ses deux prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande de briguer un deuxième mandat.
La "malédiction du second mandat" semble déjà peser sur Macron ; face à son impossibilité de nommer un premier ministre, premier pouvoir de président, la question de sa démission relève de l’évidence.
Le concept même de "second mandat" doit être questionné. Chaque président semble piégé dans une dynamique où les promesses initiales se heurtent inévitablement aux réalités politiques.
Un cycle inéluctable ? Non, Un appel au changement !
La malédiction du second mandat présidentiel en France soulève des questions cruciales sur la pérennité démocratique du pays.
Outre l'usure naturelle du pouvoir, la gangrène de la phénoménale corruption des élus français devrait interdire toute réélection d’élus.
Et plutôt que de se poser la question du futur premier ministre, nous devrions poser celle du futur président de la république française.
Dès aujourd’hui, proposons une réforme constitutionnelle limitant la durée de la présidence à un seul mandat de sept ans.
Cette mesure trans-partisane permettrait d’abord de se retrouver tous d’accord sur une idée commune.
Et compte tenu de l’émiettement de la vie politique du pays, cette mesure ne serait pas un luxe.
Définissons d’abord ce sur quoi nous sommes d’accord, avant de continuer à nous écharper inutilement.
La non réélection du président permettrait de le libérer de la contrainte financière et de sa dépendance à d’éventuels bailleurs de fond.
Moins soumis aux lobbys, le president de la république passerait alors l'essentiel de son temps à se consacrer à sa mission plutôt qu'à sa réélection.
Une telle initiative renforcerait la démocratie française; mieux, elle favoriserait une gouvernance plus dynamique, et en un mot plus responsable.
Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.