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Billet de blog 15 juin 2025

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Le haut trahit, le bas invente

Alors que certains saluent le « réveil » tardif des élites face à Gaza, la parole, elle, n’avait jamais disparu. Elle était ailleurs. Dans la rue, les ronds-points, les visages sans nom. Là où naît désormais la vérité politique.

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Une femme magnifique © Yamine Boudemagh

Depuis peu, une partie du monde intellectuel et artistique semble découvrir l'urgence palestinienne, à coups de tribunes tardives, de déclarations glamour à Cannes ou de posts soudain engagés. On parle de changement d'atmosphère, de « déverrouillage ». Mais pendant que les élites hésitaient, se taisaient ou négociaient leurs mots au compte-gouttes, d'autres parlaient déjà. D'autres résistaient déjà. D'autres saignaient déjà.

Ce texte n'est pas une condamnation, mais un rappel cinglant. Celui que la légitimité ne s'octroie plus en haut, ne se décrète plus dans les salons feutrés, mais se construit en bas. Là où ça brûle. Là où ça vit. Là où ça espère contre toute espérance.

Lorsque l’élite est corrompue, la base devient l’avant-garde du pays.

« De ceux d’en haut
la bassesse est sans bornes.
Et même s’ils changeaient,
Cela ne servirait à rien;
Car le système, qui les a faits,
Ne peut être amélioré »

Bertolt Brecht, Sainte Jeanne des Abattoirs

Depuis que les Gilets jaunes ont jailli sur nos ronds-points comme autant de soleils en colère, depuis que leurs voix ont vrillé le silence confortable des élites, depuis que leurs corps ont occupé l'espace public déserté par la politique, quelque chose de profond s'est fissuré puis fracturé dans l'édifice vermoulu de notre cinquième République.

Une vérité s'est levée, lumineuse et dérangeante : 

L’avant-garde intellectuelle du pays 

ne marche plus en tête du cortège de l’Histoire.

Elle traîne, elle bégaie, elle arrive après la bataille, essoufflée et pendue, brandissant des bannières déjà froissées par d'autres mains. 

Sur la Palestine meurtrie, 

Sur le pouvoir d'achat qui s'effrite, 

Sur les violences policières qui mutilent, 

Sur la santé publique qui se délite, 

Sur l’Éducation qui désespère,… partout, absolument partout, les mots justes montent de la base sociale, non de la classe dirigeante, pas même de celle des partis. Les solutions surgissent du sol nourricier, tandis que nos tours d'ivoire résonnent d'échos creux et de certitudes fanées comme des fleurs d’herbier.

L'inversion des rôles

Partout, dans tous les partis, de tous bords, de toutes obédiences, le même constat s'impose avec la force de l'évidence : Ce sont les militants qui murmurent l'avenir, ce sont les anonymes qui articulent l'espoir, ce sont les oubliés qui dessinent demain à l'encre de leurs larmes et de leur rage.

Pendant que leurs dirigeants, tous leurs dirigeants sans exception, quelles que soient leur couleur politique, naviguent mollement entre critique tiède et soumission molle, répétant des refrains désuets et des antiennes usées face aux urgences qui brûlent nos chairs et nos consciences.

Voyez comme nos compatriotes vibrent spontanément pour la Palestine opprimée. 

Voyez comme ils reconnaissent dans ces terres lointaines l'écho de leurs propres combats.

Voyez comme cette empathie instinctive révèle une conscience politique plus aiguë, plus fine, plus vraie que celle de nos salons parisiens où l'on disserte encore sur des nuances devenues indécentes.

Nous ne sommes RIEN, 

alors nous pouvons TOUT nous permettre

Aujourd'hui le peuple pense, le peuple invente, le peuple précède et devance tous les calendriers officiels.

Aujourd'hui nos intellectuels suivent — quand ils ne traînent pas honteusement la patte. Découvrant avec un retard coupable ce que la rue savait déjà, ce que les cœurs portaient déjà, ce que les corps exprimaient déjà dans leur révolte muette ou criarde.

Renversement saisissant, révolution silencieuse mais irrépressible, l'intelligence collective a déserté ses palais dorés pour fleurir dans les cafés enfumés, sur les places battues par les vents, dans les assemblées citoyennes où se forge l'authentique modernité de demain.

La sagesse qui monte

Ne nous y trompons pas, ne nous y méprenons surtout pas : Il ne s'agit point de célébrer l'ignorance contre le savoir, la démagogie facile contre l'expertise patiente, le populisme contre la complexité nécessaire. Il s'agit de reconnaître, avec humilité et lucidité, que la sagesse politique ne descend plus du ciel des puissants vers la terre des damnés.

Elle monte. Elle sourd. Elle jaillit de la simple humanité. 

Elle jaillit de l'expérience vécue, de la souffrance partagée, de l'espoir têtu qui refuse de mourir malgré toutes les trahisons, tous les reniements, toutes les lâchetés.

L'appel au renouveau

Cette métamorphose magnifique et nécessaire appelle nos dirigeants à l'humilité, nos institutions à la porosité, nos élites à l'écoute.

Le secret du renouveau démocratique, si nécessaire, naît de cette attention patiente et respectueuse aux murmures du peuple, à ses cris aussi bien qu'à ses silences. L'avenir de notre République naît de cette confiance retrouvée envers la parole citoyenne, cette parole longtemps méprisée, longtemps ignorée.

Laissons donc bruire cette symphonie populaire. Laissons donc monter cette sève démocratique. Laissons donc s'épanouir cette floraison citoyenne qui parfume déjà l'air du temps.

Le temps est venu d'une avant-garde aux mille visages, d'une intelligence collective qui ne se cantonne plus aux cercles convenus mais irrigue tous les territoires de l’espoir. Le temps est venu de cette révolution douce qui renverse les hiérarchies établies pour que remonte enfin, du fond de nos peuples, la vérité nue de la plus simple humanité.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.