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Billet de blog 17 juin 2025

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L'ambition écologique du gouvernement

Article publié le 3 février 2025

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Après des années de forte croissance, le budget de la transition énergétique connaît un net recul en 2025, passant de 40 milliards d’euros en 2024 à seulement 14 milliards. Cette baisse marque la fin des mesures d’urgence, comme le bouclier tarifaire, mais soulève aussi des inquiétudes quant à la capacité du pays à tenir ses engagements climatiques.

Illustration 1
© budget.gouv.fr

Un discours ambitieux, des investissements mesurés

L’un des éléments phares de ce budget est la volonté affichée de diversifier le mix énergétique, avec 4,23 milliards d’euros alloués à la production d’électricité verte. L'objectif est de soutenir des projets dans l’éolien, le solaire photovoltaïque et les bioénergies.

Ce financement, combiné à 1,18 milliard d'euros pour l'injection de biométhane dans le réseau, pourrait être un levier efficace pour réduire la dépendance aux énergies fossiles.

Mais ce budget reste largement insuffisant pour atteindre les objectifs climatiques de la France. Les ONG environnementales, à  l'image de Réseau Action Climat, estiment qu'il faudrait 66 milliards d'Euros par an pour mettre la France sur une trajectoire compatible avec l'Accord de Paris.

Pour elles, ces 14 milliards relèvent davantage d'une déclaration d'intention que d'un véritable tournant stratégique.

Prenons l’exemple de l’hydrogène vert, qui capte une partie de ces investissements avec 692,5 millions d’euros.

Présenté comme un levier clé pour la décarbonation des secteurs industriels et des transports lourds, cet investissement semble en décalage avec la réalité de la production de cette énergie, encore trop coûteuse et largement dépendante d’une technologie émergente. Les critiques sont nombreuses : Certains économistes estiment qu’une partie de cet argent serait mieux utilisée pour renforcer des énergies renouvelables plus matures.

En somme, la question reste ouverte : Ces choix sont-ils les plus adaptés pour une décarbonation rapide et juste ?

Une comparaison européenne peu flatteuse

Comparée à ses voisins, la France affiche un effort contrasté.

  • L'Allemagne, bien que traversant une crise énergétique liée à sa sortie du nucléaire et à la fin du gaz russe, a investi plus de 30 milliards d'Euros en 2023 pour développer les énergies renouvelables et moderniser son réseau électrique.
  • L'Espagne, grâce aux fonds du plan européen Next Generation EU, a alloué plus de 20 milliards d'Euros à la transition verte sur les trois dernières années.

Ces écarts soulignent une certaine prudence budgétaire française, alors même que la planification écologique annoncée par le gouvernement nécessite des investissements massifs et continus.

À l'heure où l'Union européenne impose aux états membres une trajectoire de réduction des émissions, la France prend le risque de voir sa compétitivité énergétique affaiblie si elle tarde à moderniser son infrastructure.

Précarité énergétique : des résultats attendus… mais à quel prix ?

Si la France veut se donner les moyens de lutter contre la précarité énergétique, elle doit aussi prendre en compte les véritables impacts sur les citoyens les plus vulnérables.

Le chèque énergie, qui bénéficie d’un budget de 900 millions d’euros, permet d’aider les ménages modestes à financer leurs factures et à améliorer l’isolation de leur logement.

Mais est-ce vraiment suffisant ?

Pour des millions de Français, la transition énergétique ne se résume pas à des aides ponctuelles. Elle implique des réformes structurelles pour rendre l'énergie réellement accessible à tous. La flambée des tarifs pour les ménages modestes, couplée à des infrastructures vieillissantes, met en lumière la lenteur de la transition.

Et cette réalité est trop souvent ignorée par les décideurs qui, dans l'urgence, se concentrent davantage sur la réduction des émissions que sur les véritables inégalités sociales en matière d’accès à l’énergie.

Décarbonisation des transports : l’aviation et l’automobile en première ligne

Les transports, responsables de 30 % des émissions de CO2‚ en France, sont un levier clé de la transition. Le budget prévoit 970,5 millions d'Euros pour financer l'électrification du parc automobile et soutenir la recherche sur des avions "zéro émissions".

Si ces initiatives vont dans le bon sens, elles sont largement insuffisantes au regard des enjeux :

  • La voiture électrique est-elle la seule solution ? L'accent est mis sur l'électrification des véhicules, mais sans transformation du modèle de mobilité; peu de financements sont alloués aux transports en commun ou au développement de l'intermodalité.
  • L'aviation verte : De nombreuses ONG dénoncent un mirage technologique, considérant que la recherche sur les avions bas-carbone ne compensera jamais l'impact écologique de la croissance du trafic aérien. Certains "experts", comme Jean-Marc Jancovici, plaident pour une régulation plus stricte des vols, notamment privés, plutôt qu'un pari hasardeux sur une aviation propre encore inexistante.

En comparaison, les Pays-Bas et la Suède ont investi massivement dans les infrastructures ferroviaires et ont réduit les subventions aux carburants fossiles dans l'aérien, incitant ainsi à une baisse des trajets courts en avion.

La France, en revanche, tarde à imposer des restrictions sur les vols intérieurs alors qu'un réseau ferroviaire performant pourrait les remplacer.

Nucléaire : Solution de transition ou impasse ?

L'un des grands dilemmes du gouvernement réside dans son approche hybride entre énergie nucléaire et énergies renouvelables.

Si le budget 2025 renforce le soutien aux renouvelables, il consacre également 780 millions d'Euros à la sûreté nucléaire et à la gestion des déchets radioactifs.

Emmanuel Macron a réaffirmé son engagement pour un renouveau du nucléaire, avec la relance de six nouveaux réacteurs EPR. Certaines ONG estiment que cet investissement massif freine le développement des alternatives renouvelables et détourne des financements publics vers une industrie aux coûts incertains.

Si les partisans du nucléaire y voient une énergie bas-carbone essentielle pour garantir la stabilité de l’approvisionnement en électricité, cette approche soulève de plus en plus de questions.

En dépit des promesses de réduction des risques, l’option nucléaire reste une source de division; l’avenir passe par la fermeture progressive des centrales et un virage plus net vers les renouvelables.

L’ambivalence du gouvernement, qui d’un côté se veut le champion des énergies renouvelables et en même temps maintient sa dépendance au nucléaire, dévoile une profonde contradiction, lourde de défis en matière de sécurité et de gestion des déchets.

Contrairement à l'Allemagne, qui a fait le pari du 100 % renouvelable, au prix de lourdes difficultés liées à sa dépendance au charbon, la France joue la carte du nucléaire comme énergie de transition.

Cette stratégie présente des avantages en termes de stabilité énergétique, mais révèle deux incertitudes :

  • Le coût réel du nucléaire reste incertain : Entre les retards des projets EPR, le coût du démantèlement et la gestion des déchets, l'addition pourrait être plus élevée que prévue.
  • Un retard potentiel sur l'innovation verte : En investissant massivement dans le nucléaire, la France pourrait freiner le développement d'autres technologies énergétiques comme le stockage de l'électricité ou la géothermie, aujourd'hui largement sous-financées.

Les limites d’une transition sociale et juste

Face aux dérèglements climatiques, la France renforce également ses dispositifs pour la gestion des risques environnementaux, avec des investissements dans la prévention des catastrophes naturelles et la gestion des déchets.

Les 908,15 millions d’euros alloués à l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) pour promouvoir l’économie circulaire, la réduction des déchets et le recyclage, témoignent d’une volonté de transformer l'économie pour la rendre plus respectueuse de l'environnement.

Derrière ces milliards investis dans l’énergie et les transports, se pose un autre défi fondamental : celui de la justice sociale.

Les initiatives comme le chèque énergie sont-elles suffisantes face à l’ampleur des inégalités sociales qui se creusent avec les politiques énergétiques ?

Au-delà des chiffres, qui profite vraiment de cette transition énergétique ?

Un défi économique et sociétal majeur

L'une des grandes failles du budget 2025 réside dans son incapacité à traiter la transition écologique comme un enjeu social. Certes, 900 millions d'Euros sont alloués au chèque énergie, mais cela reste une réponse ponctuelle face à une problématique structurelle.

En France, 79 % des ménages déclarent restreindre leur chauffage en hiver pour limiter leur facture. La rénovation thermique des logements est le grand absent du budget : Bien que cruciale pour réduire la précarité énergétique, elle demeure sous-financée. Les associations de lutte contre la pauvreté, à l'image de la Fondation Abbé Pierre, alertent sur une fracture énergétique grandissante, qui touche en premier lieu les ménages modestes et ruraux.

En Allemagne, le gouvernement a lancé un vaste programme de rénovation des bâtiments, intégrant des subventions massives pour les ménages précaires. La France, en comparaison, avance à petits pas, au risque d'aggraver les inégalités d'accès à l'énergie.

Les ONG plaident pour des réformes plus radicales, tandis que l’opposition dénonce une gestion budgétaire qui, selon elle, ne répond pas aux attentes des classes populaires.

En France, l'écologie politique est représentée par le parti Les Écologistes. Le jugement des Écologistes sur ce budget sera primordial, au-delà de l’ambition affichée d'équilibre entre les différentes priorités du gouvernement, notamment la compétitivité économique et la solidarité sociale.

Le rôle des acteurs industriels et des citoyens sera lui aussi déterminant. L’adhésion des entreprises à ces nouvelles normes et l’évolution des comportements individuels conditionneront la réussite de cette transformation.

Pour cette raison, il est essentiel d'avoir un gouvernement non clivant, qui joue à plein le rôle premier de tout politique :

  • Rassembler les citoyens
  • Inspirer et susciter les initiatives
  • Être à l'écoute de toutes celles et tous ceux qui entendent oeuvrer vers cet objectif. 

Si les politiques publiques tracent la voie, ce sont bien les initiatives locales, les choix de consommation et les innovations privées qui concrétiseront cette ambition.

Un compromis politique sous contrainte budgétaire

Entre volonté d'affichage et réalisme économique, le budget 2025 reflète une triple tension :

  • Écologie et rigueur budgétaire : Avec une dette publique élevée, l'exécutif reste réticent à débloquer les fonds nécessaires à une transition rapide.
  • Compétitivité et transformation : L'accent mis sur le nucléaire et la voiture électrique montre une priorité donnée aux industries existantes plutôt qu'à une refonte plus large du modèle économique.
  • Justice sociale et urgence climatique : Le budget favorise l'investissement industriel mais reste timide sur les mesures d'accompagnement pour les plus précaires.

La France se trouve face à un choix historique : Accélérer la transition par des investissements massifs et une refonte de son modèle énergétique, ou opter pour des ajustements progressifs au risque de payer plus cher demain.

Reste à savoir si le gouvernement issu de la censure aura le courage de tirer les conséquences du dérèglement climatique.

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