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Billet de blog 17 juin 2025

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P.A. : La Politique Artificielle

Article publié le 7 janvier 2025

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Qualityland de Marc-Uwe Kling, décrit une société ultra-technologique où des machines collectent des données sur les préférences, comportements et besoins des citoyens. La politique procède de la même manière. Et dans les deux cas, leur machinerie n’accepte jamais de reconnaître leurs erreurs.

Illustration 1
© Actes Sud

La lecture du roman de Marc-Uwe Kiling nous permet de comprendre l’illusion politique qui sévit en France aujourd’hui.

La France aujourd’hui ?

Une société où les choix politiques sont aussi dirigés, aussi “optimisés” que les produits que l’on nous impose. 

Une société où les trois grands blocs – la gauche, le centre-droit et la droite xénophobe – ne sont plus que des classes parallèles dans un système qui nous fait croire à l'existence de pouvoirs alternatifs..

L’objectif à peine caché des partis politiques. 

Dans un système où le clivage entre gauche, centre-droit et droite xénophobe est devenu la norme, chaque citoyen est censé s'identifier à une de ces trois classes; Il doit en aimer le ou la chef.fe... et détester celle ou celui des autres. L'entre-soi règne en maître grâce aux algorithmes des réseaux sociaux. 

"Toute la Gaule est occupée par ces trois classes. Toute ? Non ! Une classe  peuplée d'irréductibles Gaulois résiste encore et toujours à la politique...".  L'autre classe, celle qui justifie les trois autres : Ce sont les inutiles, celles et ceux qui ne votent pas, qui ne s’intéressent pas à la politique,  les fameux "déconnectés" selon la  taxinomie de la fondation Jean Jaurès

En réalité, tout le système repose sur cette classe. 

Elle sert de repoussoir aux autres classes. Elle permet de croire que l’on choisit son camp politique, sinon on devient un inutile. 

Tant qu’il existe une classe inférieure qui ne vote pas, nous avons l’impression d’appartenir à la classe dirigeante et de décider notre destin.

En fait, on ne choisit pas son camp politique, c’est le camp politique qui nous choisit. D’ailleurs il peut nous exclure pour peu que nous ne reconnaissions plus la suprématie du chef.

Les classes ne sont plus sociales, elles ont comportementales et géographiques. Et donc, elles ne sont plus hiérarchisées.

Il n’y a plus de lutte des classes. Certes les inégalités économiques, sociales et culturelles restent omniprésentes. La fracture sociale est aujourd'hui un abîme de plus en plus profond.  Et, si les classes existent toujours, elles ne luttent plus sur le fond. Elles ne luttent plus que sur la forme, sur le nombre de ses divisions.

Et l'exemple de la gauche est à ce titre flagrant.

Une gauche bien comprise estime qu'elle a gagné les élections lorsque chaque français a pu s'y exprimer et voit ses idées représentées.

Aujourd'hui, le Nouveau Front Populaire en est à compter ses députés pour se mesurer à une droite déliquescente dans un absurde combat de coqs.

Les classes ne luttent plus, elles coexistent dans des mondes parallèles. On croit avoir le pouvoir de choisir entre elles, mais tout cela est une illusion. 

Notre revenu, celui de nos parents, notre niveau d’éducation, l’endroit où l’on habite décident pour nous notre camp politique.

Et le choix est mince : Entre une droite xénophobe nostalgique d'un ordre ancien qui n'a jamais existé et une gauche, où les comptables ont pris le pas sur les humanistes, le centre croit pouvoir se présenter comme un sauveur pragmatique.

C’est là, la grande illusion. On nous parle de révolution, de changement, mais ce que nous vivons est l'instrumentalisation de nos désirs, de nos rêves, de nos choix. 

La politique est un produit de consommation, comme les autres et qui obéit aux mêmes règles. Conçu pour nous faire croire que nous participons à un véritable débat, nous ne faisons que suivre une série de mouvements orchestrés.

Vous ne me croyez pas ?

Prenons le rebelle en chef, l’insoumission par excellence : Jean-Luc Mélenchon

Et prenons un exemple concret  :

Il y a trop de députés. Chacun, qui n’est pas député, en convient. Deux députés par département, chacun de sexe et de partis différents, suffiraient pour représenter l’ensemble des opinions des françaises et des français et participer à l’établissement de la loi.

202 député.e.s au lieu de 577, une belle économie ! Des commissions permanentes réduites à 25 député.e.s au lieu de 72 facilitent le dialogue et le rendent plus efficace.

Et bien, demandez à Jean-Luc Mélenchon, ce qu’il pense de la diminution du nombre de députés et vous entendrez l’avis le plus conservateur qui soit. 

Surtout ne pas changer le système. Insoumis mais presque.

Prenons l’autre rebelle en cheffe : Marine Le Pen.

Et prenons un exemple concret  :

"La France aux Français”, "Ni droite, ni gauche : Français !”, "On est chez nous !" sont les mots d’ordre hautement revendiqués par son parti. 

Et bien, demandez à Marine Le Pen et ses 142 députés et apparentés de voter une loi qui obligerait un.e député.e binational.e de révéler dans sa déclaration d'intérêts le fait qu'il ou elle soit binational.e.

Demandez à Marine Le Pen ce qu'elle pense d'une telle loi et vous entendrez l’avis le plus conservateur qui soit. 

Surtout ne pas changer le système. Nationaliste mais presque.

Il reste les centristes, le ventre mou de la politique française.

Prenons au hasard : François Bayrou. Le hasard fait bien les choses, il vient d’être nommé premier ministre.

Et prenons un exemple concret  :

Les députés disposent d’un crédit affecté à la rémunération de collaborateurs qui s’élève à 11 118 € par mois. 

Compte tenu des nombreuses malversations dont ce crédit a été l’objet, il serait raisonnable de retirer ce budget au député et de laisser l’Assemblée Nationale en disposer pour rémunérer directement les collaborateurs parlementaires et s’assurer de la pertinence de leur travail.

L’assistant parlementaire deviendrait employé de l’Assemblée Nationale avec un statut dédié. Il serait recruté par le député, embauché par l’Assemblée Nationale puis détaché auprès du député dans un contrat à durée déterminée.

Demandez à François Bayrou ce qu'il pense d'une telle loi et vous entendrez l’avis le plus conservateur qui soit. 

Surtout ne pas changer le système. Pragmatique mais rentable.

Il y aurait bien les Écologistes pour mettre tout le monde d’accord. Entre une France raciste et une France écologiste,  le choix est simple.

Mais, les écologistes sont trop occupés à parler entre eux, pour entendre ce qui se dit ailleurs. Merci de ne pas les déranger… au moins jusqu’à la prochaine élection, probablement municipale en 2026.

Voilà, ce n’est pas la dystopie de Quality Land, c'est  la France politique en 2025.

Certes, depuis longtemps, la politique est une illusion de choix. Mais là, ce dont il est question, c’est notre devenir. Nous devenons ce à quoi ils aimeraient nous faire ressembler. 

Nous ne choisissons pas les partis politiques; Ils nous choisissent.

À force d’être bombardés quotidiennement de leurs inutiles paroles, nous ânonnons les mêmes niaiseries racistes... par lassitude. De peur d’être inaudible, nous nous conformons à ces choix, qui pourtant ne sont pas les nôtres. 

Car comment être raciste dans un pays où la moitié des communes a moins de 450 habitants ?

Comment avoir peur de sortir le soir dans un pays où plus de 7 communes sur 10 ont moins de 2 000 habitants ? La criminalité en France est le fait presqu'exclusif des grandes villes.

Dans un pays où plus de 9 communes sur 10 ont moins de 5000 habitants, le seul "immigré" dont on connaît le prénom est celui que la télévision et les partis politiques nous ont demandé de détester. 

Les partis politiques et leurs chiens de garde journalistiques nous demandent d'être racistes et de voter en conséquence. La peur incite à la consommation. Alors par lassitude, on anônne les mêmes niaiseries. D'ailleurs, les grandes commémorations nationales, dégoulinantes de mièvrerie, n'ont pas d'autre objet.

Et nous oublions l’essentiel. 

Avant d’être de gauche, de centre-droit ou de droite xénophobe, nous sommes d’abord et avant tout des hommes, des femmes, des maris, des épouses, des enfants, des parents, des collègues, des ami.e.s, des voisins, des voisines. 

Et nous vivons ensemble, nous travaillons ensemble, nous nous parlons ensemble, nous nous aimons peut-être.

Et comme les porcs-épics de Schopenhauer, pour se réchauffer par temps froid, nous nous rapprochons les uns des autres. Et comme chez ces drôles de hérissons, plus nous nous rapprochons, plus nos piquants nous blessent mutuellement. Alors, après un moment, nous ne voyons plus que les piquants. Et nous définissons l'autre pas ses piquants.

Le rôle des partis politiques est d’exacerber ces piquants.

La société devient un choix entre avoir mal ou avoir froid. Espérons pour cette année nouvelle, que l’hiver soit plus court.

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