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Billet de blog 17 juillet 2025

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L’éphémère Vérité

Avant d’être financier, avant même d’être un déficit d’idées voire de compétences, le déficit du budget de l’état est avant tout un déficit de méthodologie.

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Un déficit de méthodologie © Yamine Boudemagh

L’heure n’est plus aux atermoiements. Après des décennies de déficits chroniques, d’une dette nationale qui file à une vitesse vertigineuse, 5 000 euros par seconde, il ne s’agit plus de constater l’urgence, mais d’y répondre. 

Et cela commence par un aveu lucide : Notre modèle repose sur une dépendance presque pathologique à la dépense publique. Rarement sur l’augmentation des recettes fiscales. 

Au lieu d’investir pour l’avenir, nous avons emprunté pour financer l’instant. Quand on dépense “57% de notre PIB” pour n’en encaisser que “50% en recettes" (sic), l’équation devient vite intenable.

Mais au-delà des chiffres bruts, il y a une réalité plus profonde; nous avons peu à peu oublié que l’on doit d’abord produire avant de redistribuer. Ce fil invisible qui lie la création de richesse à sa répartition s’est effiloché, et avec lui, notre balance commerciale. La France connait un déficit de plus de 100 milliards d’euros chaque année depuis quatre ans.

Dans ce contexte critique, François Bayrou a mis sur la table deux plans structurants : "Stop à la Dette" et "En avant la production". Plus qu’une simple coupe budgétaire, il s’agit d’une refonte profonde de notre modèle économique et social, un plan pluriannuel s’étendant jusqu’en 2029, avec l’objectif clair de stabiliser notre dette en ramenant le déficit à 2,8%.

"Stop à la Dette" : L’année blanche

Le volet "Stop à la Dette" est le plus immédiat et le plus exigeant. Il appelle à un effort collectif sans précédent, à hauteur de 43,8 milliards d’euros pour 2026. 

La mesure la plus emblématique consiste en une “année blanche” en 2026. Elle prévoit le gel de la plupart des prestations, des pensions et des salaires publics à leur niveau de 2025. Cette décision suscite des inquiétudes; présentée comme un mal nécessaire dans un contexte de faible inflation, cette mesure a pour objectif de freiner la croissance des dépenses, elle risque de freiner la croissance des recettes. 

Les coupes dans les dépenses publiques sont multiples : Suppression de 3 000 emplois publics en 2026, meilleure gestion des actifs de l’État, rationalisation des agences et comités. Les collectivités locales seront également appelées à contribuer, en limitant la croissance de leurs dépenses à celle des ressources nationales.

Le secteur de la santé, grand consommateur de deniers publics, sera également mis à contribution. Limiter la hausse automatique des dépenses de santé, augmenter le plafond annuel de participation aux médicaments, réformer la prise en charge des Affections de Longue Durée (ALD); autant de mesures qui visent à endiguer un système qui, sans ces ajustements, menacerait de s’effondrer.

Comme souvent à droite, la recherche du bouc émissaire est le combustible de toute action. Ici, il est question d’abus liés aux arrêts maladie, toujours imputables au patient, jamais au médecin.

Enfin, sur le front fiscal, des mesures dites “de justice sociale” viendront compléter le tableau; les niches jugées superflues seront supprimées, la lutte contre la fraude intensifiée, et les hauts revenus mis à contribution à travers une taxe de solidarité. Une démarche d'équité, où chacun participe à proportion de ses moyens.

Étrangement, il n’est pas question des 211 milliards offerts aux entreprises, sans contrepartie pour l’emploi, ni même sur les dividendes versés aux actionnaires.

"En avant la Production" : Réactiver l'appareil productif

Réduire les dépenses ne suffit pas, il faut aussi relancer la machine. C’est le rôle du second volet, qui s’attaque à la racine du problème : La faiblesse de notre appareil productif. 

Le plan "En avant la production” se donne comme objectif de résoudre notre déficit et redonner du pouvoir d’achat à nos concitoyens, en augmentant notre production nationale.

Trois piliers structurent ce volet :

  1. Réconcilier la France avec le Travail : L’idée de supprimer deux jours fériés est symbolique et pragmatique. Elle est supposée augmenter notre temps de travail et, par ricochet, notre production. L’objectif est d’élever notre taux d’emploi, notamment chez les jeunes et les seniors.
  2. Simplifier la Vie des entrepreneurs : En échange d’un allègement des aides, l’État promet moins de normes, moins d’entraves. Moins de paperasse, plus d’agilité. Le recours aux ordonnances en dit long sur le sentiment d’urgence.
  3. Renforcer notre Compétitivité : Capitaliser sur notre énergie décarbonée, faciliter l’accès au financement pour nos PME, lutter contre les retards de paiement, élaborer une stratégie de commerce extérieur pour inverser notre déficit structurel, et orienter nos investissements vers l’IA et la cybersécurité. La France entend reprendre l’initiative sur l’échiquier mondial. La préférence européenne dans les marchés publics est un signal fort en ce sens.

Beaucoup de voeux pieux qui, entre autres, n’expliquent pas comment convaincre d’embaucher les plus de 50 ans

La Défense : Une Exception Cruciale

Dans ce climat d’austérité, une exception est faite, et elle est de taille : L’investissement dans notre défense 

Et cela ne surprendra personne tant les discours actuels sont belliqueux. Les tensions géopolitiques, les menaces hybrides, la nécessité de garantir notre autonomie stratégique, tout est fait pour nous convaincre de réarmer. Aussi Les milliards d’euros supplémentaires alloués à nos armées ne sont pas cités comme une dépense, mais comme une nécessité absolue.

Loin d’être une entorse au plan d’économies, cet investissement est promu comme une condition sine qua non de notre souveraineté.

Illustration 2
© Yamine Boudemagh

Un Fardeau Inégal et des Choix Contestés

Malgré sa présentation comme un impératif national, ce programme ne fait pas l’unanimité; il suscite de vives critiques au sein du spectre politique et social. 

L'"Année Blanche", par exemple, est perçue par beaucoup comme une baisse effective du pouvoir d’achat; si le montant nominal reste identique, la vie "coûtera mécaniquement plus cher", faisant peser le poids de l'effort sur les citoyens ordinaires. 

Le plan "prend dans les poches" des travailleurs, des retraités, des chômeurs et des malades, tout en épargnant les plus aisés et l'armée. 

Les réformes de l'assurance chômage et la refonte des aides sociales sont vues comme une érosion du filet de sécurité, rendant l'accès aux prestations plus difficile. 

Les mesures sanitaires, telles que l'augmentation de la franchise sur les médicaments ou la réforme des ALD, sont accusées de rendre le fait d'être malade "plus cher et suspect", ignorant les réalités des déserts médicaux. 

Par ailleurs, la réduction des effectifs dans la fonction publique (3000 postes en 2026, sans remplacement d'un fonctionnaire sur trois à terme) et les coupes de 5 milliards d'euros demandées aux collectivités locales font craindre une dégradation des services publics essentiels.

Un point de friction majeur réside dans les aides massives aux entreprises; 

211 milliards d'euros d’après un rapport du Sénat.

Une somme astronomique, supérieur à notre déficit et jugée "sans contrôle ni transparence". 

"Cibler" les prestations sociales tout en ne remettant pas en question ces subventions relève de l’hypocrisie la plus pure.

Une part significative de ces aides bénéficie pourtant à de grandes entreprises, parfois installées dans des paradis fiscaux, sans garantie de retombées concrètes en termes d'investissement ou d'emplois en France. 

Ces mesures ne sont pas une nécessité économique, mais des "choix politiques explicites" qui protégent les profits des élites. Pire, elles transformeraient l'État en simple garant d'un ordre économique inégal. 

Le programme de François Bayrou feint d’ignorer  la responsabilité de la dette, le résultat de "8 années de Macronisme". 

Et la proposition de supprimer deux jours fériés n’est qu’une "pure diversion”, voire de la "démagogie", destinée à détourner l'attention. 

Les comparaisons avec des modèles d'austérité drastiques comme la Grèce ou l'Argentine de Javier Milei, même si les contextes sont différents, alimentent les inquiétudes quant à l'impact social de cette cure d'austérité.

Moment de Vérité ou vérité d’un moment

Les jours du gouvernement de François Bayrou sont comptés. Et il le sait.

Dans cette mauvaise comédie empreinte de cynisme et de mauvaise foi, Marine Le Pen  tient le rôle de maîtresse des horloges. 

François Bayrou passera-t-il l’automne? 

Et dans ce cas, que deviendra son "moment de vérité" ?

L’insulte faite à l’intelligence collective française tient dans l’absence totale de méthodologie d’un programme qui se veut plan pluriannuel pour les 4 ans à venir.

Qui peut répondre à ces questions simples ?

  • Quel est le montant total des dépenses publiques prévues par François Bayrou ?
  • Quel est le montant des recettes fiscales, prévues par Francois Bayrou ? Sans recettes fiscales, il n’y a pas d’économies à réaliser.
  • Quel est le montant total du déficit que nous propose François Bayrou pour 2026 ? Et combien coûtera-t-il en termes d’intérêts pour le budget de l’état ?

Trois questions de base pour quiconque entend établir un budget.

Pourtant, sans n’avoir aucune de ces réponses, chaque groupe politique ira de son refrain  habituel :

La France Insoumise criera à l’injustice sociale; 

Le Parti socialiste fera semblant de s’opposer

Les Écologistes prendront la température.

Le Centre, la droite, ou ce qu’il en reste, nous expliqueront que c’est la faute des chômeurs, des malades et des retraités;

Et l’extrême-droite nous expliquera que de toutes façons c’est la faute aux immigrés. 

Rien de nouveau donc sous le soleil du paysage politique français. C’est le jeu démocratique. Mais il est temps de dépasser les clivages stériles et de se rassembler autour de l’essentiel : 

(Ré-)Apprendre à compter.

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