Le rideau se lève, et avant même que la lumière ne baigne la scène de ses lueurs hypnotiques, on sent une tension électrique dans l’air. C’est comme si les murs mêmes de l’EKKOLO Theatre retenaient leur souffle, prêts à exploser sous l’assaut imminent. Rory Breaker-Morant est sur le point d’entrer en scène.
Dans le Bangkok underground, loin des quartiers chics, un murmure s’est répandu ces dernières semaines : "Rory est de retour." Cet Australien d’origine, qui a planté ses racines dans le bitume de la cité des anges, fait un retour en force; le mot se passe entre initiés : Si tu ne sais pas, tu es déjà hors-jeu.
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Un maelström visuel et sonore
Dès les premières notes, la voix rocailleuse de Rory prend possession de l’espace, martelant le public avec une force brute, presque primaire. Ce n’est pas un poème, c’est un assaut, un maelström visuel et sonore qui déchire les voiles de la réalité, laissant place à un univers parallèle où les règles sont écrites à coups de riffs tranchants et de beats furieux, orchestrés de main de maître par le génie de Maurizio Ghisleni.
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Le voyage poétique prend vie sur scène avec une intensité qui ferait rougir les théâtres conventionnels. Chaque poème est un manifeste, chaque note un coup de boutoir contre l’apathie ambiante. Rory ne se contente pas de jouer, il incarne ses poèmes, les réinvente, les dynamite de l'intérieur.
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Une performance enragée et viscérale
Sur scène, Rory est une bête. Il arpente l’espace comme un fauve en cage, ses mouvements saccadés et imprévisibles captivent le regard. Interprété par le célèbre mime thaïlandais HAO, son double peine à le contenir. Il est difficile de savoir si l’on assiste à une performance d’un artiste en transe ou à une prise d’otage, tant l'intensité est palpable. Le public, lui, est envoûté, pris dans cet ouragan de sons et de lumières, oscillant entre extase et vertige.
Il y a dans ce show un refus de se conformer, un désir presque anarchique de tout brûler pour mieux reconstruire. La setlist navigue entre les déflagrations sonores de ses morceaux les plus durs et des moments d’accalmie trompeurs, où l’ombre d’un désespoir se faufile à travers les notes. L’auditoire, accroché à chaque instant, ne sait jamais à quoi s’attendre, et c’est précisément ce qui rend le spectacle si captivant.
L'après-choc : entre épuisement et exaltation
À la fin du spectacle, l’épuisement se lit sur chaque visage. Rory retire le bandeau qui lui cachait les yeux et jette un dernier regard au public, un sourire énigmatique sur les lèvres, avant de disparaître dans les coulisses. Les rappels sont nombreux, mais inutiles – il n’en a pas besoin. L’impact est déjà fait, gravé dans la chair des esprits présents.
L’EKKOLO Theatre, ce soir-là, a été le théâtre d’un cataclysme artistique, un moment suspendu où le temps a semblé s’évanouir, laissant place à un chaos organisé, mais d’une beauté rare. Le retour de Rory Breaker-Morant marque un tournant, une réinvention, une renaissance même. Ceux qui y étaient ne l’oublieront pas de sitôt.
En quittant la salle, un spectateur murmure à son ami : "C’était... brutal." L’autre, l’air hagard, acquiesce : "Brutal, mais magnifique." Et quelque part dans l’obscurité des rues de Bangkok, Rory Breaker-Morant, l’éternel outsider, sourit, satisfait de sa tempête.
Boîte Noire :
- Le show “Imposter” de Rory Breaker-Morant, reconnu pour sa profondeur émotionnelle et son expression artistique, a remporté le Premier Prix d’EKKOLOSOLO, le premier festival du Seul-en-Scène en Asie à l’EKKOLO Theatre de Bangkok,.
- Pour le même show, dans le cadre du même festival, Maurizio Ghisleni a reçu le prix de la meilleure musique originale.