L'enfant terrible de l'élite devenu son bourreau
La France ne va pas mal, elle est en train de se désintégrer façon puzzle, gangrénée par une élite en pilote automatique. À l’Élysée, chez les caciques de l’ENA recyclés en DRH de la start-up nation, on gère la chute comme un plan social. Pendant que le réel se venge dans les ronds-points.
Le peuple, ce corps étranger
Abattre l’Ennemi, pamphlet ou bombe artisanale ? C’est selon.
Juan Branco ne ménage personne. “Auto-servante, corrompue, incompétente”, la classe dirigeante est rhabillée pour tous les hivers à venir. Pire qu’un syndrome, un système. Celui de la pléonexie, le nom savant pour désigner ce vieux démon : L’avidité sans frein, le capital concentré façon œufs dans le même panier offshore.
Et si l’élite a perdu le sens de la réalité, c’est qu’elle a surtout perdu le sens de l’altérité. L’autre est devenu gênant, superflu, voire dangereux. D’où les scandales qui s’enchaînent comme des mauvais épisodes d’une série politique mal écrite : Argent sale, mœurs troubles, et toujours ce petit frisson d’impunité en prime.
La claque jaune
Et puis, 2018. Les Gilets Jaunes débarquent. Pas sur France Culture, mais sur les barrages. Fluorescents, bruyants, terriblement vivants. Juan Branco y voit un sursaut. Un peuple qui se remet à parler, à exister, à faire tache dans les plans com’. Une colère organique, non médiatisée, non marketée. Le retour du refoulé.
Il y plonge, s’y connecte, et s’y brûle. Surveillance, menaces, mise au ban... l’État montre les crocs dès que le désordre est du bon côté. L’auteur s’y attendait presque. Quand on fraye avec Julian Assange, on sait qu’on ne sera pas invité à bruncher à Matignon.
Le grand ménage
Mais attention, Juan Branco ne rêve pas d’un 1789 version molotov. Il veut une révolution d’horloger. Précise, chirurgicale. Renationaliser l’essentiel, reprendre la main sur la monnaie, faire sauter les bulles spéculatives comme on dégonfle un soufflé. Planification industrielle à la coréenne, contrôle démocratique de la police, tribunaux spéciaux pour les kleptos du CAC 40. Oui, il assume.
Sur l’Europe, pas de langue de bois : Pour lui, c’est niet. L’Union façon technocrates en costume gris ? Une machine à désincarner. Il propose de sortir de ce labyrinthe en tôle froissée pour tisser, enfin, des alliances de proximité. Le local plutôt que le global fatigué.
Vers une politique en chair et en os
En creux, c’est une autre idée du pouvoir qui se dessine. Pas celle des CV calibrés ou des selfies en préfecture. Une politique où l’intelligence s’allie à l’expérience. Où gouverner, ce n’est pas réciter un programme mais faire corps avec le réel. Juan Branco veut des dirigeants “nés du désir et du partage”, des mots qui feraient sourire dans un cabinet ministériel, mais qui, à y bien regarder, ont plus de sens qu’un discours de Davos.
Un cri, pas un slogan
Abattre l’Ennemi n’est pas un livre de solutions toutes faites. C’est un cri. Une tentative désespérée et rageuse de secouer un pays assis sur sa fatigue. C’est un miroir sale tendu à une société sous antidépresseurs, un appel à reprendre les commandes, même tremblantes.
Au fond, c’est peut-être ça la France selon Juan Branco, un vieux pays encore capable de rêver grand, à condition de désobéir à ceux qui veulent le voir somnoler jusqu’à l’extinction.
Source :
Abattre l'ennemi