Dans son éditorial du 8 mars 2013, Natalie Nougayrède, la nouvelle directrice du “Monde” nous rappelle la mission du journal et cite son fondateur, Hubert Beuve-Méry : « Assurer au lecteur des informations claires, vraies et, dans la mesure du possible, rapides et complètes ».
Natalie Nougayrède nous promet une information « indépendan(t)e à l’égard de tous les pouvoirs » car, nous explique-t-elle, « l’indépendance n’est pas un concept abstrait ».
Natalie Nougayrède s’engage à « déjouer les pièges de l’ère de la communication, cette habile production de récits clés en main ».
Diantre, que voilà une belle profession de foi journalistique !

Heureux et fier que le fleuron de la presse écrite française est enfin (re)trouvé ses valeurs, je m’empresse donc d’acheter le journal… et de le lire.
Et là, je vois, étalé à la une, comme pour illustrer cet éditorial, un article exclusif avec photo à l’appui : « Avec les soldats français, à la poursuite d’Al-Qaida ». « Au cœur de la guerre, dans le nord du Mali, (…) Jean-Philippe Rémy raconte la chute d’une citadelle d’AQMI. Un récit et des photos exceptionnels ».
Encore sous le choc du poids des mots et des photos, un trouble m’envahit soudain :
Un journaliste embarqué est-il le meilleur garant d’une information vraie, indépendante et apte à déjouer l’habile production de récits clés en main ?
Cet article était-il si urgent au point de le publier en même temps que l’éditorial fondateur de la nouvelle mission du journal « Le Monde » ?
J’ai refermé le journal, l’ai déposé dans le seul endroit que j’ai trouvé approprié et que la décence m’interdit de nommer ici.
J’ai pensé aux Charles Lynch et autres Gay Talese qui avaient déjà tiré la sonnette d’alarme.
Et j’ai pleuré