Le militant UMP est extraordinaire. Il s’inscrit à un parti, paie sa cotisation… et disparaît. Ce qui frappe d’abord dans la guerre des petits chefs qui se déroule à l’UMP c’est l’absence des militants. On ne les entend pas.

Le militant UMP participe à une élection dans laquelle il a eu les pires difficultés pour voter. Il ne se plaint pas.
L’élection tourne à la farce quand chacun des candidats s’auto-proclame le vainqueur. La commission chargée de valider les résultats annonce un vainqueur près de 24 heures après la fermeture des bureaux de vote. Quelques jours après, la même commission avoue avoir « oublié » de comptabliser les résultats de 3 fédérations qui inverserait le résultat. A aucun moment, le militant UMP ne va réclamer de voir ces résultats. Et une semaine après la proclamation des résultas et de leur contestation, ces résultats restent aussi secrets que le dernier secret de Fatima.
Pire, Le Monde1 publie sur son site les résultats par fédération que l’UMP entend garder secrets. Et là c’est la consternation; le nombre même d’adhérents/votants par fédération est différent selon les candidats. Les résultats qui proclament Copé vainqueur révèlent 34% d’électeurs supplémentaires à ceux qui proclament Fillon vainqueur. A Marseille, par exemple, quand Fillon compte 7522 votants, Copé compte 10172 adhérents; A Nice, c’est respectivement 9182 pour l’un et 12099 pour l’autre. A Paris, on atteint des sommets avec 12237 contre 22308. Au total, les deux candidats dénombrent pourtant le même nombre de votants : 176 608. Mais le vote pour Copé révèle 268577 adhérents.
Doit-on imaginer un taux d’abstention de 34,24 % ou une erreur de saisie du Monde ? Nul ne saura puisque la COCOE reste aussi discrète sur ce sujet qu’un porteur de valise en direction de Genève.
Et le militant UMP reste muet lui aussi. On apprend toutefois qu’une trentaine d’entre eux aurait manifesté devant le siège du parti…une trentaine sur 268 577 adhérents; certains auraient renvoyé leur cartes d’adhérents. Mais la majorité reste silencieuse alors que l’objet de cette élection était justement d’entendre leur voix.

Encore plus invisible que le militant UMP est la militante UMP. A l’UMP, la femme est potiche, même si sa burka est invisible. C’est un fait presque revendiqué. En France, on peut imaginer tous les partis politiques représentés par une femme; et beaucoup le sont de l’extrême-droite à l’extrême-gauche. Tous ? Non ! Car un parti peuplé d’irréductibles machistes résite encore et toujours : l’U.M.P. Sa potion magique machiste risque toutefois de lui être fatal. Car le machisme décomplexé de ce parti au bord de la faillite pourrait bien lui coûter 5 millions d’Euros, loi sur la parité oblige2. Pourtant on n'entend pas la militante UMP réclamer la place qui lui revient, quand bien même la survie de son parti est en jeu. Rachida, Nathalie, Valérie, Michèle, Christine, Roselyne, il est l’or de se réveiller !
1 http://www.lemonde.fr/politique/article/2012/11/22/resultats-du-vote-ump-les-chiffres-du-camp-fillon_1792150_823448.html
2 http://www.challenges.fr/economie/20121122.CHA3456/les-dessous-financiers-de-la-guerre-fillon-cope-a-l-ump.html
(...)
Les militants UMP ne se sont pas exprimés durant toute cette mascarade qui les fait passer pour des bons. Ils n’ont même pas eu le droit de connaître les détails du vote auquel ils ont participé. Il faudra une décision de justice et le concours d’un ou deux huissiers pour voir publier les résultats officiels du vote de chacune des fédérations.
C’est dommage car il apparaît aujourd’hui que c’est bien ce militant silencieux qui a remporté l’élection; selon le compte-rendu officieux publié par le Monde, il y aurait 268 577 adhérents à l’UMP. Or la bien nommée COmmission NAtionale des Recours de l’UMP a proclamé les résultats définitifs suivants :

- Jean-François Copé : 86 911 voix
- François Fillon : 85 959 voix
- Votes blancs et nuls : 3 738 voix (différence entre le nombre de suffrages exprimés donné par la COCOE et le total des voix Copé + Fillon)
- Abstention : 91 969 voix (différence entre les suffrages exprimés et le nombre total d’adhérents)
C’est donc plus d’un militant sur trois qui n’est pas allé voter ! Nul besoin de procès pour proclamer le véritable vainqueur de cette élection : l’abstention !
On peut s’étonner qu’un militant s’engage formellement en politique en prenant la carte de son parti, en s’acquittant de sa cotisation puis décide de ne pas donner son avis l’unique fois où ce même parti le lui demande. Mais que doit-on en conclure lorsque c’est la majorité des militants qui décide de s’abstenir ? Je peux bien imaginer Liliane Bettencourt oubliant d’aller voter, mais que la majorité des adhérents ne se sentent pas concernés par l’élection la plus importante de leur parti est proprement abracadabrantesque.
Ce silence du militant UMP parle plus fort que toutes les insultes proférées par les deux candidats et leurs acolytes durant toute la semaine dernière. Pour le militant UMP, le président du parti c’est Sarkozy et nul besoin d’élection pour le vérifier. Copé comme Fillon ne représentent qu’eux-mêmes et éventuellement les flatteurs qui vivent à leurs dépens. Clown blanc et Auguste, ces deux histrions s’imaginent intéresser les Français lors même qu’ils n’intéressent pas leurs propres militants. Ils nous rappellent Acaste et Clitandre, les petits marquis du Misanthrope de Molière, chacun persuadé d’être l’élu du cœur d’une Célimène qui se joue d’eux. La nature finit toujours par ressembler à l’art.

Ô çà, veux-tu, Marquis, pour ajuster nos vœux, Que nous tombions d'accord d'une chose tous deux? Que qui pourra montrer une marque certaine D'avoir meilleure part au cœur de Célimène, L'autre ici fera place au vainqueur prétendu, Et le délivrera d'un rival assidu?
Et puisqu’il est question de Célimène, je m’étonnais dans le précédent billet de l’absence ostentatoire de femmes au sein des instances dirigeantes de l’UMP. Est-ce absurde d’imaginer que ces militants qui ne sont pas allés voter soient en fait des militantes, insensibles au choix qui leur était proposé ? D’ailleurs, durant la journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes, aucun de ces deux candidats n’a eu de mot pour les 122 femmes qui ont été tuées par leur conjoint l’année dernière dans ce pays, qu’ils rêvent de diriger. Une femme se fait tuer en France en moyenne tous les trois jours et personne à droite pour les défendre. Il ne serait même pas venu à l’idée de Copé et de Fillon d’avoir la décence de faire une trêve pour commémorer cette journée. C’est pourtant à ce genre de gestes que l’on reconnaît un homme d’Etat.