Yamine Boudemagh (avatar)

Yamine Boudemagh

Citoyen Hyper-Engagé

Abonné·e de Mediapart

309 Billets

2 Éditions

Billet de blog 21 décembre 2016

Yamine Boudemagh (avatar)

Yamine Boudemagh

Citoyen Hyper-Engagé

Abonné·e de Mediapart

La liberté d’expression expliquée…

Article publié en 2015

Yamine Boudemagh (avatar)

Yamine Boudemagh

Citoyen Hyper-Engagé

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Nous sommes tous d’accord. Nous sommes les défenseurs de la liberté d’expression. Est-ce à dire que nous avons maintenant le droit de tout dire ? Non bien sûr, nous sommes en France.

On le sait ; le pays de la liberté d’expression, ce sont les Etats-Unis. Là-bas, le droit de tout dire est garanti par le premier amendement de la Constitution.

En France, c’est différent. La liberté d’expression dépend non pas de l’idée exprimée mais de celle ou celui qui l’exprime. Certains ont le droit de tout dire et d’autres non. C’est pourtant simple. Mais il semble que ce ne soit pas assez clairement exprimé.

Et c’est parce que ce n’est pas suffisamment expliqué que certains ne comprennent toujours pas.

L’histoire récente nous donne pourtant quelques exemples éclairants. C’est à croire que ceux qui ne comprennent pas le font exprès.

En 2011, par exemple, Taye Taiwo est nigérian. Il vit en France depuis 6 ans. Il est bien intégré avec un travail stable et plutôt bien rémunéré. Arrière-gauche de l’Olympique de Marseille, il aspire même à devenir français. Il pense avoir bien compris toutes les valeurs de son pays d’accueil et notamment ce principe de liberté d’expression un peu grivoise, si typique du pays de Rabelais et de Charlie Hebdo. Le 23 Avril 2011, il marque le seul but qui donne la victoire de son club en finale de Coupe de La ligue. Il est élu homme du match. Alors, quand il s’agit de fêter la victoire à la mairie de Marseille, tout heureux de sa nouvelle légitimité française, il s’empare du micro et se met à chanter sur l’air de l’hymne national italien, ce fameux chant de ralliement des supporters de l’O.M. : « Les Marseillais vont à Paris pour enc… les Parisiens ». 

OM : Taiwo les Marseillais monte a Paris pour enculé le PSG ! © Cyril59122OM

Question : Est-ce que Taye Taiwo « à sa façon, exprime une vieille tradition française : celle de la satire, de la dérision et de l'insubordination » ? (propos de Nicolas Sarkozy, alors ministre des Cultes)

  • Réponse 1 : oui, évidemment, il faut accepter les propos de Taye Taiwo « au nom de la liberté de sourire de tout » (toujours du Nicolas Sarkozy dans le texte)

  • Reponse 2 : Non, le Conseil National de l’Ethique doit sanctionner Taye Taiwo d’un match ferme de suspension et de deux autres matches avec sursis ainsi qu’une amende de 20.000 euros "pour avoir tenu des propos grossiers au micro du Stade de France à l’issue de la Finale de la Coupe de la Ligue 2011".

Trois ans plus tôt, au même Stade de France, en finale de la Coupe de France entre Lens et le PSG, des supporters parisiens se réclament de ce qu’il croit être « l’humour potache de Charlie Hebdo » et déroulent une banderole stipulant « Pédophiles, chômeurs, consanguins : bienvenue chez les Ch’tis »

Question : Est-ce que les supporters parisiens « à (leur) façon, exprime(nt) une vieille tradition française : celle de la satire, de la dérision et de l'insubordination » ?

  • Réponse 1 : oui, évidemment, il faut accepter leurs propos « au nom de la liberté de sourire de tout » 

  • Réponse 2 : Non, cette banderole n'a "rien à voir avec de l'humour potache", mais il s'agit d'un "message d'humiliation, de rejet, de stigmatisation de toute une communauté". "Le rejet de l'autre n'a pas sa place dans les valeurs de la République et du sport." (Propos du vice-procureur auprès du Tribunal de Bobigny)

Alors qu’en est-il de la liberté d’expression à la française ? Dans nos exemples, la réponse 2 a toujours prévalu. En France, la réponse 1 ne prévaut surtout que lorsqu’il s’agit de musulmans.

Or, il est difficile de ne pas penser que si le tribunal n’avait pas suivi les conceptions de Nicolas Sarkozy lors du procès qui opposait Charlie Hebdo et le CFCM et avait condamné le journal satirique, 12 personnes seraient toujours vivantes.

On se contentera donc de préciser que la liberté d’expression en France a des raisons que la Raison ne connaît pas.

Alors comment un petit garçon de 8 ans, même éduqué par la Police Nationale, désormais suppléante de l’Education Nazionale, pourrait comprendre cette usage franco-français de la liberté d’expression ?

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.