22 mars 2023, il est treize heures. Le président Macron s’invite au déjeuner des françaises et des français; enfin de celles et de ceux qui peuvent se permettre de regarder le journal télévisé à 13 heures.
Deux nouveaux lampadaires ont été installés dans le bureau du président. Mais ils n’éclairent que peu le président. Ils sont juste là pour servir la soupe, ce qui est bien pratique au moment du déjeuner.
Le cadrage très classique montre Macron assis, alternant gros plans et plans rapprochés. Le visage du chef de l'État apparaît plus dur et moins à l'aise qu'à l'accoutumée (son regard croise assez rarement la caméra).
Enfin le président assène son message, et son message ressemble à s’y méprendre à celui d’un autre chef de l’état qu’a connu la France.
Et bien que le terme de dictateur lui soit rarement appliqué, il fut justement condamné à l’indignité nationale.

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Leur message était le suivant :
“Il faut cesser le combat”
« Français,
J'ai des choses graves à vous dire. De plusieurs régions de France, je sens se lever depuis quelques semaines un vent mauvais. L'inquiétude gagne les esprits, le doute s'empare des âmes. L'autorité de mon gouvernement est discutée (...)
Le problème du gouvernement dépasse donc en ampleur le cadre d'un simple remaniement ministériel. Il réclame, avant tout, le maintien rigide de certains principes. L'autorité ne vient plus d'en bas ; elle est proprement celle que je confie ou que je délègue
.…j’assume aujourd'hui la direction du gouvernement de la France… Que tous les Français se groupent autour du gouvernement que je préside durant ces dures épreuves, et fassent taire leur angoisse pour n'écouter que leur Foi dans le destin de la Patrie.
N'espérez pas trop de l'État. Il ne peut donner que ce qu'il reçoit.
Cette politique est la mienne. Les ministres ne sont responsables que devant moi. C'est moi seul que l'Histoire jugera. Aujourd'hui, c'est de vous-mêmes que je veux vous sauver.»
Nous connaissons ces discours. Il furent celui d’un dictateur, lui aussi élu, mais lui seulement déchu.
Et il est difficile pour nous de reconnaître l’échec de notre démocratie car nous avons acclamé cette dictature; nous avons voté pour ce dictateur et nous lui avons donné les pleins pouvoirs….
35 minutes plus tard, et sans coupure de publicité, Emmanuel Macron s’est imposé comme “une nécessité pour le pays”. Lui seul est le recours, le seul et l’ultime.
Toute opposition est superflue.
Le parlement ? ..une institution inutile : “On passe trop par la loi dans notre république.”
Le Conseil Constitutionnel ? Qui l’a nommé ?
La démocratie ? Elle ne sait pas faire face à la réalité.
La réalité, c’est le prochain texte sur l’immigration qui devrait tous nous rassembler, tous nous enseigner pour qui voter la prochaine fois parce que lui, comme il nous l’a rappelé, ne pourra pas être réélu une seconde fois. Il est bon de verser une larme à l'évocation de cette pensée.
La réalité, c’est la loi de programmation militaire, comme il l’a gentiment rappelé à celles et ceux qui auraient oublié de quel côté était la force.
La réalité est un pouvoir qui décide seul de la pertinence de la liberté d’expression, ce droit naturel et imprescriptible de l’homme à manifester son opinion.
La matérialité de ce pouvoir s’exprime par
- le SIG Sauer SP 2022,
- le flash ball tout aussi létal à bout portant,
- le lanceur de balles de défense 40 mm, lui aussi létal à distance rapprochée,
- le Taser X26
- le bâton de police à poignée latérale, le fameux TONFA devenu célèbre depuis l’affaire Théo Luhaka.
La décision d’équiper tous les policiers et les gendarmes du SIG SAUER P220 s’est révélée la plus grosse commande jamais adressée à la société américaine SIG SAUER depuis la seconde guerre mondiale. À l’époque, le ministre de l’intérieur s’appelait Nicolas Sarkozy.
Un certain François Hollande, alors juste président de la république, s’était rendu à l’hôpital au chevet du pauvre Théo Luhaka, dont l’avocat était un certain Éric Dupont-Moretti. Pourtant l'état français n'a jamais présenté ses excuses à la famille de Théo.
Rien n’a été fait pour atténuer cette violence policière inqualifiable; seuls 3 policiers seront jugés en janvier prochain, soit sept ans après les faits.
Le régime Macron n’est pas une exception, il est l’aboutissement d’un processus de radicalisation de la vie politique française.
On le sait, en France, le mot de dictature ne s’applique qu’aux régimes étrangers. Mais ses symptômes sont largement accepté par l’électorat français.
Ce syndrome de la dictature a déjà été analysé en France, notamment par Étienne de la Boétie dans son “Discours de la servitude volontaire”… il y a près de 450 ans.
Le fait que ce discours très érudit ait été écrit par un adolescent n’est pas anodin. La Boétie n’avait pas 18 ans lorsqu’il l'a rédigé.
Et si les symptômes de la dictature nous semblent si familiers, c’est simplement parce qu’ils correspondent à notre passé.
Nous sommes tous issus d’une dictature : la famille.
Et, à quelques exceptions près, nous en gardons un souvenir attendrissant, voire heureux.
Pourtant la loi est formelle : nous étions alors tous des incapables juridiques, des mineurs à qui il était interdit de prendre une décision sans autorisation préalable de la personne en charge de notre éducation, de notre santé et de notre sécurité.
Et nous acceptons de revisiter cette période avec beaucoup de satisfaction, une certaine tendresse même. Nous serions prêts à la revivre, si cela était possible. C’est l’objet d’une multitude de films et séries télévisées.
Cette nostalgie est le produit de deux conditions préalables à une dictature consentie :
- Le dictateur était bienveillant
Nos parents pouvaient se tromper mais nous comprenions que leurs décisions étaient basées sur l’amour. Nos parents nous aimaient et leur seule préoccupation était de nous assurer un futur meilleur que ne l’avait été leur passé.
- Notre situation personnelle s’améliorait de jour en jour.
En termes d’éducation, de santé voire de sécurité, notre situation suivait une tendance linéaire positive.
Alors c’était le prix à payer et nous l’acceptions.
C’est d’ailleurs ce qui explique que souvent les dictateurs sont bien plus populaires dans leurs pays respectifs que les présidents dans les démocraties avancées.
En Tunisie, lorsque Ben Ali s’empara du pouvoir, les tunisiens manifestaient juste pour pouvoir acheter du pain. Il leur proposera un contrat social tacite : ne vous occupez pas de politique et je m’occuperai de vous enrichir;
Et c’est exactement ce qu’il fera. L’opération se révélera très lucrative, notamment pour la famille de sa femme et mortelle pour l’opposition politique tunisienne. Mais dans le sud du pays, le nom de Ben Ali évoque encore aujourd’hui une période glorieuse.
Et il en fut de même dans la Yougoslavie de Tito, l’Iraq de Saddam Hussein, Singapour de Lee Kuan Yew et tant d’autres pays aux quatre coins du monde.
Il y a peu de chances que Macron nous enrichisse. Ce n'est pas son projet.
Pour que tout soit consommé, pour se sentir moins seul, il ne reste plus aux français qu'à espérer :
Un dictateur soit,
mais un dictateur bienveillant,
efficace et compétent,
soucieux du bien-être de chacun de ses concitoyens.