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Billet de blog 23 octobre 2025

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Pourquoi la candidature de Marine Tondelier fait sens

L'annonce de la Secrétaire Nationale des Écologistes officialise une candidature présidentielle à la fois idéologique, stratégique et tactique; idéologique en cherchant à refonder une écologie du quotidien, stratégique en visant à forcer l'union de la gauche et tactique grâce à l'ancrage territorial assurant les 500 parrainages.

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Décryptage d’une candidature plus stratégique qu’électorale

La décision de Marine Tondelier n’a rien d’un simple coup d’éclat.

Sa candidature repose sur la solidité de l’appareil des Verts, qui, seul, crédibilise sa démarche.

En réalité, son ambition dépasse la conquête du pouvoir. Elle vise la recomposition d’un camp progressiste fracturé et la redéfinition d’un espace politique en quête de cohérence.

Un pari risqué mais calculé

Dire que l'annonce de la candidature de Marine Tondelier à l'élection présidentielle a surpris relève de la litote.

Le calendrier interne du parti n’est pas encore fixé, et sa légitimité reste fragile; Marine Tondelier n’avait réuni qu’une faible participation lors de son élection à la tête des Écologistes. La future Secrétaire Nationale du parti avait en effet obtenu 4795 voix des 13 725 adhérents. La moitié des adhérents n’avait pas participé au vote.

Il est difficile d’imaginer convaincre l’ensemble des français.e.s, ou même seulement celles et ceux de gauche, quand on n’arrive pas à intéresser ses propres adhérents.

En externe, le moment semble tout aussi peu favorable. Le débat national est accaparé par le budget et la menace d’une motion de censure. Et bien que toujours d’actualité, la perspective d’une présidentielle anticipée semble s’éloigner grâce à la collaboration des socialistes.

Au-delà de la simple mesure de son potentiel électoral, la candidature de Marine Tondelier à l’élection présidentielle mérite toutefois une analyse plus poussée.

Et force est de constater que cet acte politique multidimensionnel fait sens sur trois plans cruciaux, idéologique pour l'écologie politique, stratégique pour le bloc de gauche, et tactique sur le plan organisationnel. Il n'est pas qu'une simple candidature, mais un investissement politique destiné à reconfigurer l’échiquier.

Refonder l'Écologie Politique

Ce que cherche Marine Tondelier, c’est rompre avec l’image d’une écologie culpabilisante. Elle veut parler aux Français de leur vie quotidienne, pas seulement de chiffres de CO₂.

Son projet repose sur des mesures tangibles comme rendre le logement plus soutenable, repenser la mobilité et surtout garantir un accès digne à une alimentation de qualité.

Derrière ces priorités, l’idée est de replacer l’écologie au service du bien-être, pas contre lui.

L’égérie des Verts revendique le concept de “prospérité écologique”, une vision qui concilie durabilité, justice sociale et désir d’avenir.

Pour elle, l’écologie ne doit plus être perçue comme un luxe réservé aux privilégiés, mais comme un levier d’émancipation collective.

Sa critique des "élites obscurantistes" et du "syndrome de l'autruche" est une tentative de créer un récit mobilisateur qui parle aux émotions et aux vies des gens, reconnaissant que "la lucidité n'est pas un projet de société”.

Cette écologie, qui relie les crises environnementales aux inégalités sociales, se veut une politique résolument décoloniale et antiraciste.

En somme, Marine Tondelier défend une écologie populaire, ancrée dans les réalités des territoires et attentive à ceux que le discours écologique oublie trop souvent.

Forcer l'Unité de la Gauche

Au-delà de l’écologie, la candidature de Marine Tondelier agit comme aiguillon pour la gauche, un lièvre qui court pour que d’autres, et notamment la "tortue" Mélenchon, puissent suivre. Son objectif n’est pas de gagner coûte que coûte, mais de peser dans la dynamique collective. En se présentant, elle maintient un pôle écologiste fort, capable d’éviter la dispersion des voix et d’offrir un socle idéologique solide.

Et même sans illusion sur un second tour, elle sait qu’un score honorable permet de négocier, d’exister dans le rapport de force et d’ancrer durablement son courant dans la recomposition de la gauche.

En se déclarant, elle légitime sa posture de recours et de rassembleuse, offrant une alternative à un duel stérile qui profiterait à l'extrême droite.

Si l'évidence d'un score permettant l'accès au second tour est faible (le score de l'écologie seule étant historiquement autour de 4% à 7%), la candidature de Marine Tondelier prétend à une double fonction :

  • Maintenir un Pôle Idéologique : Empêcher que les électeurs écologistes ne se dispersent vers l'abstention ou d'autres candidats. Ces voix sont un capital critique pour la gauche, car elles manqueront fatalement à un candidat unique si elles sont fragmentées.
  • Capital de Négociation : Un score honorable, même sous la barre symbolique des 5%, confère un statut de force politique majeure pour négocier la répartition des postes et des circonscriptions aux échéances futures.

L'Efficacité de l'Appareil

Marine Tondelier bénéficie de l'ancrage historique des Écologistes au niveau local.

Avec plusieurs milliers d'élus locaux (conseillers municipaux, départementaux, régionaux), le franchissement de l'obstacle technique des 500 parrainages reste une formalité, la rendant de fait une candidate sérieuse au premier tour.

À titre de comparaison, des personnalités beaucoup plus médiatiques (Clémentine Autain, Delphine Batho, Raphaël Glücksmann, Ségolène Royal, François Ruffin voire Dominique de Villepin) manquent d'un réseau structuré d’élus et peineront à obtenir les 500 parrainages requis... sans l’aide de réseaux politiques compradores.

Illustration 2

D’autre part, l’annonce de candidature, quelle que soit son issue finale, offre un effet de levier marketing colossal à son livre, sorti le 1er octobre 2025, “Demain si tout va bien”.

Ce texte devient à la fois manifeste politique et vitrine médiatique, prolongeant sa campagne dans le champ culturel autant que politique.

Une candidature pour peser, pas seulement pour plaire

La candidature de Marine Tondelier ne se lit pas comme une quête du pouvoir immédiat, mais comme une stratégie de long terme. Elle transforme la présidentielle en un outil de visibilité et de pression, un moyen de réaffirmer que la gauche ne peut se réinventer sans l’écologie.

Ce geste n’est pas un acte d’ego, mais un acte de foi politique, foi dans la capacité du collectif à renaître, foi dans l’idée que l’écologie peut encore servir de fil conducteur à une gauche désorientée.

En définitive, Marine Tondelier ne court pas seulement pour gagner. Elle court pour rappeler à la gauche qu’il est temps de retrouver le sens même de la course.

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