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La 13e édition de l'enquête "Fractures Françaises" du CEVIPOF, réalisée en octobre 2025, nous offre plus qu'une simple radiographie; elle nous confronte à un paradoxe fondateur de la France contemporaine. Il ne s'agit pas seulement de lister les malaises, mais de comprendre pourquoi la colère nationale est devenue une force si puissante qu'elle érode simultanément la confiance envers autrui et nourrit un besoin presque infantile d’autorité.
L'étude révèle deux paradoxes;
- 90% des Français jugent le pays en déclin, mais leur situation personnelle stable.
- L'anxiété économique nourrit un appel massif à l’autorité; 85% demandent un "vrai chef", mais, près de la moitié d’entre eux se déclarent prêts à élire un gamin, qui tête encore sa mère.
Explications :
L'édition 2025 de l'enquête "Fractures Françaises” ne livre pas un simple état des lieux de nos divisions; elle révèle une France minée par des paradoxes qui déchirent notre psyché collective.
En croisant l'état d'esprit national et les intentions politiques, on découvre un pays qui, en quête de la figure du Père restaurateur (l'Autorité, l'État fort), s'est en réalité replié sur la figure de la Mère protectrice (le Foyer, la satisfaction personnelle).
Le drame est que, rejetant le père pour sa défaillance, il s'en remet à un chef qui n'est qu'un simulacre d’autorité.
Quand la Mère est le seul Refuge
Le premier paradoxe est saisissant :
Comment une nation peut-elle être à la fois si sombre sur son destin commun et pratiquement sereine dans sa sphère privée?
D'un côté, le pessimisme collectif atteint un niveau record; 90% des Français estiment que le pays est en déclin, et une proportion stupéfiante de 96% exprime son mécontentement ou sa colère face à la situation.
Selon l’étude, la quasi-totalité des Français (96%) se déclarent mécontents ou en colère (53%) et très contestataires (43%) vis-à-vis de la situation du pays.
C'est le cri de l'enfant qui ne reconnaît plus la maison, qui voit le toit s’effondrer; le Père (l'État, la Nation, la promesse d'ordre et de progrès) a échoué.
De l'autre, face à cet effondrement symbolique, la figure de la Mère (le foyer, l'intime) se dresse en dernier rempart. La satisfaction personnelle se maintient à un niveau stable, traduisant un "paradoxe du refuge".
Selon l’étude, la note moyenne de satisfaction personnelle sur la vie menée est stable à 6,1 sur 10. De plus, 49% des Français se disent "Satisfaits" (note de 7 à 10) de la vie qu'ils mènent.
Ce n'est pas un optimisme, mais une résignation; puisque l'ordre public est hors de contrôle, on se replie sur le seul domaine encore maîtrisable, l'existence individuelle.
Pourtant, cette protection maternelle est minée. Elle est assaillie par l'angoisse très concrète du pouvoir d'achat et par la précarité.
Selon l’étude, les difficultés en termes de pouvoir d'achat (hausse des prix, salaires, impôts, etc.) restent la première préoccupation personnelle des Français, citée par 36% d'entre eux. Et La difficulté à joindre les deux bouts concerne 72% des ouvriers(ères) et 68% des employés(es).
La colère n'est donc pas seulement alimentée par les médias, elle est ancrée dans des réalités économiques, l’insécurité, la précarité; concrètement des factures impayées, des fins de mois difficiles, la peur de perdre son logement, son travail.
Le Rêve d’Autorité
La crise du Père est consommée; les institutions du pouvoir sont rejetées avec une rare violence.
Selon l’étude, la confiance dans les institutions politiques est faible. À l'inverse, la confiance résiduelle est réservée aux acteurs du concret et de la proximité : les PME (82%), l'armée (79%), la police (74%) et les maires (68%).
Par contre, 48% des français ne font “pas du tout confiance” et 42% “plutôt pas confiance” aux partis politiques.
Et donc si 90% des électeurs français ne font pas confiance aux partis politiques français, alors seulement 10% des électeurs français sont prêts à faire “plutôt confiance” (9%) voire ‘tout à fait confiance” (1%) à des partis qui reçoivent des subventions publiques pour organiser la démocratie parlementaire de notre pays.
Ce chiffre est d’ailleurs corroborés par les partis eux-mêmes.
Selon l’étude, aucun parti politique ne considère les autres partis politiques “capable de gouverner le pays”.
Seuls 4 partis font exception :
- Le parti Socialiste qui est plébiscité par trois autres partis (la majorité des sympathisants de La France Insoumise, du Parti Communiste Français et des Écologistes)… et presque un quatrième parti, celui du président, Renaissance dont près de la moitié des sympathisants (49%) considère le PS capable de gouverner le pays.
- Horizons, le parti d’Édouard Philippe est plébiscité par la majorité des sympathisants de deux autres partis Renaissance et Les Républicains.
- Les Républicains, plébiscité par un seul autre parti, celui du président, Renaissance
- Le Rassemblement National, plébiscité par un seul autre parti, Les Républicains.
De ce vide d'autorité naît un cri; une grande majorité des Français réclament "un vrai chef en France pour remettre de l'ordre". Selon l'étude, 85% se disent d'accord avec cette affirmation.
Ce sentiment est majoritaire et élevé chez les sympathisants de différentes forces politiques, notamment 99% au Rassemblement National (RN) et 67% à La France Insoumise et au Parti Communiste Français (LFI/PCF).
Cette demande est unanime, traversant la droite et le centre, mais aussi la gauche.
Et c'est ici que réside le paradoxe suprême de cette étude réalisée pourtant par les ayatollah de la science politique française, l'École Libre des Sciences Politiques et son centre de recherche, le CEVIPOF, Le Centre de Recherches Politiques de Sciences Po .
D'ailleurs, ... d'ailleurs.... Peut-on faire confiance à des chercheurs qui n’arrivent même pas à faire fonctionner un acronyme :
- CEV = CEntre de Vie (politique)
- I = ?
- POF = POlitique Française ou PO (Sciences Po) + F (Française)
Qui est prêt à incarner ce "vrai chef" ?
Une part record de Français, bien que toujours minoritaire, juge désormais le Rassemblement National "capable de gouverner le pays”.
Selon l’étude, 47% des Français jugent le Rassemblement National "capable de gouverner le pays" en 2025. Il est intéressant de noter que, selon l’étude, c’est un gain de 22 points, et donc plus du double du chiffre initial, depuis qu’Emmanuel Macron a été élu président de la. République… contre le Rassemblement National de Marine Le Pen.
Merci Patron !
Le paradoxe réside dans le fait de vouloir confier les clés du pays à Jordan Bardella, un jeune inexpérimenté qui reçoit toutes ses instructions de la véritable patronne du parti, Marine Le Pen…. lorsque l’on réclame un autorité toute patriarcale : le Chef !
La jeunesse politique de son président en titre est d’ailleurs assumée par le Rassemblement National.
Et sa posture de rupture ne trompe vraiment personne.
Cette figure ne sera pas un vrai Père, capable de restaurer l'ordre perdu, mais un instrument de destruction du système politique en place.
Les français le savent bien; ils ont déjà tenté l’(amère) expérience en 2017 et ils en souffrent encore.
L’étude du CEVIPOF effectue un travail remarquable en consolidant cette recherche non pas du constructeur, mais du briseur de rêve.
On ne cherche plus l'autorité du réel, mais la force de l'illusion, seule capable d'entendre le cri de colère né dans le foyer.
Les Français se montrent majoritaires à rejeter la démocratie qui ne les représente plus; 81% estiment que le système démocratique fonctionne mal. Ils se tournent vers des solutions institutionnelles radicales.
Selon l’étude, 43% des Français souhaitent qu'Emmanuel Macron dissolve l'Assemblée nationale.
Les chiffres, depuis, ont augmenté…
En reniant l'autorité politique qui les a déçus et en s'en remettant à un chef qui n'est qu'un miroir de leur propre colère, les Français font le choix de l'anti-système.
Ils sacrifient la recherche de la Majeure Autorité (le Père) sur l'autel de la Petite Sécurité (la Mère).
Le Père a démérité, et la Mère, épuisée par la précarité et le manque de respect, ne demande qu'une chose :
Que quelqu'un vienne faire le ménage.
P.S.: le mot anglais “Manager” vient du français ménagère…
Source :
Fractures Françaises