La décision du Président Emmanuel Macron de reconnaître l'État de Palestine en septembre ne mentionne pas les principes que la Constitution française pourrait offrir pour une résolution plus juste et durable du conflit. Dans sa déclaration d'intention, le chef de l'État n'a mentionné ni la laïcité ni l'alinéa 3 de l'article 53 de la Constitution française.
Historiquement, le Parlement français, sous les Républiques précédentes, avait un rôle prépondérant dans la ratification des traités. La Constitution de 1958 a cherché à rationaliser ce processus en distinguant plusieurs catégories de traités et accords.
L'article 53 prévoit ainsi que certains traités et accords ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi.
La Constitution de la Vème république a cherché un équilibre entre le pouvoir exécutif et sa capacité à mener la politique étrangère de la France et la nécessité pour le Parlement de se prononcer.
Le Parlement se contente d'autoriser ou non la ratification des accords internationaux, et le Conseil constitutionnel exerce un contrôle de constitutionnalité sur la loi de ratification ou l'accord lui-même.
Cependant, la décision de ratifier ou d'approuver une convention peut être ajournée de manière discrétionnaire par l'exécutif, même après la promulgation de la loi d’autorisation.
La Reconnaissance de la Palestine, une Prérogative Présidentielle
Dans le cas de la reconnaissance de la Palestine, la situation est différente de la ratification d'un traité.
La reconnaissance d'un État est un acte unilatéral discrétionnaire qui relève de la compétence du Chef de l'État; il agit en vertu de l'article 14 de la Constitution française.
Cet article dispose que le Président de la République accrédite les ambassadeurs et envoyés extraordinaires auprès des puissances étrangères et que les ambassadeurs et envoyés extraordinaires étrangers sont accrédités auprès de lui.
La reconnaissance d'un État ne relève pas des catégories de traités énumérées à l'article 53 qui nécessitent une autorisation législative. Il ne s'agit pas d'un traité de paix, de commerce, d'un accord d'organisation internationale, d'un engagement financier, d'une modification législative, ni d'un acte relatif à l'état des personnes ou à une cession de territoire français.
En reconnaissant la Palestine, la France n'acquiert pas de territoire, n'en cède pas et ne conclut pas un traité qui modifierait directement son droit interne ou ses finances sans passer par le processus parlementaire.
Par conséquent, la décision du Président Macron de reconnaître la Palestine en septembre prochain, telle qu'annoncée dans sa lettre, s'inscrit pleinement dans le cadre de ses prérogatives constitutionnelles en matière de politique étrangère.
Il n'a pas besoin de l'autorisation du Parlement pour cet acte.
La Laïcité et la Militarisation Identitaire
La laïcité, principe fondamental de la République française, est souvent comprise comme la séparation des Églises et de l'État.
Son essence va bien au-delà; elle est la garantie de la liberté de conscience et l'affirmation d'une sphère publique neutre, où aucune doctrine religieuse ne peut prétendre régir la loi ou la politique.
C’est en ce sens que la laïcité à toujours été revendiquée comme le pilier du modèle social français
Dans le contexte de la guerre en Palestine, la pertinence de la laïcité est frappante.
Le Judaïsme constantinien
Pour comprendre les dérives de l’armée d’occupation, il faut s’intéresser au “judaïsme constantinien”.
Sous l’empereur Constantin, le christianisme est passé du statut de religion dans l’empire à celui de force politisée et nationaliste. Le judaïsme moderne s’est inspiré de cette doctrine en utilisant des récits historiques et des traumatismes pour justifier des politiques, notamment territoriales et sécuritaires. L'État juif est perçu comme une citadelle assiégée, légitimée par l’histoire tragique des persécutions judéophobes en Europe.
Ce courant idéologique manipule habilement le traumatisme historique pour justifier l’injustifiable, tout en disqualifiant les critiques comme "antisémites".
Ainsi, l’entité sioniste en Palestine occupée devient paradoxalement à la fois le seul refuge sûr pour les Juifs et un territoire de haute dangerosité en raison de ses propres politiques. C’est cette contradiction interne, à la fois forteresse et poudrière, qui façonne l’alliance entre Washington et Tel Aviv, écartant toute remise en question sérieuse du projet sioniste..
Cette nouvelle théocratie, implantée au coeur du Levant, met également en lumière une sorte de fusion entre projet sécuritaire et vision messianique du territoire au sein de l'armée israélienne; elle rend impossible toute paix négociée.
C'est précisément contre cette instrumentalisation du religieux à des fins politiques et militaires que la laïcité française offre un antidote.
Une diplomatie ancrée dans le principe de laïcité pourrait appeler toutes les parties à émanciper le conflit de toute idéologie religieuse et à le ramener à sa dimension politique et territoriale; plutôt que de le laisser s’enliser dans des récits exclusifs et des prétentions divines.
Le Droit des Peuples à Disposer d'Eux-mêmes
L'article 53, alinéa 3, de la Constitution française stipule :
Nulle cession, nul échange, nulle adjonction de territoire
n'est valable sans le consentement des populations intéressées
Cette clause met en lumière une préoccupation forte concernant l'intégrité territoriale et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, même si elle concerne spécifiquement les territoires français.
D’ailleurs cet alinéa explique à lui seul pourquoi Mayotte est français.
En fait, ce droit est un principe universel, fondamental en droit international, qui devrait guider toute solution aux conflits territoriaux.
Or, la situation en Palestine est marquée par une logique d'éviction, un projet colonial assumé visant à occuper une terre supposée sans habitants.
L'article 53 alinéa 3, dans sa substance, devrait être brandi comme un principe non négociable; aucune modification territoriale qui ne serait pas consentie par la population palestinienne ne saurait être légitime.
La construction de colonies, l'annexion de facto de territoires et la fragmentation des villages palestiniens sont autant de violations flagrantes de l'esprit de cet alinéa.
La reconnaissance arabe
Ce qui rend la solution à deux états illusoire est l'impossibilité d'en tracer les frontières.
L'entité sioniste n'a pas de frontières.
C'est en ce sens que seule la reconnaissance par ses voisins arabes permet l’existence de la Palestine.
La Jordanie et l'Égypte ont attribué à l'entité sioniste ses frontières, respectivement est et sud.
Au nord, la non reconnaissance par le Liban et la Syrie de ses frontières fait du projet sioniste un projet inachevé.
D’ailleurs, les seules frontières qui ne souffrent d'aucun conflit depuis 1967 sont celles avec la Jordanie et l'Égypte, établies par des traités de paix.
La seule stabilité possible passe par la reconnaissance et le consentement, non par la force ou l'annexion.
Une Occasion Manquée ?
La reconnaissance de l'État palestinien par la France est un pas diplomatique important.
Il permet de donner une majorité parmi les cinq membres du Conseil de sécurité au soutien de l’État de Palestine. La Chine et la Russie ont déjà reconnu la Palestine; la France le fera en septembre. Seuls parmi les membres permanents, les États-unis et le Royaume-Uni ne l'ont pas fait.
La reconnaissance française permettra d'ajouter trois autres pays au 147 pays qui ont déjà reconnu la Palestine.
Le président de la République français est aussi co-prince d’Andorre. Il ne fait aucun doute qu’Andorre conformera sa politique étrangère aux deux pays qui la partage : L’Espagne qui a déjà reconnu la Palestine et la France qui s’apprête à le faire.
Plus indépendant, Monaco a cependant l'habitude de suivre la politique étrangère de la France.
En ne s'appuyant pas explicitement sur la laïcité pour dénoncer la militarisation identitaire et sur l'alinéa 3 de l'article 53 pour condamner les atteintes territoriales non consenties, le président de la république française n’a pas inscrit les principes constitutionnels de la France dans sa décision solennelle.
La paix en Palestine ne viendra pas seulement des capitales lointaines, mais d'un sursaut moral des peuples concernés.
Pour que ce sursaut ait lieu, il est impératif que les acteurs internationaux, à commencer par la France, rappellent inlassablement les principes fondamentaux de justice et de droit...
...Que ces principes soient universels ou qu'ils puisent dans les fondements mêmes de leur propre État.
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