Le ministère de l’Outre-mer ou comment s’en débarrasser ?
Comme le cadavre envahissant de la pièce d’Eugène Ionesco, le ministère de l’Outre-Mer est une relique qu’on garde par habitude. Il grossit dans son anachronisme et occupe un espace qu’il ne devrait plus. Comment se débarrasser de cet héritage colonialiste ? Pourquoi l’outre-mer ? Pourquoi un ministère ? Et pourquoi un ministre d’état pour faire le travail d’un super préfet de régions ?
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"Amédée ou Comment s'en débarrasser" Eugène Ionesco, Roger Planchon
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Pourquoi l’Outre-mer ?
La France est une République indivisible. Depuis 1791, cette indivisibilité est martelée dans chaque Constitution, presque comme un mantra.
1791 (Monarchie constitutionnelle) :
«Le royaume est un et indivisible.»
1793 (Première République) :
«La République française est une et indivisible.»
1795 (Directoire) :
«La République française est une et indivisible.»
1799 (Consulat) :
«La République française est une et indivisible.»
1848 (Seconde République) :
«La République française est démocratique, une et indivisible.»
1946 (Quatrième République) :
«La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale.»
1958 (Cinquième République) :
«La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale.»
L’indivisibilité, c’est l’affirmation que chaque bout de territoire français, qu’il soit à Paris ou à des milliers de kilomètres, est administré sur une base égalitaire.
Alors pourquoi isoler l’Outre-mer avec un ministère dédié ?
Si la France est une et indivisible, n’est-il pas contradictoire de traiter ces territoires comme une entité à part ?
Un ministère archaïque
Le ministère de l’Outre-mer est un vestige d’une époque révolue. Né en 1894 sous le nom de ministère des Colonies, il a traversé les décennies en changeant simplement d’étiquette : ministère de la France d’Outre-mer, ministère des DOM-TOM, puis ministère de l’Outre-mer en 1995.
Mais ce lifting sémantique ne masque pas son essence coloniale. À l’origine, il servait à administrer des territoires sous domination, avec des statuts différenciés entre les habitants «assimilés» des vieilles colonies et les «sujets» des nouvelles colonies.
Après 1946, avec la départementalisation de certains territoires comme la Martinique, la Guadeloupe ou La Réunion, l’existence de ce ministère aurait pu être remise en question. Pourtant, il persiste, tel un cadavre politique et administratif que personne n’a le courage de pousser dehors.
L’Algérie, l’exception révélatrice
Ironie de l’histoire, l’Algérie – bien que située outre-mer – n’a jamais relevé de ce ministère. Administrée comme trois départements français dès 1848, elle relevait directement du ministère de l’Intérieur. Certes, les inégalités coloniales y étaient flagrantes, mais la gestion administrative était au moins cohérente avec le principe d’indivisibilité.
Pourquoi ne pas appliquer ce modèle à l’ensemble des territoires d’Outre-mer aujourd’hui ?
Une gestion obsolète
Le budget du ministère de l’Outre-mer atteint 2,55 milliards d’euros. À titre de comparaison, la région Occitanie, seule, dispose d’un budget supérieur. Pourtant, ce ministère a à sa tête un ministre d’État, qui plus est un ancien premier ministre secondé par un directeur général des Outre-mer. Mais à quoi bon un tel appareil pour ce qui pourrait être géré directement par le directeur général des Outre-mer ?
Une anomalie politique
Avec 35 ministres dans son gouvernement, Emmanuel Macron affiche une boulimie administrative. En comparaison, l’Allemagne, pays fédéral, se contente de 16 ministres. Pourquoi tant de portefeuilles en France, et surtout pourquoi un ministère dédié à l’Outre-mer ?
Si l’objectif est de symboliser l’attention portée à ces territoires, il eut été préférable de mettre à sa tête un citoyen français issu de ces territoires..
La seule solution : l’égalité de tous
S’il reste des discriminations ou des besoins spécifiques dans les territoires ultramarins, qu’on les traite au sein des ministères existants, comme pour n’importe quel département métropolitain.
La Corse, bien qu’insulaire, n’a jamais relevé du ministère de l’Outre-mer. Pourquoi cette exception ? Parce qu’elle est considérée comme une partie intégrante du territoire.
Il est temps de généraliser cette logique.
Comme Amédée avec son cadavre, il est temps pour la France de faire preuve de courage et de se débarrasser de ce ministère archaïque.
Si nous croyons réellement en l’indivisibilité de la République, alors l’Outre-mer ne devrait plus être traité comme un cas à part, mais comme une partie intégrante et égale du territoire national.
Un acte politique fort et cohérent qui, enfin, alignerait les principes et la pratique.
Égalité et Fraternité
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