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Sous cette réussite se cache une réalité plus préoccupante : Dysfonctionnements techniques, failles de sécurité, inégalités d’accès. Autant de fissures dans le socle démocratique qui interrogent; à l’heure du tout-numérique, la démocratie se modernise-t-elle… ou s’effrite-t-elle ?
Une prouesse technologique… minée par la réalité
En théorie, le vote électronique simplifie la vie des Français de l’étranger; un clic suffit pour accomplir son devoir civique. En pratique, beaucoup ont affronté des CAPTCHA bloqués, des portails inaccessibles, et des SMS jamais reçus.
Malgré un dispositif d’assistance 24h/24 et des serveurs renforcés, le taux de délivrabilité des mots de passe n’a pas dépassé 73 à 90 % selon les circonscriptions; ce qui signifie que près d’un quart des électeurs n’a pas pu voter.Ces ratés répétés depuis 2022 ne sont plus anecdotiques; ils révèlent une fragilité structurelle du système.
La Commission d’enquête s’en mêle
En février 2025, une Commission d’enquête parlementaire sur l’organisation des élections a auditionné deux spécialistes du CNRS, Véronique Cortier et Pierrick Gaudry, pionniers de la recherche en sécurité du vote électronique.
Leur constat est sans détour; la technologie actuelle ne garantit pas la vérifiabilité complète du vote.
« L’électeur choisit un candidat sur son écran, mais rien ne prouve que c’est bien ce vote qui est enregistré », a résumé Véronique Cortier.
Les chercheurs rappellent que des attaques peuvent venir de partout; virus sur les ordinateurs des électeurs, serveurs compromis, voire tentatives d’intrusion de puissances étrangères. Et si la cryptographie peut sécuriser partiellement le processus, elle ne résout pas la question fondamentale de la confiance.
Le paradoxe du progrès
Les experts ont aussi rappelé une vérité dérangeante :
Le vote électronique n’augmente pas la participation.
L’exemple de l’Estonie, pionnière du e-vote depuis 2007, le prouve; malgré plus de la moitié des votes effectués en ligne, la participation reste autour de 63 %, comparable aux taux français.
Autrement dit, le clic ne remplace pas le civisme.
Et contrairement à l’idée reçue, les personnes âgées ne sont pas forcément les plus vulnérables; selon Pierrick Gaudry, « les jeunes cliquent plus vite, parfois sans lire, tandis que les plus âgés suivent les instructions méthodiquement ».
Transparence, sécurité… et risque de manipulation
Le débat sur la vérifiabilité est au cœur de la crise de confiance.
Les experts recommandent d’ouvrir le code source des logiciels de vote et d’encourager la participation citoyenne à la vérification, à l’image de la Suisse, qui récompense financièrement les chercheurs découvrant des failles (jusqu’à 150 000 €). Mais même avec un système transparent, d’autres menaces persistent; la pression familiale, l’achat de votes, ou la coercition silencieuse rendue possible par le vote à distance.
« On ne peut pas garantir que l’électeur vote librement chez lui », a reconnu Véronique Cortier.
Vote électronique ou vote papier ?
Contrairement à certaines idées reçues, les chercheurs estiment que le vote par internet n’est pas moins sûr que le vote par correspondance, qui souffre de retards, de pertes ou de violations du secret.
Mais rien ne surpasse le vote à l’urne, jugé par eux comme le plus sûr, le plus transparent et le plus compréhensible.
« Aucun système de vote électronique n’est aussi fiable que le vote en présentiel tel qu’il est pratiqué en France », ont-ils affirmé.
Identité numérique et contrôle citoyen
Le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères mise désormais sur une identité numérique régalienne pour remplacer l’authentification par e-mail et SMS.
Cette réforme, appuyée par la société Voxaly-Docaposte, vise à limiter les défaillances techniques et à renforcer la traçabilité. Mais elle ne résoudra pas tout; la sécurité ne dépendra pas seulement des serveurs, mais aussi de la culture numérique démocratique que nous saurons bâtir ensemble.
Un système en quête de sens
La Commission l’a rappelé, le vote à l’urne, avec sa simplicité, son rituel et sa transparence collective, reste le socle de la confiance démocratique.
Le vote électronique, utile pour la diaspora, ne doit pas devenir une excuse pour négliger la dimension humaine du suffrage.
Comme le souligne Pierrick Gaudry :
« Le jeu n’en vaut pas la chandelle : les risques du vote en ligne dépassent ses bénéfices. »
Pour que chaque clic compte
On ne cesse pas d’être pas d’être français simplement parce que l’on passe une frontière. Les Françaises et Français établis hors de France ont fait la preuve de leur volonté d’engagement politique.
Il s’agit pour l’état d’accompagner ces français qui agrandissent la France afin de leur permettre de s’intégrer pleinement dans l’expression de la volonté générale.