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Billet de blog 30 décembre 2024

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Criminalité en France : Les vérités cachées derrière les chiffres

Comprendre la criminalité, c’est prendre le tempo d'une société. Comment allait la France de 2023 ? Un rapport du Service Statistique Ministériel de la Sécurité Intérieure, publié en 2024, offrait des éléments de réponse. En 2025, est-ce trop demander à ce nouveau gouvernement de bâtir un avenir où chacun se sent protégé, respecté et libre ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Une police policée, transparente et bienveillante © Yamine Boudemagh

Une hausse des crimes signalés, mais des nuances

En examinant la période 2016-2023, il est clair que certaines infractions, telles que les agressions, les violences sexuelles et les escroqueries, ont considérablement augmenté.

Cependant, le tableau général de la criminalité reste mitigé, car plusieurs indicateurs n'ont montré aucune évolution, tandis que d'autres ont même diminué.

Parmi les tendances notables, les homicides ont augmenté de 4 % en 2023, après une hausse de 9 % en 2022. Sur l’ensemble de la période, leur évolution a été fluctuante, avec une croissance moyenne de 1 % par an, y compris les attaques terroristes, et de 2 % en excluant celles-ci.

Les tentatives d’homicides ont également connu une hausse marquée de 12 % en 2023.

Les agressions physiques sur des personnes âgées de 15 ans et plus ont progressé de 5 %.

Les violences sexuelles ont augmenté de 8 %.

Les escroqueries et fraudes de paiement ont grimpé de 6 %, avec une hausse spectaculaire de 12 % des infractions connexes. De 2016 à 2023, les victimes de fraudes sont passées de 250 900 à 411 700, soit une augmentation moyenne de 7 % par an, qui s’est accélérée dès 2019, et n’a pas ralenti même pendant la crise sanitaire.

Les vols de véhicules ont continué d’augmenter en 2023 (+5 %), retrouvant ainsi les niveaux d’avant la pandémie, après une baisse notable en 2020.

Le vol à la roulotte a également suivi cette tendance, progressant de 4 %.

Les destructions et dégradations volontaires ont augmenté de 3 % en 2023, un phénomène en partie lié aux émeutes urbaines de juin-juillet, où les actes de vandalisme avaient bondi de 135 % en une semaine par rapport à 2022. Cependant, les niveaux de dégradation restent inférieurs à ceux observés en 2019.

Les infractions liées aux drogues ont présenté des tendances contrastées. D’un côté, les personnes impliquées dans l’usage de drogues ont légèrement augmenté (+4 %), tandis que celles liées au trafic sont restées stables. Toutefois, la fin de l’année a vu une diminution partielle de l’activité policière, ce qui pourrait expliquer une légère baisse des interpellations.

Enfin, les vols à main armée ont enregistré une modeste hausse de 1 %, après une période de forte baisse entre 2016 et 2020, mais se sont stabilisés depuis.

En revanche, les vols sans violence ont diminué de 3 %, restant toutefois sous les niveaux d’avant la pandémie.

Ainsi, bien que la criminalité en France ait globalement augmenté en 2023, cette hausse reste relativement modérée par rapport aux années précédentes, et plusieurs catégories de crimes continuent de montrer des signes positifs d’une tendance à la baisse.

Cybercriminalité : une réalité émergente

Avec une augmentation de 9 % en 2023, les crimes cybernétiques (fraudes bancaires, vols de données personnelles,...) occupent une place croissante.

Ce qui est frappant, c’est que seulement 11 % des victimes de fraudes les signalent.

Honte, manque de confiance en la justice ?

Résolution des crimes : des succès et des défis

Si la police française peut se féliciter d’un taux d’élucidation de 69 % pour les homicides en 2022, les chiffres pour d’autres crimes sont plus bas : seulement 6 % des vols sont résolus.

Les violences domestiques présentent, eux aussi, un taux de résolution encourageant de 63 %. Le taux d'élucidation pour les violences domestiques est relativement élevé, probablement grâce à la présence d'un plaignant identifiable (souvent la victime) et à la prise de conscience accrue des autorités sur ce type de crime. Cependant, ce chiffre reste perfectible, car de nombreux cas ne sont toujours pas signalés par les victimes.

Qui sont les victimes ?

La criminalité frappe différemment selon les populations.

Les femmes, par exemple, sont particulièrement touchées par les violences sexuelles : en 2023, 85 % des victimes étaient des femmes. De même, pour la violence domestique dont 80 % des victimes sont des femmes. 

Dans le même temps, les hommes restent majoritairement les victimes d’homicides.

Les jeunes, notamment les 18-24 ans, sont plus souvent victimes de vols ou de violences près de chez eux.

Les résidents des quartiers prioritaires (QPV) enregistrent 15 % de victimes de plus que les autres zones urbaines.

La criminalité en France touche principalement les femmes, les étrangers, les jeunes et les pauvres.

La criminalité en France est fortement concentrée dans un nombre restreint de communes, principalement les grandes villes. Selon le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), environ 1 % des communes (soit environ 350) concentrent une proportion significative des infractions.

Par exemple, ces communes enregistrent entre 43 % des violences sexuelles ou des cambriolages de logements et 83 % des vols violents sans arme.

En revanche, une majorité de communes, souvent rurales, ne recensent aucun fait de délinquance pour certaines catégories d'infractions.

La délinquance enregistrée pour mille habitants est inférieure dans les communes rurales par rapport aux communes urbaines depuis 2016.

En moyenne 32 % de victimes de violences sexuelles pour mille habitants de plus en ville que les communes rurales

Jusqu’à 18 fois plus pour les vols violents sans arme.

Sentiment d’insécurité : entre perception et réalité

En 2023, les Français s'avouaient de plus en plus inquiets.

Le sentiment d’insécurité à domicile a augmenté de 14 %, et celui ressenti dans les banlieues de 21 %.

Les transports publics ne sont pas épargnés : 40 % des usagers se sentent vulnérables.

Pourtant, ces perceptions ne correspondent pas toujours à la réalité statistique, notamment en zone rurale.

L’insécurité ressentie est surtout le fait, voire le méfait des médias et des réseaux sociaux.

L’importance de la police de proximité

Malgré la hausse de l’insécurité perçue, la satisfaction envers la police de proximité est en hausse. Proches, accessibles, ces agents incarnent une confiance renouvelée dans la capacité à protéger les communautés.

Les Policiers de Sécurité du Quotidien (PSQ) continuent de susciter l'intérêt.  Ces derniers ont permis des avancées dans certains quartiers prioritaires grâce à une présence plus visible et une approche axée sur le dialogue. Cependant, leurs actions restent inégales et limitées par des moyens insuffisants, notamment dans les zones rurales ou non prioritaires.

Renforcer durablement cette proximité passe par des effectifs accrus, une formation adaptée, et une coopération renforcée avec les acteurs locaux.

Bien que les défis soient nombreux, recréer un lien de confiance entre police et population demeure un objectif atteignable avec des engagements clairs et des moyens adéquats.

Une réponse collective

Ce rapport de la SSMSI n’est pas qu’une liste de chiffres sur la criminalité en France.  Il en dénonce les causes : Inégalités sociales, Exclusion économique, Lacunes systémiques.

À aucun moment, il n'est fait mention d'immigration. 

L'absence de mention du mot "immigration" dans le rapport s'explique assez facilement :

  1. probablement par la volonté d'éviter la stigmatisation,
  2. probablement par la volonté de se concentrer sur d'autres enjeux de sécurité (comme les vols ou les homicides),
  3. probablement afin de ne pas établir des liens non vérifiés entre criminalité et immigration.

Espérons que ces trois principes inspireront les journalistes d'information continue et les politiciens en mal d'attraction.

Cette neutralité permet de maintenir un discours objectif et centré sur les données pertinentes pour les sujets traités.

Le 14 janvier 2025, François Bayrou prononcera sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale.

Il a annoncé qu'il ne sollicitera pas le vote de confiance des députés à l'issue de son discours. Le risque d'une motion de censure est tenace.

Espérons qu'au delà des mesures économiques et de l'adoption du budget, dont dépend la survie de son gouvernement, François Bayrou évoque un plan social plus global pour améliorer notre vivre ensemble.

Espérons qu'il trouve la force tranquille de résister à la manifestation ostentatoire de signes extérieurs d'électoralisme en vue de 2027.

Espérons un premier ministre français qui comprenne enfin que la sécurité ne se mesure pas à la taille de la matraque.

Et pour paraphraser, Serge-Christophe Kolm, la sécurité est aussi la recherche du bonheur.

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