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Billet de blog 29 février 2016

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Les Transparents, Ondjaki

Ondjaki figure dans le Top 39 (2014) des écrivains africains de moins de quarante an de l’anthologie Africa 39 . Les Transparents, traduit du portugais (Angola) par Danielle Schramm et publié aux éditions Métailié est son premier ouvrage traduit en français.

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Qu’on se le dise : la couverture est moche. En temps normal je serais passé devant ce livre sans y prêter attention. Si lors d’un repas de famille un proche avait exhibé devant moi une couverture pareille pensant tenir là une belle trouvaille, j’aurais dit «  Ah cool, ça me fait trop plaisir » me sentant après coup forcé d’accepter par politesse. Puis j’aurais allongé la pile des livres offerts, prêtés, la littérature de «  seconde zone. », celle pour laquelle il me faudra bien trouver encore une excuse lorsqu’au prochain repas de famille «  Alors, t’en as pensé quoi, dis moi ? »

Oui mais voilà, le 23 octobre dernier l’auteur de ce livre s’est présenté dans la petite salle de la Maison de la Poésie à Paris. Il portait un sac à dos et un survêtement Quechua. A côté de lui il y avait un petit homme adorable qui traduisait les réponses fascinantes et envoutantes de l’auteur angolais. Je suis entré dans la salle presque par hasard avec sans doute quelques à priori et quand je suis sorti une heure plus tard, mon carnet de notes bien ravi, j’ai acheté le livre. Une heure, assez pour qu’Ondjaki fasse apparaitre devant mes yeux la particularité de Luanda avec ses rues trouées, ses candongueiros et au centre de la ville, cet immeuble Yacoubian qui respire comme un être vivant.

Une source d’eau douce coule en abondance au premier étage de cet immeuble. Pétrole ou eau potable ? Corruption ou bien public ? Entre humour et critique sociale, Les Transparents raconte sur près de trois cents pages les histoires d’un immeuble de sept étages. Celle du MarchandDeCoquillages qui traine dans son sac le chant de la mer suivi par son ami l’aveugle qui voit beaucoup de choses même avec les yeux fermés et qui parle de choses qui se comprennent.  Tout là haut sur la terrasse, l’époux de MariaComforça, la vendeuse de poisson grillé, veut ouvrir une salle de cinéma à l’air libre avec des films pour les jeunes en journée et des pornos en clair une fois la nuit tombée. Enfin, il y a Odonato un vieil homme attachant qui un jour prend la décision de ne plus s’alimenter.  Odonato est un homme qui souffre de saudade dans toutes les directions, un homme sans densité qui finira bien un jour par devenir transparent. Il incarne la mémoire et la voix essoufflée des transparents (comprenez les pauvres). Parce que leurs prières et leurs poèmes ne sont pas arrivés à temps, ces personnages sont dans la solitude la plus atroce. Ils naissent puis disparaissent petit à petit, dans un feu couleur rouge tout doucement. L’immeuble abrite aussi des journalistes, des chercheurs, des contrôleurs, tous intéressés par les richesses naturelles du pays et le développement de la grande ville africaine.

Les dialogues font à la fois la force et la faiblesse de cet ouvrage. Chaque apparition des frères et étranges contrôleurs DaOutra et DestaVez  est à mourir de rire.  Tout en maladresse, ils peuvent par des mensonges grands comme ça, vous mettre et vous sortir de n’importe quel embarras. On regrettera cependant que certains dialogues ralentissent l’intrigue en s’étalant sur plusieurs pages sans rien apporter de nouveau au récit. Les Transparents est certainement une critique intelligente des puissants de l’Angola mais il traine  malheureusement quelques relents de mauvais films de gangster.

Les Transparents, Ondjaki, traduit par Danielle Schramm, Métailié, 21 euros. 

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