Rappelons avant toute chose que les intermittents du spectacle ne sont pas un coût pour les français mais un investissement très rentable : selon un rapport du Ministère de la Culture, les activités du spectacle vivant & enregistré ont généré en 2019 une valeur ajoutée de 21,2 milliards d'euros, soit autant que l'industrie automobile. Dans un autre rapport officiel on apprend que les retombées économiques du spectacle vivant pour les territoires (hôtellerie-restauration, commerce, transport...) sont évaluées pour 2019 à 1,4 milliards d'euros. Enfin, comme dans la musique ou le cinéma français, par exemple, il y en a pour tous les goûts, l'apport en bien-être à la population donc en productivité à tous les salariés de toutes les entreprises est considérable.
Est-ce pour autant que nos poules aux œufs d'or, les 120 000 intermittents du spectacle indemnisés en France, bénéficient d'une bonne grâce ?
Passons la cohorte d'idées reçues. Comme on vient de le voir, les intermittents du spectacle rapportent bien plus qu'ils ne coûtent.
Passons aussi le fait que pour sur les 200 000 personnes qui travaillent et cotisent chaque trimestre en contrat intermittent dans le spectacle, il n'y a que 120 000 personnes indemnisées par Pôle emploi.
Pour commencer, intéressons-nous au salaire des intermittents du spectacle. Selon les données de Pôle emploi basées sur le recouvrement des cotisations, depuis 2011 le coût salarial d'un contrat d'intermittent du spectacle a diminué de 7 % tandis que dans le même temps, selon l'INSEE, le coût de la vie a augmenté de 23 %. Autrement dit, en moyenne les intermittents du spectacle ont perdu 30 % de pouvoir d'achat par leurs salaires en 12 ans.

Agrandissement : Illustration 1

Illustration : Yann Gaudin
Avec un coût salarial horaire moyen de 22,74 € en 2022, cotisations salariales et patronales comprises, les intermittents du spectacle gagnent donc en net à peine plus que le SMIC, sauf qu'ils n'ont pas le droit à la prime d'activité par la CAF puisqu'ils sont indemnisés par Pôle emploi pour les périodes inter-contrats.
Venons-en justement aux allocations chômage.
Pour suivre l'inflation, le règlement d'assurance chômage prévoit au moins une revalorisation des allocations chaque année. Depuis 2011 cette augmentation doit s'appliquer, chaque 1er juillet, sur trois éléments :
- les montants fixes des formules de calcul de l'allocation journalière ;
- les montants fixes des minimums de l'allocation journalière ;
- le salaire de référence qui a servi à ouvrir les droits d'un allocataire, à condition que la fin de contrat de travail qui avait été utilisée pour ouvrir ces droits soit ancienne d'au moins 6 mois.
Problème : compte tenu d'un nouveau mode de calcul de l'intermittence du spectacle instauré en 2016, les intermittents du spectacle qui ouvrent chaque année des droits sur une fin de contrat de travail située entre le 1er janvier et le 30 juin ne peuvent pas bénéficier de la revalorisation annuelle de leur salaire de référence puisque leur fin de contrat de travail utilisée ne date pas de plus de 6 mois. Totalement inique.
Pire encore, à propos des deux autres éléments de revalorisation : pour les allocataires du régime général comme pour les intermittents du spectacle, la revalorisation annuelle des montants fixes des formules de calcul et des minimums est prévue à l'article 20 de leurs textes respectifs. Pour les allocataires du régime général, la revalorisation a bien été effectuée chaque année, mais pas pour les intermittents du spectacle qui ont été "oubliés" par l'Unédic au mépris de la loi.
Le montant fixe de la formule de calcul de l'allocation journalière des intermittents n'a été augmenté qu'en juillet 2023, les allocataires concernés ont ainsi subi plus de 10 ans de violation de leurs droits. Quant aux montants fixes des minimums, ils n'ont toujours pas été revalorisés depuis 2016, si bien qu'une technicienne intermittente du spectacle concernée par ce minimum et qui ne trouverait pas de contrat au mois de septembre 2023 ne touchera qu'environ 1 100 € net de Pôle emploi, tandis que le SMIC est à près de 1 400 € net sans compter la prime d'activité.
Des « privilégiés » a-t-on dit ?