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Billet de blog 2 mars 2025

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Merci à Contretemps de me rayer de la liste des voisins d'Houria Bouteldja.

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En avril 2009, le site Contretemps - qui, si j’ai bien compris, était à l’époque lié à revue papier du même nom mais ne l‘est plus aujourd’hui-, avait bien voulu publier un article que j’avais écrit à propos de l’affaire Lyssenko. C’était à l’époque pour moi le début d’un travail de recherches qui aboutira début 2026 à la publication d’une biographie du biologiste et militant communiste (stalinien) Marcel Prenant.

Outre des connexions personnelles, le choix de ce lieu de publication, à l’époque flatteur, était lié à des racines politiques communes du côté du trotskysme et de la LCR. Je me suis rapidement éloigné par la suite de l'univers intellectuel écosocialiste/écoféministe/ décolonial vers lequel a évolué une large partie de la mouvance incarnée par Contretemps-le-site-web et le NPA version Poutou-Besancenot (si j’ai bien tout suivi, car je ne suis plus que de loin). Je ne prête plus depuis longtemps  attention à ce que publie Contretemps, et il ne me viendrait plus à l’idée d’y publier quelque chose aujourd’hui, tant le fossé intellectuel s’est creusé.

J’ai néanmoins vu passer il y a peu un très soralien article signé d'Houria Bouteldja et intitulé : "Rêvons ensemble. Pour un patriotisme internationaliste". Les obsessions identitaires et racialistes de cette indigéniste obsédée par les juifs se colorent désormais de bleu-blanc-rouge et empruntent plus encore à l'extrême-droite, citant même à son appui le nazi Otto Strasser faisant la leçon au dingo Wilhelm Reich.

Illustration 1

La lointaine filiation de Contretemps d’avec Daniel Bensaïd amène à rappeler que dans sa - prudente - critique de  l’Appel des Indigènes de la République, celui-ci notait que « des deux côtés, dans la crispation républicaine, comme dans la revendication des indigènes, on constate l’effet de l’affaiblissement des références de classe et des questions de justice sociale. »  Il avait vu juste : c’est cette dissolution de la conscience de classe dans des logiques identitaires-  « républicaine » ou « indigéniste / décoloniale » - qui a creusé la tombe de la « gauche » au  cours de ces vingt dernières années, et qui obscurcit considérablement notre avenir.

Toutefois, ce que l’on ne pouvait pas percevoir à l’époque et qui a émergé ces dernières années avec la France Insoumise sous la houlette de Mélenchon, c’est une bien étrange hybridation de ces deux impasses : le discours patriotard et nationaliste sur la grandeur de la Fraaaance cohabite désormais chez les mélenchonistes avec le paradigme indigéniste qui voit dans les quartiers populaires des banlieues des grandes villes des cibles à courtiser par le biais communautariste. Un peu comme Zemmour, mais à l’envers : là où lui voit le mal absolu, la France Insoumise localise pour sa part le centre socio-géographique de son projet politique. A l’orientation politique  mise en œuvre par Mélenchon et son club de supporters manquait encore la théorisation de l’entreprise ; c’est désormais chose faite grâce à ce très surprenant texte syncrétique de Bouteldja, qui s’efforce de marier ce que l’on pensait être des contraires. Son article voit ainsi son obsession du prisme colonial être rangée sous le tapis d’un nouveau nationalisme franchouillard qui la fait aspirer à un « frexit décolonial » et « un communisme à visage patriote » aux forts relents de souverainisme anti-UE (ce n’est pas pour rien que l’expression de « Frexit » est empruntée par Bouteldja à Asselineau).

Forcément, ce tournant patriotique de la militante indigéniste qui pense le monde en termes de races – et qui a par ailleurs un vrai problème avec les juifs - rappelle le début de la geste soralienne, lorsque celui-ci émergeait de la galaxie du PCF pour théoriser via son association « Egalité et Réconciliation »  une sorte de  national-populisme qui allait très vite en faire un authentique facho.

Voir une entreprise de publication qui se réfère à Daniel Bensaïd tomber aussi bas et admettre dans ses colonnes un éloge du prisme identitaire bleu-blanc-rouge, devenu le fin du fin de l’imaginaire politique désirable, est absolument consternant. Le co-directeur de la publication, Ugo Palheta, semble avoir consacré une large partie de son temps et de son énergie des dernières années à écrire et à conférencer autour de la manière de résister à un fascisme pour lequel l’accès au pouvoir est redevenu possible. Mais s’il s’agit vraiment de trouver des pistes pour résister au fascisme qui monte, peut-être pourrait-on suggérer que ne pas lui emprunter ses obsessions et son imaginaire pour les faire siens serait déjà un bon début ?
Je ne souhaite pas être, de près ou de loin, associé à toutes les dérives incarnées par Houria Bouteldja, et c’est pourquoi je demande à la rédaction de Contretemps de rapidement dépublier mon article sur l’affaire Lyssenko et retirer mon nom de la liste de ses auteurs.


Merci à elle d’accéder à ma demande.


Yann Kindo
PS : Mon article sur l'affaire Lyssenko est désormais disponible sur mon blog, en deux parties : ici et ici.

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