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Billet de blog 1 février 2018

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LA SOCIETE DU SUJET DJIHADISTE. PUISSANCE OU IMPUISSANCE IDEOLOGIQUE ?

L'idéologique est une des formes les plus optimales pour la mise en mouvement d'un discours transformé en acte. Certains s'y accolent et supplantent l'impuissance de leur trajectoire individuelle par une puissance collective revigorée. Et L'Etat Islamique est cette réserve de violence dimensionnée dans une fulgurance apparente de puissance à mesure que l'Occident semble s'en départir...

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LA SOCIETE DU SUJET DJIHADISTE

PUISSANCE IDEOLOGIQUE, FACTEURS DE DECLENCHEMENT

ANALYSE D'UN CORPS ETRANGER...

Cet écrit puise sa source dans un entretien de la chercheuse Amélie Myriam Chelly accordé à un magazine en Aout 2017. Il est donc le produit d'une collaboration. Amélie, cet écrit est aussi le tien... : ) 

I – RELIGION ET POST-MODERNITE ; ECHEC DE LA POST-MODERNITE ; ECHEC DU RELIGIEUX ; IMPUISSANCE IDEOLOGIQUE OCCIDENTALE ET PUISSANCE IDEOLOGIQUE DJIHADISTE.

Tradition et Modernité. Religion Céleste et Religion Terrestre. Ces termes englués dans un historicisme épistémologique nous indiquent une séparation dans un ordre du monde traversé par des logiques différentes. Pourtant cette compartimentation séculaire n’indique plus rien d’absolument essentielle lorsqu’il s’agit d’analyser un nouveau phénomène d’ampleur internationale. Car L’Etat Islamique en tant que conjoncture historique ne peut se prévaloir d’être partie prenante, faisant des principes vitaux traditionnels des schémas de conception et d’action dans un modernisme all inclusive. Exactement en leurs opposés, Il les détermine au contraire, les prend en démesure et extirpe de leur symbolisme incarné toute tentative d’élaboration et de construction physique et métaphysique. La Religion Califale telle que souhaite la pratiquer L’Etat Islamique fait état de sa présence au cœur de ce que nous nommons communément " la post-modernité ". Mieux, bien au-delà de La Tradition et de La Modernité, Il en signale leur échec respectif dans l’histoire... de leur Histoire. Il accompagne ce que la Vivance Phénoménologique contemporaine, si tenter que nous puissions un jour dire qu’elle en est une, ou bien qu’elle en a une, a amorcé dans une post-modernité : Consommation de tout ordre et Communication hypra-sensorielle. Et l’Etat Islamique s’y infiltre, utilisant tous les procédés de cette technologie High-Tech en affirmant l’échec cuisant de la post-modernité dans le post-modernisme…

Car c’est précisément de cela qu’il s’agit. Un recouvrement culturel dépassant de très loin la créativité technique industrielle pour prendre la forme d’une technique financière numérique. Une culture de l’absence culturelle inconditionnée à toute pratique philosophique ainsi qu’à toute possibilité de création du collectif politique.* La post-modernité, c’est en filigrane la démesure incluse dans la réforme néo-libérale, c’est-à-dire le pragmatisme absolu de la possession économique. Et dans cette circonspection bien établie, l’idéologie collective évanescente se complait dans son évanouissement contractuel. Plus rien de fédérateur, au moins sur le plan de l’infra-politique, ne fonctionne dans une mesure adéquate. Le contrat, c’est justement l’établissement d’un compromis avec l’ère moderne : la possession économique dilapide le droit juridique au regroupement collectif bâti sur un socle de contestation du cadre néo-libérale. Les idéologies collectives terrestres disparaissant au fur et à mesure que le progrès néo-libérale s’échafaude. L’impuissance idéologique occidentale entraine par contrecoup l’émergence d’un territoire physique et idéologique absorbant le territoire des esprits dans un ailleurs géographique circonscrit, L’Etat Islamique. Ou bien en d’autres termes, La puissance idéologique djihadiste en pleine vitalité mortifère...

La modernité occidentale a produit en congrégation une somme d’idéologies globalisantes apprêtant à la diffusion de grilles de lecture du monde, distinguant elles aussi le bien et le mal. Une religion tient la promesse de sa dérogation par l’interposition de structures et d’acteurs identifiés et hiérarchisés garantissant le bonheur et la vérité dans l’au-delà. Une idéologie à contre-courant mais dans une proportionnelle bien intégrée à la logique céleste les promet ici-bas. Les grandes idéologies holistes échouent dans la postmodernité occidentale, sans qu’aucune détermination centrale n’interfère dans le sens attribué à la perspective collective de l’idéologie. Il faut désormais accepter que tout est de l’ordre de la réforme, du tâtonnement, du pragmatisme. Or, l’idéologie délivrée par Al-Qaïda et l’Etat islamique propose un sens et une explication du monde. Bien plus que cela, Ils proposent une idéologie collective surpuissante garantissant un mode salvateur individuel… et planétaire.

* Frédéric Lordon, " La gauche ne peut pas mourir ", Le Monde Diplomatique, Juin 2013. Article paru dans la Revue Le Monde Diplomatique. https://www.monde-diplomatique.fr/2014/09/LORDON/50752. Consulter  également le blog de l'économiste-philosophe, La pompe à phynance. https://blog.mondediplo.net/-la-pompe-a-phynance-?debut_posts=48#pagination_posts. 

II – LES PROFILS DIVERGENTS SELON LES CONTEXTES GEOGRAPHIQUES. 

Cette idéologie contractée à l’internationale et implantée dans une géographie régionale engage également son inscription dans des corporations. Des corporations qui regroupent des individus incorporés, et qui font de leurs propres corps des emblèmes structurales à même de rendre compte de leurs intentions.* Mais ces intentions sont parcimonieusement distribuées et ambitionnées selon la localisation géographique continentale des sujets dits « radicalisés ».** Les intentions deviennent des ambitions dès lors que les circonstances se prêtent à l’élaboration doctrinale préparatoire et pratique. Dire que le contexte géographique influence les élans vitalement mortifères est une donnée aussi incontournable que d’affirmer que les sujets radicalisés actent par leur présence et leurs intentions-ambitions le mouvement de radicalisation d’une société intégralement prise en otage par… l’Etat d’Urgence.

C'est en France par exemple le cas de Mohammed Merah***, face auquel tente de répondre le discours théologique de Tariq Oubrou.**** Les territoires idéologiques en France ont perdues de leur vigueur. Les idéologies terrestres ne permettent point une rédemption des âmes perdues (communisme, socialisme, etc.).***** A fortiori lorsque ces idéologies se sont vues annulées par celle néo-libérale, transformant les sujets radicalisés en sujets purement économiques... Ramenés à cette disposition, ils s'en sentent prisonniers et tentent ainsi d'y échapper... par une voie guerrière. Si le Djihadisme est une voie idéologique, une contre-idéologie conciliant Terre et Ciel dans l'intégration du jeu social français infléchit à large échelle la posture d'une partie des sujets radicalisés.******

Restons toujours en France dans une perspective purement psychologique. Fragilité psychologique, entendons-nous dire ici et là. FAUX. Car il existe bien des degrés divers d’entrée dans la procédure de radicalisation.******* Les plus fragiles sont les moins radicalisés. Ils stagnent dans leur état d’avancement au vu d’une impossibilité qui bloque tout élan motivateur. Les radicalisés prennent pour ambition leur intention première. Et deviennent ainsi intensivement acquis à leur cause lorsque la responsabilité de leur décision les oriente dans un schéma terroriste, autrement bien différent que celui de la frustration qui aboutit à un schéma criminel.******** Ils ne sont dès lors plus fragile psychologiquement, c’est une illusion court-termiste que d’énoncer cette assertion. Ils sont bien au contraire fort de leur conviction et de leur position. Ils sont fortement déterminés…

Car il ne faudrait bien évidemment absolument pas occulter ce paramètre. Ici se joue dans une alternative pluridisciplinaire les relations à mettre en scène. La pratique sociologique s’additionne au conditionnement évoluée de la clinique psychologie, sans altercation aucune entre ces pratiques disciplinaires. Les radicalisés pour raisons psychologiques sont très peu nombreux, affirme la jeune sociologue Amélie Myriam Chelly, même s’il est compliqué d’apporter des chiffres.

"Il faut bien savoir que nos radicalisés en Occident ne sont pas les mêmes qu’au Moyen-Orient. Ici, ce sont des enfants déçus de la post-modernité qui se radicalisent alors qu’au Moyen-Orient, la radicalisation peut exprimer des aspirations modernes restées inassouvies."*********

Le facteur psychologique demeure toutefois important. Plus que psychologique, pathologique et conscience en rupture car la radicalisation en territoire pacifié ne peut respecter la même logique que celle en territoire de guerre. La volonté guerrière en territoire de pacification s'inspire des représentations sociales du monde moyen-oriental via les canaux de diffusion internationale de l'information.

* Frédéric Lordon, " La société des affects ", Points, 2015.

** Lire l'entretien de l'universitaire Amélie Myriam Chelly accordé au journal Causeur en Aout 2017.

*** Visualiser le documentaire, " Mohamed Merah, Itinéraire d'un tueur " transmis sur France 2 en 2016. https://www.youtube.com/watch?v=x0uDlfMrxgk. 

**** Tariq Oubrou, Entretien avec Samuel Lieven, Intégration, Laicité, Violences. " Un Iman en Colère ", Editions Bayard, 2012.

***** Entretien avec Amélie Myriam Chelly. Cité ci-avant.

****** Dounia Bouzar et Farid Benyettou, " Mon Djihad, Itinéraire d'un repenti ", Editions Autrement, Paris, 2017.

******* Marc Trévidic, " Terroristes, Les 7 piliers de la déraison ", Editions Lattes, 2013.

******** Marc Trévidic, Idem.

********* Entretien avec Amélie Myriam Chelly. Cité ci-avant.

III - LES MOTIVATIONS PROFONDES. 

La géographie des conflits impose une définition nouvelle des motivations profondes qui sont à l'origine de l'investissement guerrier. On n'intègre pas les rangs de l'Etat Islamique pour des raisons univoques, des dispositions parallèles, ou d'éléments factoriels objectifs et stratégiques. Pas plus que celles-ci inspirent chez les prétendants une conviction, une détermination et une synergie vivace de développement abouti dans les procédures de l'exercice de la violence. Les motivations sont plastiques et multiformes, elles marquent en elles mêmes une myriade de possibilités, allant du curieux-désespéré au convaincu-déterminé. Ce schéma s'intègre aussi invariablement aux territoires dans lesquels elles prennent forme, selon la dimension géographique... et de son état de situation politique et militaire. Un territoire en paix ne fournit pas un bataillon motivé pour les mêmes raisons que les sujets provenant d'un territoire en guerre. La guerre fabrique des sujets déjà enrôlés dans un système d'insécurité permanente. La paix est le point de constitution de la rupture, mesure indispensable pour aboutir à un sujet de rompre et de se constituer nouvellement, dans une sorte de renaissance, à un nouvel établissement de vie. Moins l'aspiration à la modernité, ou la déception vécue dans la post-modernité, les motivations engagent aussi une poursuite ou bien une rupture...*

La réversibilité de la sortie et de l'entrée des sujets dans un domaine cultuel pratique atteste des transformations mentales et des métamorphoses structurelles des individus. En épousant une foi autre que celle d'origine, leur mise en action dans le monde réel concordera avec la rénovation complète de leur axe psychique et émotionnel, comme dans une sorte de renaissance spirituelle. Ils agiront alors différemment, dans une action, une réaction, une sur-réaction et une sur-réactivité émotionnelle, épousant pour le besoin de leur cause nouvelle des représentations du monde, parfois diamétralement opposées à celles dont leur obédience antécédente en veille ou en sommeil les enfermait dans un carcan de passivité. La nouvelle épousaille, c'est une nouvelle renaissance, une nouvelle activité, une nouvelle action... La croyance devient mode d'action. La Foi devenant politique... et idéologie.

Un phénomène classique d’acculturation au groupe culturel majoritaire….

Des enfants nés chrétiens dans un milieu où les personnes issues de l’immigration sont majoritaires vont parfois jusqu’à suivre la désespérance et l’extrémisme djihadiste de leurs connaissances.** Cela ne signifie pas pour autant que les familles issues de l’immigration restent  traditionnellement musulmanes et échappent ainsi au phénomène de sécularisation. Beaucoup de familles sauvegardent l’islam traditionnel, celui que Gilles Kepel appelle « l’islam des darons », ou alors à l'inverse quittent progressivement les impératifs religieux, tout du moins sur le plan pratique du code moral et des règles d'exercice religieuse. Face à cette évolution-désertion, des jeunes supposeront que leur famille devenue « mécréante » pourra être sauvée en allant au paradis grâce à leur martyre, une façon de réintroduire leur part d'existence religieuse au sein de cette fratrie en perdition... Quand survient la mort d’un proche dans une famille, naît une dimension métaphysique ; ce n’est plus dès lors la promesse de l’au-delà de la mort, mais bien celle qu’en ce bas monde, sa famille reviendra à la religion par la mort. Ou bien celle du retour du religieux familial par le procédé de son aptitude à créer progressivement l'éternelle question de la mort religieuse à travers celle volontariste d'un de ses membres... La mort du martyre géographiquement distant est l'occasion de racheter le salut salvateur d'une famille traditionnelle en perte de croyance... traditionnelle.

* Nous reprenons l'analyse de Amélie Myriam Chelly attribuée à Causeur en élargissant l'angle de vue.

** Entretien de Amélie Myriam Chelly. Cité ci-avant.

IV - TOUS DES BORN AGAIN...

Selon Olivier Roy, il existerait 60 pour cent de musulmans de souche et 15 pour cent de musulmans de branche (convertis) dans le nombre de départ vers l'Etat Islamique. Chez les radicalisés issus des classes moyennes, il y a beaucoup plus de convertis (environ deux tiers) que de born-again musulmans (un tiers). Chez les radicalisés issus des classes populaires, il y a un nombre plus effectif de born-again musulmans (environ deux-tiers) que de convertis (représentant environ un tiers).*

Les " musulmans de souche " et les " convertis " sont des catégories médiatiques. C'est l'expression d'une capitulation intellectuelle... dans la mesure où les enjeux sont surexploités dans un ordre des mots usités et galvaudés par le champ politique.** L'enrôlement des musulmans de souche dans cet univers de contre-sens s'effectue sur un mode total d'exclusion des principes et des valeurs cardinales de l'Occident. Soit, une reconstruction identitaire contre-religieuse et anti-doctrinale pour laquelle optent les potentielles recrues.

" Born-Again " est un concept mis en évidence par Olivier Roy.*** Celui-ci stipule la rupture totale avec un mode de vie antécédent intégré aux codes et aux mœurs émancipatrices occidentales. Le Born-Again, émancipée par deux fois, de sa condition familiale en premier lieu, originairement traditionnelle, pour accéder à l'offre moderne du mouvement libéral ; et par la suite de sa condition sociale moderne pleinement ancrée dans le flux contingent de la modernité consommatrice, afin d'y réchapper et de réintégrer un groupe fermé anti-traditionnaliste et anti-moderniste à la fois. Il s'engage donc dans une sorte de renaissance individuelle islamique authentique à sortir de la passivité religieuse doctrinale et opte ainsi pour une activité contingente pleinement reliée à un nouveau mode de vie, opérant, opérationnel et opératoire. Le Born-Again, c’est celui qui donne à sa vie le sens de l’action momentanée et immédiate…

Au cœur des pratiques multiples des sujets extrêmisés, les actes de criminalité et de terrorisme s'enracinent dans une rupture radicale avec l'ensemble des pratiques manifestées auparavant. En cela, les sujets radicalisés se retrouvent dans un circuit momentanée de résurgence personnelle, ils deviennent tous autrement-dit des born-again...

La volonté manifeste et flagrante, pulsionnelle et violente du born-again dans sa pleine manifestation du passage à l'acte conduit depuis plus de vingt-ans à la disparition de l'acteur radical et extrême, soit par suicide-kamikaze, ou bien par élimination des forces en présence, les forces de l'ordre. La mort du martyre religieux réalimente donc la question et la pratique religieuse, la situation de l'état du religieux vécu au sein de la famille, chez les musulmans de souche, comme chez les musulmans de branche que l'on nomme communément les convertis. Surtout chez les convertis...

La catégorie de convertis ne revêt pourtant pas une signification précise lorsque nous décidons de l'employer. Elle nous renseigne uniquement sur un paramètre, celui de l'entrée dans une religion dogmatisée par la pratique des sujets. Les convertis proviennent de milieux socio-professionnels et économiques parfois divergents. Les classes moyennes fournissent un contingent de soldats exfiltrés en territoire de guerre dont les sujets provenant de milieux dont l'éducation est une donnée essentielle. Ces agents sociaux ont également bénéficié d'une instruction secondaire et/ou supérieure. Ceux à l'opposé ayant évolué au sein des classes populaires et fournissant un bataillon large de combattants partagent avec les membres de cette couche sociale une identification similaire à l'intégration des codes culturels. Les conversions en zone urbaine périphérique sont accolés à la trajectoire culturelle, et donc en partie religieuse, puisque le religieux est aussi une composante culturelle de l'environnement social ambiant. Le religieux n'ayant pas déserté les milieux défavorisés, en contexte d'absence d'offres idéologiques, celui-ci devient un terrain propice à réactualiser le lien collectif. Vécu sur un mode séculier, et caractéristique identitaire inhérente à l'islam, costumé telle une identité sociale et idéologique par défaut, l'islam demeure présent dans un discours normatif et un registre lexical délimité. Le religieux devient dès lors l'unique mode idéologique de consensus culturel et collectif, celui d'un point de raccord qui poursuit une visée salutaire autant individuel que collectif.

* Entretien de l'universitaire Olivier Roy avec le journaliste Joseph Confavreux lors de la parution du livre " Le Djihad et La Mort " accessible sur le site Médiapart. L'émission s'intitule (Re)Penser L'Islam.

** Pierre Rimbert, " Le mot qui tue ", Manière de Voir, numéro 151, Février - Mars 2017. Article paru dans cette revue du Monde Diplomatique.

*** Olivier Roy, " Le Djihad et La Mort" , Seuil, 2016.

V - LES CONVERTIS : SENS, JUSTICE ET SOLIDARITE.

Leurs motivations dans l'action exploratrice et planificatrice de la violence en territoire de guerre relèvent de plusieurs causes factorielles. Elles sont dévolues non pas seulement à leur périmètre de nouvelle pratique religieuse mais tirent bien plutôt leur existence de leur situation socio-économique de classement ou bien de déclassement professionnel, reliée la plupart du temps à une instruction civique et intellectuelle fixant ainsi les fondations de leurs éthiques personnelles dans les relations continument entretenues avec une altérité autre, confessionnelle et spirituelle. Leur conversion ou leur reconversion religieuse n'exprime dès lors point leur aptitude du passage de l'entrée dans une violence. Leur perception de la réalité est soumise de prime abord à leur conditionnement social évolutif selon l'état de la trajectoire de l'individu en question. La conversion est la phase de transition officielle qui exprime au public et aux proches la métamorphose actée de leur révolution mentale. Nous l'aurons parfaitement compris. Les convertis ne sont pas seulement une catégorie religieuse. Ils sont aussi et surtout des individus socialement et économiquement située, questionnant le sens de leur existence, de la justice humaine et de la solidarité nationale.

Trois axes préfigurent ainsi une entrée dans le territoire symbolique de la guerre avant même leur départ vers l'Etat Islamique. Le premier, dans une disponibilité de l'universalisation de la lutte défendue par un discours instruit et cohérent, généralement fourni par les classes moyennes, alors déconnecté des réalités collectives et individuelles que vivent les apprentis djihadistes, c’est la perte de sens à laquelle certains ne se résolvent pas. Ils voient dans l’Etat islamique la bonne voie face à l’échec de la modernité libérale sans... modernité morale. Le second, dans une vision intellectuelle classiste prenant en considération les valeurs de la gauche française, acte par leur volonté l’empathie de l’injustice du défavorisé : un grand nombre de discours posant les populations musulmanes en victimes des injustices et de la colonisation les incite alors à se ranger de leur côté. Enfin, dans un troisième axe, dans une identification alors réelle en relation avec le contexte social des milieux populaires, certains praticiens de la cause vivent dans un milieu défavorisé sans être issus de l’immigration. Education et Instruction faisant défaut, dans la construction narrative de leur discours, ils s’identifient tant et si bien au désarroi de leurs amis musulmans qu’ils finissent par épouser la cause djihadiste.*

* Amélie Myriam Chelly, Entretien accordé à Causeur. Cité ci avant.

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