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Billet de blog 10 janvier 2019

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LA SOCIOLOGIE DES ELITES ANALYSE LA VIOLENCE DES RICHES ! (I)

La violence économique n'est pas la prérogative d'individus isolés pourvus d'une puissance de manifestation de leur richesse. Non. La violence économique est intégrée dans une structure totale, acquise à l'addition et à la multiplication de tous types de capitaux. La violence manifestée est conséquence d'une totalité politico-économique rendue légale par l'orchestration d'un système néo-libéral.

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Pour une Sociologie des élites.

FRANCE REVOLUTIONNAIRE ET SOULEVEMENT POPULAIRE : NOUS SOMMES TOUS DES GILETS JAUNES.

Monique Pinçon Charlot et Michel Pinçon. « Retour sur 30 ans d’enquête dans la classe dominante »

Compte-rendu du livre « La Violence des Riches ; Chronique d’une immense casse sociale ».

" Voilà ou en sont les "élites" : incapables de seulement voir qu'il n'est plus temps, que c'est tout un monde qui est en train de partir en morceaux, le leur, qu'on ne tiendra pas pareille dislocation avec du report de taxe ou des des taux minorés, bien content si les institutions politiques elles-mêmes ne sont pas prises dans l'effondrement général. Car il ne s'agit pas d'un "mouvement social" : il s'agit d'un soulèvement. (...) Ceci d'autant plus que, comme il a été noté, la singularité de ce mouvement tient à ce qu'il porte désormais l'incendie là où il n'avait jamais été, et là où il doit être : chez les riches. Et sans doute bientôt, chez leurs collaborateurs. "

                 Frédéric Lordon, Fin de monde ?, 05 Décembre 2018. Article paru dans son blog, La pompe à phynance.

https://blog.mondediplo.net/fin-de-monde

I - La Violence : La Richesse de La Classe Dominante.

Les Riches, La Violence, La Classe Dominante. Ces trois notions possèdent substantiellement un dénominateur commun. Elles rappellent aux citoyens le capital économique d’une élite sociale positionnée et enrôlée dans des rapports sociaux de domination à l’échelle internationale. Intégrés au cœur des institutions néolibérales du capitalisme financier mondialisé (Bourse, Marché Financier, Banque Mondiale, Fonds Monétaire International, etc.), l’exercice de la triple violence des riches, économique, sociale et symbolique, est fonction de leur appartenance à La Classe Dominante. C’est ce que nous dévoilent les travaux sociologiques de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot. Nous avons donc choisi comme support préalable à notre analyse un article des deux auteurs intitulé « Les riches vont bien, merci ; ETRE RICHE, LA CLASSE ! »1 paru et accessible sur le site de recherche en sciences humaines et sociales, Cairn.Info. Additionné à la lecture du livre nommé « La Violence des Riches » et sous-titrée « Chronique d’une immense casse sociale »2 l’objectif est de repérer, pour les besoins de notre travail, des curseurs conceptuels sociologiques mis en évidence dans l’entretien accordé par les deux sociologues3 afin de dégager des lignes directrices pour entamer et parvenir à une lecture approfondie du livre « La Violence des Riches ».

Nous retranscrirons les données sociologiques et empiriques issues de l’entretien ainsi que du livre pour retraduire ensuite dans une sorte de formalisation conceptuelle l’analyse sociologique et les données empiriques fournies par les travaux des sociologues. En considérant la richesse, la violence, la classe dominante et donc in fine la violence des riches comme des faits sociaux, nous ambitionnons de mettre à profit la captation et la circulation des biens matériels par une élite socio-économique dominante. L’oligarchie économique planétaire fonctionnant en raison de la mutation du capitalisme industriel en capitalisme financier dérégulé et mondialisé altère et oblitère dès lors le principe du partage égalitaire et équitable de la richesse par le truchement de la désagrégation sociale et politique des milieux socialement dominés. C’est à cette condition même, une conscience de classe populaire électoralement fragmentée et politiquement abstentionniste, que la conscience de classe ultra-collectiviste de la grande et haute bourgeoisie poursuit la visée de l’accroissement du capital… contre le bénéfice du travail.

Nous présenterons donc le thème de l’objet d’étude sociologique, la problématique avancée, la thèse défendue et l’argumentation socio-empirique des sociologues pour proposer un positionnement critique, non pas des arguments mis en évidence mais bien plus par la possibilité d’une offre conceptuelle complémentaire aux données empiriques. Par une approche globalisante, nous ne manquerons point de proposer un paradigme philosophique à même d’appréhender la violence des riches non point seulement comme un fait social mais aussi et surtout comme une totalité politico-économique inscrite dans une temporalité géographique et institutionnelle.

II - Néo-libéralisme. Circuit mafieux d'une structure globale de domination économique.

La thématique centrale développée par les deux sociologues, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, tout au long de leur livre propose une étude sociologique de la richesse en tant que phénomène social de violence économique exercée dans un rapport social de domination par la classe dominante à l’égard des classes dominées. Les auteurs examinent en l’occurrence la détention et le monopole du capital économique d’une élite sociale, nationale et internationale, institués dans un rapport social de domination et de violence économiques à l’égard des catégories sociales ségréguées et défavorisées. L’apanage de ce capital agit comme facteur de dépossession des ressources sociales, économiques, politiques, culturelles, voire même idéologiques des classes dominées.

La problématique soulevée déclinée en deux questions peut être énoncée de la façon suivante :

Dans quel type de système cette violence économique à l’échelle planétaire est-elle rendue possible ?

Qui sont les acteurs historiques, les agents sociaux, les structures sociales et les institutions politiques qui soutiennent le fonctionnement systémique de cette nouvelle économie spéculative internationale ?

Primo, l’exercice de la triple violence à l’échelle nationale, économique, sociale et symbolique est fonction de la servitude volontaire des pouvoirs socialistes actuellement présents au gouvernement au système économique néo-libéral. Elle se réalise dans une dimension internationale en vertu du passage du capitalisme industriel de type paternaliste et national à un capitalisme financier néo-libéral international dérégulé et perméable aux fiscalités frauduleuses, aux infractions judiciaires des classes dominantes et aux réseaux oligarchiques du libéralisme économique.

Secundo, cette triple violence n’est pas exclusive. Elle s’inclue pleinement dans une structure globale de domination économique, celle précisément des circuits « mafieux » du système capitaliste néo-libéral défini comme système légal et légitime.

Tercio, fonctionnant sur la prédation économique du travail inscrit dans les circuits de l’économie réelle, la circulation des élites sociales issues du champ politique et du champ économique au cœur des mêmes institutions néo-libérales, « la violence des riches » trouve une possibilité de concrétisation dans l’espace social en raison de la décomposition idéologique, de la désintégration politique et de la fragmentation électorale des classes dominées. Dans une forme de confrontation victorieuse vis-à-vis des catégories sociales inférieures, la classe dominante exerce sa violence économique par le support constitutif que représente le système institutionnel et institutionnalisé du capitalisme financier.

Ce sont en somme les différentes thèses défendues par les deux sociologues.

La méthode sociologique appliquée tout au long de cette étude empirique relie procédés qualitatifs et quantitatifs. A l’aide de données chiffrées et de sources statistiques, de la présentation biographique des acteurs sociaux et des personnalités publiques positionnées dans des institutions politiques et économiques, cette étude mêle outils de diagnostics scientifiques et techniques de positionnement subjectifs situés dans l’espace public.

III - Décomposition idéologique, désintégration politique, fragmentation électorale... des classes dominés. La Haute Bourgeoisie sur la voie d'une richesse multidimensionnelle.

Les propos recueillis par Aurore Chaillou avec l’aide de Jean Merckaert dans l’entretien « Etre Riche, La Classe ! » accordé par Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot offrent aussi bien un condensé synthétique de la configuration contemporaine de la richesse dans le système capitaliste que de sa perception différenciée par les différentes catégories sociales composites à l’échelle nationale. Le fonctionnement social de la Haute Société, et donc des catégories économiques extrêmement favorisées par le phénomène de l’agrégation intracommunautaire dans des aires géographiques spécifiées donne à voir une définition de la richesse extrapolée de son simple capital économique et unidimensionnel. La richesse est, par le phénomène d’agrégation tout aussi bien géographique que socioculturelle, multidimensionnelle. Le capital économique s’agrège au capital matériel (logement, moyens de locomotions), au capital social (les réseaux et les cercles de la haute société au sein desquelles les riches bourgeois sont émaillés et honorés), au capital culturel (titres scolaires et pôles d’intérêts intellectuels) mais aussi et surtout au capital symbolique (prestige, renommée et puissance capacitaire de la grande bourgeoisie à patronner l’incorporation de la domination chez les autres catégories sociales). Légitimée par la culture et les relations sociales, le phénomène actuel de la richesse se méprend d’une logique de responsabilité collective. La philanthropie et le mécénat ne font plus partie des règles du jeu économique des groupes industriels et des entreprises. Plus, les dirigeants des grands groupes en décidant de ne plus payer d’impôt optent pour une stratégie d’exit fiscal. Mais c’est précisément le nouveau rapport décomplexé à l’argent et à la richesse qui favorise l’accumulation sans vergogne du capital. Instauré en raison de la mutation du capitalisme industriel et familial de type paternaliste en capitalisme financier néo-libéral international (Bourse, spéculation et marché financier), ce nouveau rapport à la richesse introduit une vraie rupture dans les rapports de force entre les classes sociales. La conscience de classe ultra-collectiviste de la grande bourgeoisie (votes massifs à droite pour Nicolas Sarkozy en 2007) contraste fortement avec la décomposition politique des classes dominées, moyennes et populaires, combinant régression de la conscience de classe et abstentionnisme massif de l’électorat originellement de gauche.

Voici donc un double curseur, mutation néo-libéral du capitalisme et cohésion classiste collectiviste de la haute bourgeoisie4 pour introduire une lecture sociologique de la violence des riches, une grille d’analyse et d’interprétation plausible pour y suivre le fil conducteur de l’argumentation proposée par les deux sociologues.

1 Michel Pinçon, Monique Pinçon-Charlot, « Etre riche, la classe ! (Entretien) », Revue Projet 2011/2 (n°321), p.21-27.

2 Michel Pinçon, Monique Pinçon-Charlot, La violence des riches ; chronique d’une immense casse sociale, La Découverte, Paris 2014.

3 Et dont les propos recueillis par Aurore Chaillou avec l’aide de Jean Merckaert sont parus dans la Revue Projet.

4 Et cela, au détriment de la désintégration des classes économiquement dominées. Les classes sociales interagissent entre elles et se confrontent dans un jeu institutionnel de représentation politique.

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