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Sur une eau plate d'une mer argus, assis de part et d'autre sur les plats-bords d'un vieux rafiot en bois d'un bleu écaillé, l'un à l'angle de la proue, l'autre au plus proche de la poupe, deux gugus en suspension. Un tandem de vieux pêcheurs à la ligne, burinés, le mot rare, le geste lent, l'œil morne vissé sur les flotteurs assoupis: Ils tuent le temps!
- Le soleil tremble, dit l'un.
L'autre lève le nez et acquiesce du front.Promptement, des nuées d'oiseaux en formation réduisent le ciel en une grisaille monotone, d'un automne pourtant si lointain.
L'un ajouta:
- Les migrations ressemblent de plus en plus à nos fades tribulations culinaires, sans saison!
Hem, hem...hem! L'autre se raclât la gorge pour l'éclaircir:
- Elles subissent probablement les effets du changement climatique!Dans les airs, le temps est à l'accélération et l'accélération n'a pas le temps. L'hymne VIVA ZAPATA, hommage au Révolutionnaire des airs qui avait chamboulé la géostratégie planétaire, vogue en fidèle compagnon de ces processions: celles "des hommes volants" qui défient les lois de la gravitation!
Désormais, les migrants harragas (1) empruntent les voies du seigneur pour planer en toute liberté, portés pas le Zapatiste AirScooter! C'était dans le coran des choses et dans la bible des ascensionnistes.Les passeurs des mers se recyclent et rivalisent d'ingéniosité. Ils transformèrent leurs vieux rafiots et autres embarcations de fortune, ces cercueils des océans, en mini plateformes mobiles de ravitaillement en kérogène des AirScooters...Une nouvelle manne qui redessine le paysage des migrations: la guerre fait rage en pleine mer pour s'assurer les concessions stratégiques sur la trajectoire des nouvelles routes du ciel. Les puissances de l'argent guettent, quantifient, qualifient...et patientent, en amendant.
Les petits manitous des Cités quittent les quartiers nord des agglomérations qui retrouvent un peu de quiétude, pour louer leurs services de guetteurs aux grands caïds plateformeurs mobiles des hautes mers.Les mers rédemptrices dégorgent sur les berges devenues mornes, les restes des derniers harragas perdus.
Tandis que les murs trumpiens, orbanesques et tant d'autres... ne sont plus que vieux vestiges vus du ciel d'un temps ringardisé!
Les migrants de toute leur hauteur, planent parmi les bataillons de migrateurs, Cigognes, hirondelles, balbuzards, milans noirs, étourneaux, flamants roses, martinets, Cygnes, grues cendrées, pélicans...
- Le ciel est bien maussade! Il va falloir reprendre pied sur la berge, dit l'autre d'une voix aphone.
Il ajouta:
- Au ciel, on est plus proche de l'empyrée que de l'enfer des fonds des mers.
Un long silence s'ensuit. Puis, un bruit fracassant: Boum crack! Un voyageur clandestin en panne sèche a scratché brutalement avec son AirScooter laissant un trou béant dans le fond de coque: la barque prend l'eau, envoyant nos vieux gugus dans les tréfonds de l'océan!(1) Personnes majeures et mineures dont l'absence de perspectives d'avenir pousse à fuir leur pays par tous les moyens possibles.
©Yha
Portfolio 6 avril 2024
#LesRencontresInsolites
ET VIVA ZAPATA!
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