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Billet de blog 7 février 2017

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Liens entre mafia et pouvoir en Algérie : témoignage

Un témoignage hallucinant sur les liens de la mafia et des membres influents du pouvoir algérien, par un membre de l’organisation de lutte contre la corruption.

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La Web TV du site en ligne, Algérie focus, un site habitué dans la dénonciation des faits de corruption et qui lui a valu d’être persécuté à plusieurs reprises par les réseaux mafieux, voir par le gouvernement lui-même, a diffusé le 4 février 2017, en cinq parties, un témoignage hallucinant sur la mafia de Tébessa, par un membre de l’organisation de lutte contre la corruption basée dans cette ville.  Il ne s’agit pas moins d’un microcosme sur les liens entre la mafia aux manœuvres derrière les opérations de corruption et certains membres des autorités locales, qui illustre le phénomène de la corruption à l’échelle nationale et ses liens avec certains membres influents du pouvoir.

Le témoin n’a voulu révéler ni son visage, ni son nom. Il avoue avoir été poignardé à deux reprises, son magasin brulé et qu’il ne peut plus sortir la nuit avec ses collègues appartenant à cette organisation de lutte contre la corruption. Il accuse un groupe mafieux qui sévit dans la région de Tébessa, dominé principalement par deux membres, dont les tentacules parviennent jusqu’au cœur du pouvoir. Il s’agit de Moumen Ghali et Saad Garmoussi. Ces individus sont déjà soupçonnés dans l’assassinat du journaliste Beliardouh et dont ils n’ont jamais été inquiétés, au contraire, selon ce témoignage ils continuent toujours à harceler et menacer tous ceux qui dénoncent la corruption dans cette région.

Parmi les nombreuses révélations apportées dans ce témoignage, il y a l’affaire d’un terrain agricole situé à 15 km de Tébessa, que son organisation avait dénoncé en octobre 2015. Un terrain qui a été arraché à son propriétaire par Moumen Ghali et Saad Garmoussi contre une somme dérisoire de 100 millions de dinars, par une cabale montée de toutes pièces avec la complicité de la Wilaya et de la Maison de l’Agriculture. Le terrain était destiné à servir d’assiette pour l’implantation d’un site industriel, dont le chiffre d’affaire du projet était estimé à 10 milliards de dinars. La Maison de l’Agriculture et la Wilaya ont bloqué au propriétaire de ce terrain agricole l’aide financière promise aux agriculteurs pour le développement de ce secteur, en invoquant le motif de la proximité de ce terrain d’un site militaire, pour l’obliger à vendre et permettre la réalisation de ce projet, sans que la proximité du site militaire en question n’ait constitué un quelconque obstacle. De plus, en détournant des terres agricoles pour une exploitation industrielle. Mais encore, ce site industriel se situe sur l’une des principales sources d’eau qui alimentent Tébessa en eau potable, au rythme moyen de 50 litres par seconde, sans que ces derniers n’aient pris l’engagement de limiter la consommation d’eau, ce qui a pour conséquence une privation catastrophique d’une partie de la population de Tébessa en eau potable. Le témoin affirme que son organisation avait prévenu le Wali, Ali Bouguerra, dans cette affaire, en vain !

Les membres de cette organisation ne tardèrent pas à découvrir qui est réellement le Wali Bouguerra, fraichement installé à la tête de leur Wilaya, en remplacement du Wali sortant, pour comprendre les raisons de la fin de non-recevoir de leurs doléances. En effet, Ali Bouguerra était déjà impliqué en 2013 dans une affaire de marchés publics douteux passés par la direction de l’équipement et logements publics (DLEP) de Bouira, alors qu’il était le Wali de cette ville, et qui s’est soldée sans conséquences pour lui. Ce que le témoin affirme, est que Ali Bouguerra ne semble pas avoir changé ses habitudes. Ainsi le frère du député Mohamed Menaï, âgé de 34 ans seulement, bénéficiant déjà de plusieurs lots de terrain en centre-ville, toujours en jachère, et plusieurs prêts financiers, se voit encore attribuer le marché de la caisse nationale d’épargne populaire (CNEP), alors qu’un projet de réalisation d’un hôtel qui est situé juste à proximité reste inachevé et son Rdc loué à un commerçant pour 20 millions de dinars pour s’en servir comme bazar. Alors que beaucoup d’entrepreneurs compétents n’avaient pas réussi à obtenir ce marché. Ali Bouguerra ne semble pas évidement préoccupé par le développement de la ville, les affaires passent en priorité. C’est ce que semble nous dire le témoin de cette organisation de lutte contre la corruption de cette ville. En plus de cela il précise qu’il n’hésite pas de surfacturer les travaux publics en centre-ville presque du double de leur véritable tarif, sans apporter une quelconque qualité dans les réalisations. Bien au contraire, il semblerait que les défauts de réalisation rendent inexploitable une grande partie des projets après leur réception.

Ils découvrent également à leurs dépens que cette mafia entretient des relations très étroites avec le ministre de l’Agriculture, du Développement Rural et de la Pêche, Abdeslam Chelghoum, qui a déjà été impliqué dans une affaire de détournement de 1400 milliards de dinars où leurs noms ont été cités et où ils ont réussi à prendre des milliards dans cette affaire. La maison de l’agriculture de Tébessa ne pouvait que s’exécuter dans ces conditions.

Le témoin affirme que depuis octobre 2015, son organisation n’a cessé de dénoncer cette dérive auprès de la justice de Tébessa, à chaque occasion, en vain ! Aucune enquête n’a été menée, personne n’a été interpellé, ni inquiété de quelque manière que ce soit. Bien au contraire, les affaires continuaient à s’embellir de plus belle et les principaux protagonistes, Moumen Ghali et Saad Garmoussi ont même fêté publiquement le franchissement pour leur fortune du seuil de 600 milliards de dinars. Alors que pendant ce temps se sont plutôt les membres de cette organisation de lutte contre la corruption qui se retrouvent de plus en plus harcelés et persécutés.

Pour les narguer encore plus avec tous les mécontents qui tentent de se dresser sur leurs chemins et comme pour marquer leur territoire du fait accompli, Moumen Ghali et Saad Garmoussi n’hésitent pas à se vanter d’avoir la justice entre leurs mains et qu’ils bénéficient de plus de la protection du général major Benali Benali, chef de la Ve Région militaire (Constantine), promu au grade de général de corps d’armée, un grade suprême de l’Armée nationale populaire (ANP). 

Excédés par tant de prédations crapuleuses et après avoir épuisé les voies de recours à l’échelle locale l’organisation de lutte contre la corruption de Tébessa a tenté de faire parvenir une lettre au Président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Naïveté ! ce réseau mafieux se vante même de la protection de Saïd Bouteflika, le frère du Président.

Aux côtés de cette courageuse organisation de lutte contre la corruption, il ne se passe plus un jour sans que la population ne manifeste publiquement son ras le bol des agissements de la mafia, partout sur le territoire national où celle-ci sévit ouvertement dans l’impunité totale. Ce qui ne va pas sans générer une tension très palpable dans l’espace public et sur les réseaux sociaux entre celle-ci et la population. Tous les ingrédients semblent réunis pour qu’il se produise un soulèvement populaire contre la corruption, comme cela s’est déjà produit en Roumanie où la population a fini par avoir raison de cette perversion qui freine le développement du pays.

Lorsque des « hommes d’affaires » véreux déclarent avoir la justice entre leurs mains, qu’ils bénéficient de la protection de l’entourage du président et des membres du gouvernement, d’officiers supérieurs de l’armée, qu’ils fêtent publiquement le franchissement d’un seuil symbolique de leur fortune mal acquise, et au passage, enlever, menacer et tabasser des militants anti-corruption, voir les assassiner, dans l’impunité totale, la population est dans son droit de manifester contre ces pratiques mafieuses qui prennent en otage leur destin, pour les empêcher de continuer à leur nuire et s’en prémunir en semant les fondements d’un véritable état de droit. Car la corruption est aussi synonyme de fraude électorale et de perversion du processus de désignation démocratique des élus locaux et nationaux. Puisque la justice est impuissante à appliquer la loi, alors ils sont dans leur droit d’aller manifester devant les institutions chargées de neutraliser cette perversion sociale et politique, jusqu’à ce que justice soit rendue et les contrevenants arrêtés et empêchés de nuire, conformément à la Constitution.

http://www.algerie-focus.com/2017/02/web-tv-exlcusif-oligarques-utilisent-nom-protection-de-said-bouteflika-general-major-benali/

http://www.algerie-focus.com/2017/02/web-tv-exclusif-tabasses-poignardes-quils-ont-ose-denoncer-corruption/

http://www.algerie-focus.com/2017/02/web-tv-exclusif-lorsque-frere-dun-puissant-responsable-fln-foule-aux-pieds-lois-de-pays/

http://www.algerie-focus.com/2017/02/web-tv-revelations-liaisons-dangereuses-de-nos-dirigeants-politiques-mafia-de-contrebande/

 http://www.algerie-focus.com/2017/02/web-tv-elections-legislatives-oligarques-achetent-voix-fln-rnd-imposer-leurs-proches/

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