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Billet de blog 7 décembre 2015

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Algérie : Prélude à une implosion du pouvoir

La condamnation du Général Hassan s’annonce comme un potentiel prélude à la précipitation de l’implosion du pouvoir pour laisser place à une situation inédite. Une coalition d’officiers supérieurs peut à tout moment émerger et venir changer complètement les données et les enjeux à la course au pouvoir.

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     Un pouvoir usurpé ne peut durer indéfiniment. Il est condamné incontestablement à disparaître au terme de la saturation de ses contradictions. Aujourd’hui ce terme se révèle en toute clarté à travers les symptômes que laisse transparaître le paroxysme dans lequel est plongée la lutte des clans qui le constituent. Allant jusqu’à porter l’affrontement sur la place publique. Une lutte féroce s’est déclarée à son sommet sans aucune perspective d’apaisement possible, ni équilibre potentiel, à partir du moment que l’antagonisme n’est plus circonscrit à l’intérieur de son cercle. L’un des belligérants dans ce bras de fer sans issue étant disqualifié par son éjection au-delà du consensus qui garantissait autrefois son équilibre. Ouvrant ainsi la voie des hostilités vers des issues incertaines.

     Il est un adage de chez nous très lourd de sens qui tombe à point pour venir illustrer ces moments troubles où se joue une crise de pouvoir sans précédent dans l’histoire de l’Algérie depuis son accès à l’indépendance : la parole est comme un coup de fusil, une fois sortie, la balle ne revient jamais. Jusqu’à la veille de la condamnation du Général Hassan on en était encore à pousse toi, c’est notre tour ! Depuis, forts de leurs soutiens étrangers parmi les plus véreux à convoiter nos richesses et notre souveraineté, le clan du président, en l’absence de ce dernier, absent de la scène politique et absent à lui-même, s'est vu poussé des ailes de carnassiers en liquidant à tout va tous ceux qui portent en eux les stigmates de la lutte sans merci qu’ils ont mené contre les hordes de barbares des GIA, contre leurs commanditaires et les commanditaires de leurs commanditaires, ces autres hordes de prédateurs, habités sournoisement pour notre malheur par l’obsession de mettre l’Algérie à genoux, devenus aujourd’hui ces mêmes protecteurs du clan du Président.

     En s’autoproclamant dépositaire de la légitimité constitutionnelle en vigueur, le clan ayant pris l’initiative dans le déclenchement des hostilités s’autorise par effronterie le transfert de sa propre violence contre la souveraineté législatrice du peuple, par le biais de laquelle il a usurpé cette légitimité, sur le clan adverse, en qualifiant son « intrusion médiatique », par la voie des canaux de ses Berrahates, de « violence inouïe ». Il ne s’agit en fait que d’une surenchère déguisée, par la volonté du transfert de cette violence du symbolique à l’affrontement. Car celle-ci a déjà fait l’objet de son étalement à la veille même de l’usurpation de cette légitimité et de sa confiscation au peuple. C’était au temps où les drabkyas criaient sur tous les toits du monde l’avènement d’un État Civil ! Pour n’aboutir après coup qu’à un État fantôme, aussi fantôme que l’est son propre Président et dont seules les chkarates sont rendues visibles et exhibées cyniquement à la lumière du jour.

     Comme le dit l’adage, une fois sortie, la balle ne revient jamais. Les hostilités sont à présent sur la place publique et le mal est déjà fait. À l’acharnement judicaire des uns répondent par une incrimination infondée et injuste les autres, sous forme d’une intrusion médiatique malgré leur devoir de réserve. Dans ces conditions, il n’est plus possible à présent au clan au pouvoir de renoncer aux poursuites judiciaires des auteurs du manquement à ce devoir de réserve, faute de quoi ils se décrédibiliseraient devant le personnel de l’armée, des services de sécurité, de la société civile et de l’opinion publique, dont les conséquences seront imprévisibles. Dans le cas contraire, où ils décident de les inculper cela signifie la fin de l’opacité derrière laquelle ces parodies de justice sont orchestrées. Le déballage peut aller jusqu’à l’évocation de l’illégitimité du clan au pouvoir et sa confiscation de l’État et des institutions, auxquelles il faut ajouter les implications dans diverses affaires de corruption et de constitution de fortunes mal acquises, dont le DRS détient certainement toutes les preuves requises. La surenchère dans le déballage peut encore aller de part et d’autre très loin, aussi loin jusqu’à l’évocation des crimes commis contre le peuple depuis l’accès de l’Algérie à son indépendance. D’une façon ou d’une autre le clan au pouvoir s’est fait piéger par lui-même dans ce bras de fer sans issue. Comme le dit l’adage, l’incrimination du Général Hassan est comme un coup de fusil, une fois la condamnation prononcée sous forme d’une parodie de justice, son annulation signifie une victoire du clan adverse. Ses Berrahates peuvent brailler à tue-tête à qui voudrait les entendre, « le pouvoir de nuisance » de l’autre clan n’est pas si nuisible comme on voudrait le faire apparaître. Car il compte comme force de soutien au sein de l’ANP, des forces de sécurité, à l’intérieur de la société civile, au sein de l'dministration, des syndicats et dans l’opinion publique autant de résonance à faire valoir jusqu’à faire craindre le pire. Pour reprendre l’image caricaturale faite par l’une des victimes de cet acharnement judiciaire, le véritable pouvoir de nuisance revient plutôt à celui qui « n’a comme appui qu’une chaise et un téléphone » et se contentant d’agir sous influence en échange de l’ivresse d’un pouvoir virtuel.

     À priori aucune issue sereine et apaisée à ce bras de fer larvé ne semble possible, ni envisageable. La condamnation du Général Hassan s’annonce comme un  potentiel prélude à la précipitation de l’implosion du pouvoir pour laisser place à une situation inédite. Une coalition d’officiers supérieurs peut à tout moment émerger et venir changer complètement les données et les enjeux de la course au pouvoir.

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