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Billet de blog 8 février 2017

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Algérie : Pourquoi ce silence des médias et de l’opposition sur la corruption

Que les médias et l'opposition politique ne nous disent pas on ne sait pas qui vole quoi, le peuple lui le sait et le clame haut et clair dans les cafés et sur la voie publique.

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Pourquoi ce silence face au fléau de la corruption, qui paralyse le pays dans son économie, dans la vie politique et dans tous les domaines moteurs du développement ? Pourtant il ne se passe pas un jour sans que des millions, voire des centaines de millions, pardon ! des milliards et des milliards de dinars ne soient happés par la spirale de l’argent sale sur tous les coins et les recoins du territoire (des affaires) national ! Le plus méprisant dans cette affaire d’affaires, c’est que ces milliers, voire des dizaines de milliers et plus encore, des centaines de milliers, allant jusqu’à des millions, si l’on considère que le corrupteur est au même titre un combustible actif au profit de cette gigantesque spirale d’argent sale qui gangrène l’essence même des relations sociales et qui déteint sur la population entière, s’auto attribuent avec fierté le statut d’hommes d’affaires ! Voilà l’affaire. Un statut devenu une valeur nationale et intériorisé par la population qui s’en est accommodée par résignation et surtout par nécessité, étant devenue la règle en s’imposant en tant que norme. Etre homme d’affaires c’est afficher fièrement sa capacité à pervertir publiquement la probité par son antonyme la duplicité, défiant ouvertement le surmoi collectif et tout autre censeur ou moralité. Puisque la scène se déroule dans un Etat de non droit où la Justice obéit aux mêmes règles qui régissent ce monde d’affaires, tantôt corrompue, tantôt corruptrice, qui donc pour juger du bien- fondé d’une telle valeur pervertie à outrance et intériorisée par la population entière. Les médias peuvent-ils survivre en autarcie et agir contre tous face à cet intrus anthropologique qui agit en mutant civilisationnel ? Le silence ça s’achète aussi sur le marché des affaires. A-t-on vu des comptes rendus sur ce monde corrompu remplir les colonnes des médias nationaux dits indépendants du système que régit cette justice corrompue et corruptrice ? Et pourtant, il suffit de s’assoir un bref instant dans n’importe quel café, partout sur le territoire national, et tendre l’oreille aux supplices et aux gémissements d’une population à vif de nerfs, pour assembler le puzzle de la honte qui gangrène la marche en avant de la construction de l’Etat, de la Nation et du développement national. Vous saurez tout. La hiérarchie des réseaux, leurs membres, leurs secteurs de prédation, les membres occultes et protecteurs, parrains disséminés dans les hautes sphères du pouvoir, leurs querelles intestines et leurs règlements de comptes conséquents et ainsi de suite. Il suffit à ces médias qui s’empressent à crier sur tous les toits du monde leur statut de contre-pouvoir de suivre l’odeur de l’argent pour rentrer à la rédaction avec une bonne cueillette à déguster entre gens de bonne famille et de pouvoir partager avec les voisins comme c’était le cas au tournant de l’indépendance, avant que cette calamité ne s’abatte sur nous et ne paralyse la marche de notre glorieuse Histoire, tombée hélas en désuétude en ayant fait de nous la risée des peuples. Ainsi apprend-on aux alentours du gigantesque chantier de la ville nouvelle Ali Mendjeli à Constantine, devenue un terrain de prédation par excellence pour ces véreux hommes d’affaires, cupides, immoraux et de surcroit cyniquement et froidement ingrats envers la mémoire du Moudjahed dont la ville porte le nom, s’y ruer pour arracher la moindre parcelle de la carcasse de la charogne qu’elle est devenue. La mafia du foncier fait rage et cela enrage encore plus la population, dont les éclats de voix jaillissent des cafés comme des coups de tonnerre, se consumant dans le paysage sonore sans pouvoir trouver d’écho pour durer efficacement et pouvoir donner le coup de grâce à cette meute de rapaces, ces fossoyeurs de l’espoir et des trajectoires tracées par les compagnons du Moudjahed Ali. Une véritable gangrène qui infecte tout sur son passage. Des acquisitions multiples dans le foncier par accointances à des prix bradés et revendus avant même de les avoir payés, avec des bénéfices se chiffrant en dizaines, voire en centaines de millions de dinars, sans autre effort que celui d’intégrer le bon réseau et de s’y maintenir en observant scrupuleusement le code d’honneur qui préside à la règle fondamentale à la base de tout fonctionnement de nos institutions et de l’Etat, à défaut d’un Etat de droit régis par des principes démocratiques. Du côté du faubourg Zouaghi et au-delà de Ain El Bey, des programmes sociaux de maisons OPGI revendus par ciblage téléphoniquement. Des terrains destinés aux équipements, initialement prévus pour accompagner les besoins d’une population en constant accroissement, sont détournés pour construire des villas luxueuses, alors que la ville enregistre un déficit grave en matière de classes scolaires. La ville n’est dotée depuis longtemps que de deux écoles, alors que la population a doublé ! Des terrains agricoles requalifiés arbitrairement, en violation de tout principe de plan directeur d’urbanisme, pour permettre une redistribution de lotissements entre les différents tentacules de la pieuvre du foncier. Il est question aussi de terrains appartenant à des proches de membres importants du pouvoir qui ont bénéficié d’un traitement spécifique avec transformation des accès et de viabilisations particulières pour bénéficier de meilleures dispositions et de valorisations foncières.

Loin de là et certainement partout ailleurs dans nos villes et villages la vie économique n’enregistre du dynamisme, stérile, il faut le dire, que là où les corrompus sont à la manœuvre. Telle cette ville prise en otage par une bande de malfaiteurs dont les tentacules parviennent à s’agripper jusqu’au cœur du pouvoir. Il s’agit de la ville de Tébessa, dont la dénonciation sur une Web TV privée par un militant d’une organisation de lutte contre la corruption de ce qui s’y passe ne laisse aucun doute sur la représentativité de ce microcosme en tant schéma général du rapport entre la mafia et certains membres influents du pouvoir.

Ce témoin n’a voulu révéler ni son visage, ni son nom. Il dit être harcelé, persécuté et terrorisé. Il avoue avoir été poignardé à deux reprises, son magasin brulé et qu’il ne peut plus sortir la nuit avec ses collègues de l’organisation de lutte contre la corruption. Il accuse un groupe mafieux qui sévit dans la région de Tébessa, dominé principalement par deux personnes, qui ont déjà été soupçonnés dans l’assassinat du journaliste Beliardouh et dont ils n’ont jamais été inquiétés, au contraire, selon ce témoin ils continuent toujours à harceler et menacer tous ceux qui se dressent contre leurs affaires et dénoncent la corruption dans la région.

Parmi les nombreuses révélations apportées dans ce témoignage, il y a l’affaire d’un terrain agricole situé à 15 km de Tébessa, que son organisation avait dénoncé en octobre 2015. Un terrain qui a été arraché à son propriétaire par ces deux personnes contre une somme dérisoire de 100 millions de dinars, par une cabale montée de toutes pièces avec des complicités de la Wilaya et de la Maison de l’Agriculture. Le terrain était destiné à servir d’assiette pour l’implantation d’un site industriel, dont le chiffre d’affaire du projet était estimé à 10 milliards de dinars. La Maison de l’Agriculture et la Wilaya ont bloqué au propriétaire de ce terrain agricole l’aide financière promise aux agriculteurs pour le développement de ce secteur, en invoquant le motif de la proximité de ce terrain d’un site militaire, pour l’obliger à vendre et permettre la réalisation de ce projet, sans que la proximité du site militaire en question n’ait constitué un quelconque obstacle pour ces derniers. De plus, en détournant des terres agricoles pour une exploitation industrielle. Mais encore, ce site industriel se situe sur l’une des principales sources d’eau qui alimentent Tébessa en eau potable, sans que ces derniers n’aient pris l’engagement de limiter la consommation d’eau, de sorte qu’il n’y a pas de conséquences sur les capacités de livraison d’eau potable pour une partie importante de la population de Tébessa, sachant qu’un tel site industriel est un grand consommateur d’eau. Le témoin affirme que son organisation avait prévenu le Wali dans cette affaire, en vain ! De fil en aiguilles, en égrenant son chapelet de dénonciations, il cite cet autre fait typique de la corruption, celui qui concerne l’attribution des marchés publiques, non pas sur des critères de compétitivité et de rentabilité pour les institutions publiques, mais toujours sur la base d’intérêts et d’accointances. Cette fois-ci le témoin affirme que le frère d’un député FLN, âgé de 34 ans seulement, bénéficiant déjà de plusieurs lots de terrain en centre-ville, toujours en jachère, et plusieurs prêts financiers, se voit encore attribuer le marché de la caisse nationale d’épargne populaire (CNEP), alors que l’un de ses projets, ici la réalisation d’un hôtel, qui est situé juste à proximité, reste inachevé et son Rdc loué à un commerçant pour 20 millions de dinars pour s’en servir comme bazar. Alors que beaucoup d’entrepreneurs n’avaient pas réussi à obtenir ce marché, ni d’autres marchés publics d’ailleurs, malgré leurs compétences et leur disponibilité. Le constat ici est sans appel, car les autorités locales ne semblent pas évidements préoccupés par le développement de la ville, les affaires passent en priorité. C’est ce que semble nous dire le témoin de cette organisation de lutte contre la corruption. En plus de cela il précise qu’ils n’hésitent pas à surfacturer les travaux publics en centre-ville presque du double de leur véritable tarif, sans apporter une quelconque qualité dans les exécutions. Bien au contraire, il semble que les défauts de réalisation rendent inexploitable une grande partie des projets après leur réception.

Notre témoin dit avoir découvert à la suite de plusieurs années d’enquête que tout ce bon monde entretient des relations très étroites les uns avec les autres, solidairement, en parvenant à mettre les mains basses sur la ville et ses affaires et dont les ramifications et les soutiens parviennent jusqu’à des membres influents au pouvoir.

Il affirme de plus que depuis octobre 2015, son organisation n’a cessé de dénoncer cette dérive auprès de la justice de Tébessa, à chaque occasion, en vain ! Aucune enquête n’a été menée, personne n’a été interpellé, ni inquiété de quelque manière que ce soit. Bien au contraire, les affaires continuaient à s’embellir de plus belle et les deux principaux protagonistes, se sont même permis le privilège de fêter publiquement le franchissement pour leur fortune du seuil de 600 milliards de dinars. Alors que pendant ce temps se sont plutôt les membres de cette organisation de lutte contre la corruption qui se retrouvent de plus en plus harcelés et persécutés.

Pour les narguer encore plus ainsi que tous les mécontents qui tentent de se dresser sur leurs chemins et comme pour marquer leur territoire du fait accompli, les deux malfrats en question n’hésitent pas à se vanter d’avoir la justice entre leurs mains, qu’ils entretiennent de bonnes relations avec le ministère de l’agriculture et qu’ils bénéficient de plus de la protection d’un général major, qui a même été promu au grade de général de corps d’armée, un grade suprême de l’Armée nationale populaire (ANP). 

Excédés par tant de prédations crapuleuses et après avoir épuisé les voies de recours à l’échelle locale cette organisation de lutte contre la corruption de Tébessa a tenté de faire parvenir une lettre au Président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Après coup ils se sont senti floués, car ce réseau mafieux se vante même de la protection du frère du Président.

Que les médias ne nous disent pas on ne sait pas qui vole quoi, le peuple lui le sait et le clame haut et clair dans les cafés et sur la voie publique. Mais pourquoi alors ils ne disent rien ou pas grand-chose. Sont-ils si indépendants et si libres qu’ils ne le laissent croire, lorsqu’il s’agit de répercuter les conclusions fracassantes des journalistes du monde libre sur l’implication de quelques membres du pouvoir dans l’un de ces réseaux de la pègre internationale du pétrole, pour ensuite laisser le champs libre au pouvoir, indifféremment, pendant que ce dernier en fait de véritables boucs et émissaires, des lampistes qui tombent à point pour se faire une virginité aux yeux de l’opinion nationale et internationale pendant que ceux-ci se prêtent volontairement à ce jeu sans aucune inquiétude. Il y en a même qui songent se porter candidat à la présidentielle. Pourquoi pas ! n’est-ce pas que cet attribut principal, celui du corrompu des corrompus, est devenu dans notre société la valeur suprême pour être éligible à la place du premier magistrat de la Nation, pour laisser fleurir les affaires nauséabondes qui font courir nos grands électeurs. Il se peut aussi, c’est même certain, que nos journalistes tout frêles, sans aucune protection, ni garanties sécuritaires, sont terrorisés à l’idée d’enquêter à une échelle de proximité et d’étaler sur les colonnes de leurs médias les frasques des mafias locales et les réseaux auxquels ils sont organiquement intégrés. Il y va de leur vie, cela s’entend. Mais alors il faut le dire et ne pas tromper son monde avec des affabulations telles que de se prendre pour des contre-pouvoirs. Mon œil. Aux côtés de cette courageuse organisation de lutte contre la corruption, il ne se passe plus un jour sans que la population ne manifeste publiquement son ras le bol des agissements de la mafia, partout sur le territoire national où celle-ci sévit ouvertement dans l’impunité totale. Ce qui ne va pas sans générer une tension très palpable dans l’espace public et sur les réseaux sociaux entre celle-ci et la population. Tous les ingrédients semblent réunis pour qu’il se produise un jour un soulèvement populaire contre la corruption, comme cela s’est déjà produit en Roumanie où la population a fini par avoir raison de cette perversion qui freine le développement du pays.

Cette dangereuse hypothèse semble être très plausible, car lorsque des « hommes d’affaires » véreux déclarent avoir la justice entre leurs mains, qu’ils bénéficient de la protection de l’entourage du président et des membres du gouvernement, d’officiers supérieurs de l’armée, qu’ils fêtent publiquement le franchissement d’un seuil symbolique de leur fortune mal acquise, et au passage, enlever, menacer et tabasser des militants anti-corruption, voir les assassiner, dans l’impunité totale, la population est dans son droit de manifester contre ces pratiques mafieuses qui prennent en otage leur destin, pour les empêcher de continuer à leur nuire et s’en prémunir en semant les fondements d’un véritable état de droit. Car la corruption est aussi synonyme de fraude électorale et de perversion du processus de désignation démocratique des élus locaux et nationaux. Puisque la justice est impuissante à appliquer la loi, alors ils sont dans leur droit d’aller manifester devant les institutions chargées de neutraliser cette perversion sociale et politique, jusqu’à ce que justice soit rendue et les contrevenants arrêtés et empêchés de nuire, conformément à la Constitution.

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